Le 2 mars, Jaques Parizeau: « N’ayez pas peur de vos rêves. »
Le 5 mars, Henry Aubin: « Les lendemains de l’indépendance seront cauchemardesques. »
Le 13 mars, Keith Henderson: « Pourquoi Aubin craint-il de parler de partition? »
Il a suffi à Jacques Parizeau de lancer cette simple phrase « N’ayez pas peur de vos rêves » pour que la peur s’installe à demeure chez bien des personnes d’influence dans la communauté anglo-montréalaise. Ce pourrait-il que Monsieur leur donne tout autant la chair de poule que dans les belles années où, grâce à sa détermination, l’idée de l’indépendance avait atteint des sommets de popularité jamais égalés depuis ?
Un facteur à risque : les moins de 35 ans
Ce qui fait paniquer tout ce beau monde, c’est que ce « N’ayez pas peur» ait été lancée lors d’un congrès d’un nouveau parti qui, en l’espace de dix-huit mois, a réussi à attirer huit mille personnes ayant accepté d’en devenir membres en règle. Autre raison d’avoir peur : contrairement aux rassemblements péquistes, les têtes blanches étaient rarissimes en ce samedi 2 mars dans cet immense plancher du Palais des Congrès. Une salle comble où était assemblée une majorité de jeunes hautement scolarisés, tous accrochés aux lèvres de leur président, un Jean-Martin Aussant clamant que l’indépendance est non seulement réalisable, mais qu’elle est d’une nécessité économique absolue pour le Québec.
Ces jeunes militants risquent fort, craint-on en certains milieux, de transformer du tout au tout la face du Québec. Si, dans les années cinquante, la télé naissante avait été un important facteur de changement sociétal, qu’arriverait-il si ces jeunes s’emparaient des nouvelles technologies de communication pour déclencher une Révolution tranquille bis ? Peut-être y aurait-il alors un nouveau bruit de casseroles. Cette fois impossible à étouffer.
À la Gazette, on s’inquiète. L’hiver 2013 avait pourtant bien débuté. Avec le Pastagate, on se félicitait d’avoir si bien réussi à noircir l’image de l’Office de protection de la langue française. En outre, les médias francophones avait grandement couvert la manif du 17 février contre le « Bill fourteen ». Tellement que Guy A. Lepage s’est senti obligé d’inviter Beryl Wajsman du Suburban à Tout le monde en parle. Tout allait donc bien pour la cause du bilinguisme et de l’unité canadienne, mais l’élan risquait de se briser avec une trop grande couverture du congrès d’Option nationale par la presse franco-québécoise.
Il arriva que, ni Quebecor, ni Radio-Canada et les journaux de Desmarais n’accordassent la moindre importance au dit congrès. Signalant seulement – et comme toujours - que l’intervention de Parizeau risquait de diviser davantage le mouvement souverainiste. Un souci de moins pour la Gazette. Il reste que Macpherson ne pouvait ne pas en parler.
Un Macpherson pas trop inquiet
De son texte du 5 mars, The problem with Option nationale, j’en traduis le sous-titre qui résume toute la pensée du chroniqueur : « Malgré son habileté à recruter les jeunes, ce parti est incapable d’élargir son électorat. »
Macpherson y manifeste son souverain mépris envers Jacques Parizeau. « En dépit de la jeunesse de ses membres, écrit-il, ce nouveau parti est sous l’influence de vieux politiciens avec leurs vieilles idées. On est habitué à des chroniques plus virulentes de la part de Macpherson même si, au passage, il n’oublie point de signaler que le bouillant Patrick Bourgeoi fait maintenant parti du cénacle de l’ON. Un Macpherson donc, pas trop inquiet en ce qui concerne le futur du Canada. L’âme inquiète dans la Gazette de ce mardi 5 mars, c’est plutôt l’analyste du journal en affaires montréalaises C’est donc Henry Aubin qui s’assume de la tâche de pilonner Parizeau et Aussant.
