Lors de son passage à Tout le monde en parle le dimanche 15 avril dernier, Michel C. Auger a présenté son livre 25 mythes à déboulonner en politique québécoise. Le Mouvement Québec français déplore la désinformation entourant les affirmations énoncées par le journaliste sur la question linguistique au Québec. La question de la langue, c’est très sérieux. Il est primordial qu’elle soit traitée avec rigueur et justesse.
Selon C. Auger, il est erroné de croire que le français est en déclin au Québec, qu’une partie du problème s’explique par l’incapacité du peuple québécois de défendre sa langue au niveau juridique.
Pour monsieur C. Auger, le simple fait que 94,5 % des Québécois déclarent être capables de tenir une conversation en français démontre clairement que la question linguistique au Québec se porte très bien.
Or, le présent et l’avenir de la langue française en Amérique ne repose pas sur la possibilité ou non de tenir une conversation en français au Québec. Juger du succès de la Charte de la langue française ─ loi 101 ─ sur une donnée statistique d’un recensement, comme l’a fait C. Auger, n’est rien de moins que tordre la réalité.
C’est à la limite de la malhonnêteté intellectuel.
En fait, le journaliste C. Auger minimise ce qu’est une langue pour une nation, particulièrement ce qu’est la langue française pour le Québec. Elle est au coeur de l’identité québécoise. Elle est l’aboutissement d’une volonté commune dont son statut de langue « nationale » existe depuis l’Édit de création du Conseil souverain de la Nouvelle-France (1663), qui est l’acte fondateur de notre existence collective, de nos premières lois et de notre première constitution.
C. Auger semble confondre possibilité et réalité. Épouser la culture québécoise n’est pas qu’une possibilité de tenir une conversation en langue française. C’est vivre en français. C’est interagir en public en français. C’est travailler en français. C’est consommer en français. C’est fonder une famille de culture française en Amérique.
Aujourd’hui, la langue française au Québec rayonne partout sur son territoire essentiellement grâce aux ressources logistiques, humaines et financières que l’État du Québec attribue dans le système d’éducation, dans les services publics ainsi que dans le paysage culturel. Est-ce que C. Auger comprend réellement que la langue française au Québec est aussi indissociable des droits au travail, de notre gestion de l’immigration et de la démographie ?
Le souhait qu’avait le père de la Charte de la langue française Camille Laurin était de voir le français devenir la langue officielle du Québec, qu’elle s’impose comme la langue de l’espace public québécois, celle du travail, de la justice, des communications, de l’enseignement et de l’administration publique. Après plus de 40 ans, un examen de « santé linguistique » au Québec ne peut se faire qu’au travers l’évaluation de la capacité de la langue française à s’imposer dans tous les appareils de l’espace public. Sur ce point, la bataille n’est absolument pas gagnée, quoi qu’en dise monsieur C. Auger.
Or, non, la langue française ne se porte pas bien au Québec. À l’image de notre unité nationale actuelle, notre vigueur et nos capacités à défendre notre langue française s’affaiblissent depuis les années 2000. Nous sommes loin des années 60 à 90 où tous unis et fiers les citoyens, les artistes et les élus offraient toute la force nécessaire à l’État du Québec pour se lever face à une Amérique anglophone qui dominait le monde.
Certes, le foyer lumineux de la langue française en Amérique rayonne toujours sur le territoire du Québec mais ce n'est plus les rayons d’antan. Le recul se voit et s’entend dans les quartiers de la grande région de Montréal. Peu à peu, il y a une indifférence qui s’installe dans la métropole française d’Amérique qui brille de moins en moins.
Mais, comment les choses peuvent-elles bien aller quand la Charte de la langue française est bafouée par notre propre gouvernement du Québec ? Comment assurer l’avenir de la langue française au Québec quand le bilinguisme institutionnel est de mise ─ presque partout ─ dans les institutions québécoises ? La Charte de la langue française ne fait-elle pas du français la langue officielle des institutions, mise à part quelques exceptions destinée à la communauté historique anglaise et les Premières nations ? Alors pourquoi, la réalité en est-elle tout autrement ? Que dire de la francisation des nouveaux arrivants qui est un échec tout aussi honteux que total alors que la communauté historique anglophone qui ne représente que 8% de la population du Québec ajoute à son groupe plus ou moins 50% des nouveaux arrivants, soit tout autant que le groupe majoritaire francophone. Cette attraction « surhumaine » mène silencieuse et subtilement à une anglicisation fulgurante de la société québécoise. Une anglicisation soutenue par une élite économique et politique québécoise pour des intérêts autres que ceux de leur propre nation.
Une anglicisation que de nombreuses études démontrent d’ailleurs et mêmes études que le Mouvement Québec français a distribué maintes fois en main propre à cette même élite économique et politique.
La réalité linguistique est tout autre qu’une insignifiante donnée d’un recensement.
Pendant que le seul État de langue française en Amérique du Nord s’anglicise à une vitesse grand V, le journaliste Michel C. Auger ose affirmer à la grande messe du dimanche soir que la précarité de la langue française au Québec n’est qu’un mythe. Pour certains, C. Auger a simplement fait une démonstration flagrante de son ignorance des éléments du dossier linguistique. Pour d’autres, il a offert une version (post)-moderne d’un épisode du Capitaine Bonhomme.
Un texte du Mouvement Québec français