Contrat social

Le financement des régimes de retraite

dans une bonne mesure, les régimes de retraite reposent sur un socle soudé à la «fumisterine

Sécurité de la vieillesse - rupture d'un pacte social

En page B-1 du Devoir de ce matin, le 14 février, nous apprenons que l'état du régime de retraite public du Québec nécessitera «un nouveau contrat social». Et, s'il faut se fier aux manchettes touchant cette question depuis le début de l'année, il semble bien que nous nous dirigions dans cette direction. Malheureusement, ces efforts de réflexion laissent de côté un élément essentiel du problème, le mode de financement des régimes de retraite.
Fondamentalement, donc, un régime de retraite est un compte d'épargne dont le contenu est investi dans le but d'accumuler suffisamment de fonds pour financer la consommation future des bénéficiaires de ce régime. Et, dans ce cas, le futur peut s'étendre sur une période de vingt à vingt-cinq ans. C'est long.
Maintenant, interrogeons-nous sur le mode de financement du régime de retraite standard. Il y a plusieurs années, ces régimes devaient nécessairement favoriser les obligations. Mais, avec la croissance de l'actif des régimes et la chute des taux d'intérêt, on a étendu leur champ d'action à la plupart des titres financiers. Ceci veut dire qu'on les retrouve aujourd'hui dans les actions, les obligations, les titres du marché monétaire, les dérivés et les infrastructures, lesquelles ne constituent pas des titres financiers à proprement parler.
Attardons-nous d'abord au cas des actions. Comment, donc, établit-on la valeur des actions cotées en Bourse? Grosso modo, leur valeur dépend du potentiel de croissance de la société visée, ainsi que de sa capacité à verser un dividende aux actionnaires. Évidemment, il faut aussi tenir compte de l'attrait des actifs concurrentiels, comme les placements dits sans risque que représentent les titres gouvernementaux à très court terme. Mais, il faudrait se garder de sous-estimer le poids des liquidités disponibles à l'investissement ou à la spéculation. Et, il est loin d'être négligeable.
Les liquidités folles affluent en Bourse. Lors de l'envolée des titres technologiques, vers la fin des années 90, elles ont gonflé les rapports cours/bénéfice à 50, 100 et même plus pour des sociétés sans véritable valeur fondamentale. En bonne partie, ces liquidités arrivaient en provenance du Japon, où la Banque centrale gardait les taux au plancher dans l'espoir de relancer l'économie du pays, qui s'était effondrée avec l'éclatement d'une bulle immobilière et financière quelques années plus tôt. À l'heure actuelle, les banques centrales nord-américaines tentent de dupliquer cette «stratégie» pour enrayer les effets de la débâcle de 2008. C'est d'ailleurs à cette dernière que nous devons le retour boursier des dernières années. À cet égard, mentionnons que le plancher fondamental actuel du Dow semble se situer aux alentours de 7 000, comme l'ont démontré ses creux de 2002 et de 2009. On est loin des 12 800 actuels.
Avant de passer aux obligations, demandons-nous maintenant s'il est raisonnable de s'imaginer que les indices boursiers puissent progresser de 10 % à 15 % annuellement, alors que le PIB, lui, peine à avancer de 3 %. Évidemment, cela ne nuirait probablement pas non plus de nous interroger sur la «sagesse» d'expédier nos emplois au Mexique et en Chine avec l'empressement dont nous faisons preuve à l'heure actuelle.
Cela étant dit, passons aux obligations. Évidemment, à l'époque où les taux obilgataires touchaient les 10 %, l'avenir des régimes de retraite semblait assuré. Mais, avec les taux à 3 %, l'avenir n'est plus ce qu'il était, comme le dirait Yogi Berra.
Maintenant, à quoi devons-nous pareils taux, connaissant le niveau d'endettement des États et des ménages? Au «carry trade», en bonne partie.
Cette pratique consiste en effet à emprunter à court terme à des taux anormalement bas pour placer les fonds ainsi obtenus dans des obligations à long terme porteuses de taux de rendement plus élevés. On est loin de taux supportés par la croissance et l'épargne. En 1998, le magazine Barron's évaluait le «carry trade» à 58 billions $US. Évidemment, il ne faut pas oublier, non plus, que la Réserve fédérale, achète une part appréciable des bons du Trésor US. Les théories du «financier» Charles Ponzi auraient donc été adoptées en haut lieu. Évidemment, cela ne peut pas durer éternellement.
Une hausse des taux ne serait-elle pas salvatrice pour les régimes? Oui et non. Étant donné le niveau d'endettement des gouvernements et des ménages, il est loin d'être certain que nous puissions nous permettre ce genre de «sauvetage».
Et, les titres du marché monétaire ne valent probablement pas beaucoup mieux. Qu'il suffise de rappeler ici les 14 milliards $ de la Caisse dans le papier commercial. Il va finir par faire bobo, vous savez, le trou de 38 milliards $ de la caisse.
Restent les dérivés et les infrastructures, des placements effectués par les régimes de retraite parce que les taux de rendement des actifs financiers traditionnels n'étaient pas suffisants pour leur permettre de boucler leurs budgets actuariels. Il n'y a rien de très encourageant de ce côté non plus. Les dérivés ne sont que des paris à court terme qui n'ont pas leur place dans le portefeuile d'un régime de retraite, sauf pour les positions de couverture. Quant aux infrastructures, il n'est pas donné à n'importe qui de pouvoir les évaluer.
Alors, oui, dans une bonne mesure, les régimes de retraite reposent sur un socle soudé à la «fumisterine». Et, il est fort possible qu'il faille repenser le contrat social. Mais, cela devra inclure une réévaluation de la «sagesse» de la délocalisation de nos entreprises au Mexique et en Chine. À tout événement, il faudra vraisemblablement apprendre à couper la pizza en six, parce que nous n'aurons plus les moyens de la couper en quatre...pour en revenir à Yogi Berra...