Un Aubin déchaîné
Sa chronique déborde de menaces. À le lire, il semble bien que l’indépendance est à nos portes. Et que le ciel va nous tomber sur la tête. Pour utiliser ton et message aussi corrosifs, Aubin a-t-il reçu l’imprimatur de ses patrons? Quand on sait comment il a su agiter les esprits et les cœurs lors des fusions et défusions municipales, on peut aisément le croire.
An independent Quebec would relax language. En chapeautant ainsi son texte on pourrait croire que, le Québec devenu pays, la loi 101 deviendrait caduque tellement les parents néo-québécois ne verraient plus la nécessité pour leurs p’tits mousses d’un enseignement en anglais. Le chroniqueur remet vite les pendules à l’heure avec son très explicite sous-titre, « ECONOMIC TROUBLES would trump fears ».
On aura compris que, suite à un référendum gagnant sur la souveraineté, le déclin économique du Québec sera tellement catastrophique que la majorité de la population exigera l’enterrement pur et simple de la Loi 101.
Aubin veut ainsi répondre à la question que Jacques Parizeau avait posée aux congressistes : « Qu’est ce qu’on fait avec les écoles anglaises dans un Québec libéré des contraintes de la Cour suprême? » Aubin y répond en se basant sur l’exode massif des Anglos vers l’Ontario en 1977. À son avis, une autre hémorragie démographique risque de se produire s’Il fallait qu’un jour le oui l’emporte. Des milliers d’anglophones vont alors quitter le Québec, prédit-il. Avec en poches leurs dollars et en tête leur savoir-faire. S’envoleront ainsi tous les impôts que ces jeunes productifs payaient à la province. Bref, Aubin nous prédit une apocalypse à la sauce grecque.
Un Aubin déconnecté
Il y a quelque chose que, par les temps qui courent, ni Macpherson, ni Aubin, ni la direction de The Gazette, ne semblent pas avoir compris. Ou font semblant de ne pas comprendre. Crier ainsi à corps et à cris contre toute volonté d’émancipation de la part de la majorité ne fait que pousser déjà bien des Anglos vers l’exode. Ce qu’ils gagnent en papier vendu et en Néo-Québécois décidés à voter pour « le parti des Anglais », ils le perdent en voisins et amis se laissant convaincre qu’au Québec en 2013, c’est l’enfer.
Ce qu’Aubin ne tient point à signaler, c’est que pullulent présentement à Paris les demandes de jeunes Français scolarisés, fin-prêts à s’installer dans les potentielles maisons délaissées du West-Island. Ce qu’il ne veut en rien parler, c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux les jeunes Anglos bilinguisés, qui ne se laissent plus convaincre de notre intolérance viscérale envers leur ethnie. Et nombreux sont des ex-Quebecers qui, ayant la nostalgie du pays, reviennent à Montréal et s’installent « sur le Plateau », question de vivre au cœur du bouillonnement culturel métropolitain.
Et ils seraient encore plus nombreux à ne pas partir- ou à entreprendre un retour, si le journal The Gazette travaillait pour une fois dans l’intérêt économique du Québec, en faisant par exemple connaître à ses lecteurs les écrits de la regrettée Jane Jacobs. Cette éminente urbaniste étasunienne, de renommée internationale, a vécu plusieurs années à Toronto. Ce qui ne l’a jamais empêchée de répéter à tous vents que le Québec subira un inexorable déclin s’il n’accède pas à l’indépendance.
Une Gazette plus équilibrée ?
Ne serait-ce pour quelques fois donner un son de cloche différent que celui que constamment bourdonnent les Macpherson et Aubin, la direction The Gazette, ne pourrait-elle pas publier le point de vue d’académiciens patentés qui s’inquiètent de la très commencée et inexorable louisianisation du Québec?
