Alors qu’un peu partout, la tendance est à l’union des forces progressistes (qu’on pense à l’Unité populaire du temps de Salvador Allende au Chili, ou plus près de notre époque, au Front élargi actuellement au pouvoir en Uruguay), ici au Québec, dans les rangs indépendantistes, nous pouvons nous payer le luxe de la division des forces.
Nous assistons depuis quelque temps à un véritable bal des égos où, à un, à deux, à trois, chacun tire la couverture de son côté, en y allant de déclarations percutantes sur l’impossibilité de pouvoir de penser librement à l’intérieur du Parti québécois, avec trémolos dans la gorge et mine attristée de circonstance, ou sur la soi-disant absence de volonté de faire l’indépendance de la chef de ce parti. Ou encore en tentant de former un nouveau parti qui prônerait quelque programme ambigu, entre droite et gauche, entre statu quo et souveraineté, entre étatisme et libéralisme, le tout assorti d’un nouveau beau risque. Autant de «fossoyeurs de la souveraineté», pour reprendre l’expression du député péquiste Maka Koto. «Je ne suis pas individualiste, a-t-il précisé. Moi je pratique le sport d’équipe. Je comprends mal des gens qui jouent au golf, alors qu’on joue au hockey. On travaille de l’intérieur. Pas sur la place publique.»
À travers cette volée de couteaux qui volent bas, on entrevoit malheureusement quelques ténors indépendantistes qui alimentent ces luttes fratricides, bien tapis en coulisses, et qui rêvent en secret d’en découdre avec Pauline Marois. «Bernard Landry souhaiterait la disparition du Parti québécois version Pauline Marois et son remplacement par une nouvelle coalition indépendantiste», me suis-je laissé dire. Rien de moins. Triste spectacle.
Et c’est sans compter le nouveau kid Kodak, le prince du Plateau, Amir Khadir, l’homme favori des médias, celui qui peut réussir à rassembler sous un même toit ceux qui sont contre lui parce qu’ils le trouvent trop à gauche, ceux qui relaient au second plan la question nationale parce que trop folklorique et passée date («la preuve: avez-vous au moins pris note de ce qui s’est passé aux dernières élections fédérales, non mais?»), les purs et durs qui lâchent le PQ et Marois parce que pas assez radicaux, de même que les médias de droite ou de centre qui trouvent qu’il fait du sacré bon boulot, cet ami des bonnes causes, Monsieur Blanc en personne qui pourrait fort bien répéter la trudeaumanie des années soixante tant son fan club le suit religieusement, même ceux qui se défendent d’en être, mais qui ne tarissent pas d’éloge à son égard. Avec Khadir, on revient aux vieux débats des années soixante: faut-il faire d’abord l’indépendance avant d’envisager l’élection d’un gouvernement socialiste ou ne vaut-il pas mieux se donner un gouvernement de gauche, style NDP/NPD, qui mettrait de côté l’idée d’indépendance, ce qui serait plus facile et acceptable parce qu’il bousculerait moins l’ordre établi au Canada?
C’est Jean Charest qui doit être content aujourd’hui. Comme le dit Jean-François Lisée, il doit être en train de se demander s’il ne serait pas mieux de déclencher des élections hâtives cet automne, sous un prétexte ou un autre, afin de profiter des retombées de la division au sein du Parti québécois et de la montée continue du candidat de Québec solidaire qui viendra gruger, dans la majorité des comtés francophones, le vote souverainiste. Ce parti profitera sûrement de la machine électorale du NDP/NDP qui mettra ses nouveaux budgets de comté au service de Québec solidaire.
Moi qui croyais bien que cette fois-ci, c’était la bonne, qu’en 2012, on porterait au pouvoir le Parti québécois puis que, petit à petit, durant quatre ans, on mobiliserait nos forces à travers tout le Québec, comme on l’avait fait la dernière fois, en 1995, pour en arriver à un référendum gagnant, avec, au fil d’arrivée, un vrai pays qui nous ressemble, me voilà bien déçu.
Sommes-nous si peu nombreux à être pressés?
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L'expression «Le bal des égo» vient du roman du même nom de Carmel Dumas, publié en 1992.
Le bal des égo
Sommes-nous si peu nombreux à être pressés?
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