Ainsi, il y a quelques mois, lors de la parution du livre La question du séparatisme de Jane Jacobs, il aurait été avantageux pour ses lecteurs de savoir que Robin Philpot, écrivain et éditeur anglo-ontarien de souche, avait interviewé en 2006 l’éminente urbaniste. C’était quelques mois avant son décès. Et elle lui aurait déclaré qu’elle n’avait jamais changé d’avis sur la viabilité d’un un Québec indépendant, opinion qu’elle avait défendue dans son livre, The Question of separatism, publié juste avant le référendum de 1980.
Pourquoi ne pas également permettre à un autre de leur compatriote anglophone, le professeur Charles Castonguay d’y étaler ses tableaux démontrant très scientifiquement que ce n’est pas l’anglais mais bien le français qui est en péril à Montréal ?
Place plutôt aux boutefeux
En lieu et place, The Gazette préfère donner une large tribune au boutefeu Keith Henderson. Dans son texte Partition would be back on the table if Quebec secedes, publié le 13 mars, l’ex-chef de l’Equality Party semonce Henry Aubin pour avoir négligé « la question territoriale » dans son papier du 5 traitant d’Option nationale. Et c’est en se référant au Clarity Act qu’il critique la mollesse de son confrère.
Étrange confusion apportée par cette très mal nommée loi : dans sa très officielle version française, telle qu’on peut la lire sur la Toile, et dont on nous spécifie qu’elle a été modifiée le 15 mars, soit deux jours avant l’article de Henderson, n’apparait aucunement le paragraphe que celui-ci a extrait de la version anglaise.
Preuve donc que nous nageons ici en pleine méli-mélo politique, le paragraphe commençant par « No Minister of the Crown shall propose a constitutional amendment to effect the secession of a province » n’apparait donc pas dans la version française de la Toile. C’est pourtant celle qui, de l’avis de Henderson, concerne la négociation des frontières avec un Québec faisant sécession du Canada.
Il est ici évident que le gouvernement canadien cherche ici à donner l’image de la bonne grand’mère qui n’a pas encore été bouffée par le méchant loup. Une autre raison ici pour féliciter le député Patry d’avoir passé au Bloc. Et de crier notre honte à tous les autres députés québécois du NPD qui ne l’ont pas suivi.
Tant The Gazette que les élites politiques canadiennes savent très bien que cinq spécialistes en droit international se sont penchés sur le cas spécifique du Québec. Ils l’on fait après avoir été invités par la Commission sur les questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté ou CQAAQS. Cette commission avait été en 1991 mise sur pied par nul autre que le premier ministre Robert Bourassa à la suite de l’Échec de Meech.
Voici ce que ces cinq experts ont écrit dans leur rapport concernant nos frontières. « Il en résulte que, dans l’hypothèse de l’accession du Québec à la souveraineté, ses frontières seraient garanties contre toute remise en cause de la part du Canada aussi bien que de tout autre État. »
Le sordide objectif de Henderson.
Et qui est, faut-il le dire, également celui de la Gazette, du Suburban et de certaines stations de la radio anglophone. C’est donc par parenté idéologique que, le 13 mars dernier, The Gazette a encastré le papier de l’ex-chef du Parti Égalité dans sa case LETTER OF THE DAY.
Toutes les fois que le journal a traité de « partition du Québec », il l’a fait en cherchant à démontrer à ses lecteurs qu’ils pourront rester dans le Canada si le Québec accède à l’indépendance. Ce qui est d’une fausseté absolue. Qu’importe. Tout ce qui compte c’est de mobiliser nos bons vieux anglos du West-Island et d’autres villes maintenant défusionnées au cas où les séparatistes ayant pris majoritairement le pouvoir, décident de faire un référendum sur l’indépendance du Québec.
Il s’agit de préparer les esprits pour qu’alors le plus de monde possible descendent dans la rue avec unifolié à la main. Si en 1980 et en 1995, nous avons eu droit à des Love-In, il se peut que, pour une troisième fois, ce genre d’opération ne marche point tout aussi bien. Vaut mieux dès lors penser à un Fear-In, une opération de peur qui pourrait faire réfléchir les Québécois et les Québécoise avant de jeter dans l’urne leur bulletin coché OUI.
Pourquoi ce Fear-In ne réussirait pas, semblent dire les Henderson et autres Trudeau ? Ont eu, après tout, un vif succès, les manifs que nous avons organisées contre les fusions en 2002, ainsi que la plus récente contre la loi 14. Nous avons d’autant plus de chances que les médias franco-québécois n’osent pas parler de ces sujets. Ils ont tellement peur de la chicane!
Une Gazette qui fait honte à son fondateur.
En 1776, le Français et très voltairien Fleury Mesplet était venu fonder le journal La Gazette pour que les Canadiens apprennent les rudiments de la démocratie, un principe qui veut que le pouvoir soit exercé par le peuple. Et pour le peuple. Dans la position éditoriale que ce journal devenu unilingue anglophone a prise dans la couverture du congrès de l’Option nationale, il a fait honte à son fondateur.
Jacques Parizeau a toujours été un éclaireur lors des grands changements qu’a connus la société québécoise. Il se peut qu’il ait encore raison. Le parti de Jean-Martin Aussant va peut-être devenir « le levain dans la pâte ». En ce sens, une Gazette, toujours déterminée à tourner le dos aux intérêts fondamentaux du Québec, a tout-à-fait raison d’avoir peur. Mais elle risque fort d’avoir tort d’utiliser les vieilles peurs afin de combattre notre volonté d’émancipation. L’effet boomerang, vous connaissez ?
The Gazette versus Option nationale
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
31 mars 2013Ce fut un réel plaisir de vous lire Monsieur Charron. Merci mille fois de m'instruire.
Une retraitée qui se politise,
Carole Smith
Montréal
James A. Wilkins Répondre
29 mars 2013Dommage que les Anglophones québécois branchées et bien informés soient incapables de se donner un média écrit qui favorise l'expression de leurs préoccupations sans dérapper dans la désinformation analytique que leur sert la Gazette.
Cette désinformation entretenant une certaine paranoia favorise une forme de racisme et de haine qui explique bien le genre de geste insensé de Richard Henry Baine le soir du 4 septembre 2012.
La Gazette défavorise une intégration normale de la minorité anglophone aux valeurs spécifiques de la nation québécoise et les isole d'une réalité inchangeable.
James A. Wilkins
Lac Brome
Laurent Desbois Répondre
29 mars 2013Option nationale n’a pas besoin The Gazette !
J-M Aussant goûte à sa propre médecine?
Les démissions chez Option nationale doivent remémorer de bons souvenirs à J-M Aussant, lorsqu’il a claqué la porte au Parti Québécois. Comme leur ex-chef, est-ce que les démissionnaires prévoient fonder leur propre parti? Monsieur Aussant pourrait surement leur donner de bons conseils.
EN MARGE DU 1ER CONGRES D’ON, La critique est une force
15 mars 2013
http://www.vigile.net/La-critique-est-une-force
André LAMY, Ex-président et ex-candidat d’Option nationale dans Hochelaga-Maisonneuve.
Dans ma lettre de démission adressée à Jean-Martin Aussant (lettre qu’un petit malin, démasqué depuis, s’était empressé de couler au journal La Presse), j’exprimais mes motifs, y dénonçant l’absence de vision organisationnelle claire et cohérente de la direction d’ON qui ne pouvait qu’amener notre parti droit vers une impasse. Les nombreux témoignages lus et entendus à la suite du cafouillis du Congrès des 2 et 3 mars 2013 me donnent malheureusement raison. Je déteste avoir raison de cette façon.
Le contraste est frappant entre l’Assemblée de fondation d’Option nationale du 25 février 2012 et le Congrès tenu à Montréal.