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 octobre 2012

    Erreur: le taux de rendement d'équilibre de la Caisse serait de 7 %.
    L. Côté

  • Archives de Vigile Répondre

    9 octobre 2012

    Selon une étude récente effectuée par Pyramis Global Advisors, les fonds de pension montreraient une incertitude croissante concernant leur capacité de rencontrer leurs obligations. Ils auraient donc entrepris de réviser leurs politiques de placement. Les fonds seraient donc plus enclins qu'auparavant à favoriser le rendement à court terme, plutôt que le rendement à long terme. Ils réévalueraient en outre la nature des actifs inclus dans leurs portefeuilles. Apparemment, ils feraient une place plus large aux actions et aux titres d'emprunt des pays émergents. Au même effet, ils augmenteraient aussi de façon notable la proportion de placements dits privés dans leur arsenal. Or, ces placemenents privés sont bien souvent très difficiles à évaluer. Au Canada, l'expectative de rendement des fonds de pension serait de 6 %, contre 8 % aux US et 5 % en Europe et en Asie. Au plan global, 36 % des gestionnaires entretiendraient des doutes quant à leur capacité de rencontrer leurs objectifs de rendement au cours des cinq prochaines années. Cette proportion est de 40 % au Canada. Autrement dit, les fonds de pension tentent de solutionner leur problème de solvabilité en augmentant le risque de leurs actifs.
    L'étude de Pyramis a porté sur 632 fonds (92 au Canada) dans 16 pays. Leurs fonds sous gestion s'élevaient à 5 billions $. Source: Site du Financial Post, 8-10-12, Craig Wong, 4 h 26 pm
    Au Québec l'objectif de rendement de la Caisse serait de 7 %. Elle se dirige également de plus en plus vers les placements dits privés. Ils ne valent probablement pas mieux que la Bourse et les obligations. Les placements privés sont opaques et ouvrent la porte à toutes sortes de magouilles.
    L. Côté

  • Archives de Vigile Répondre

    24 février 2012

    Le taux de rendement de 10,6 % sur les actifs à revenu fixe ne provient pas uniquement d'obligations, comme on aurait pu le croire. Cela explique probablement une partie de l'écart entre ce taux de rendement et le taux de rendement des obligations à long terme dites de qualité.
    L. Côté.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 février 2012

    Concernant les ressources, à court terme, il n'y a pas nécessairement de lien entre leur prix et la vigueur de l'économie; c'est la spéculation qui prévaut. Un ralentissement, même prononcé, de l'activité économique n'entraînerait donc pas automatiquement une chute de leur prix. À plus long terme, cependant, l'économie reprend le-dessus.
    Mais, indépendamment de cela, si l'on prend le pétrole comme baromètre, est-ce que les ressources ne sont pas un peu chères? Il était à 35 $US en hiver 2009. Hier, il se transigeait à 107 $US. Eu égard à ce que l'économie mondiale peut supporter comme prix du pétrole et des ressources en général, le potentiel à la hausse est-il suffisant pour justifier le risque? Le pétrole a commencé à être trop cher avant d'atteindre son sommet de 147 $US en 2008. Comme je le didsais, je ne suis pas un expert, mais il me semble qu'elles ont fait un bon bout de chemin les ressources depuis l'hiver 2009.
    Évidemment, on ne connaît pas l'ampleur des investissements que planifie la Caisse dans le secteur, mais il n'y a pas de petite perte, j'imagine.
    Louis Côté

  • Archives de Vigile Répondre

    23 février 2012

    La Caisse vient d'annoncer un taux de rendement de 10,1 % sur son portefeuille d'obligations, alors que les taux à 30 ans sur les titres dits de qualité font à peine un peu plus de 3%. Il serait intéressant de savoir comment elle a réussi cet exploit. À première vue, il y a trois possibilités. Elle est lourdement investie dans la pacotille (junk bonds) à haut rendement. Elle donne dans le «carry trade» à plein régime. Ou, elle a recours aux dérivés autrement que pour des transactions de couverture. Espérons qu'elle n'a pas oublié son aventure dans le papier commercial et la virée de LTCM dans les swaps à haut levier.
    Maintenant, elle dit vouloir prendre un certain virage vers les pays émergents. Ça en dit long sur ce qu'elle pense de l'avenir des économies développées.
    Finalement, elle parle d'un effort du côté des ressources naturelles. On se demande si la Caisse n'est pas en train d'appliquer le principe du «Buy high, sell low». Je ne suis pas un expert, mais il me semble qu'elles se vendent cher les ressources ces jours-ci. Il ne faudrait certainement écarter la possibilité d'un recul économique prononcé à plus ou moins court terme. Et ça, généralement, ce n'est pas particulièrement bon pour le prix des ressources. On ne peut pas dire que le climat soit vraiment encourageant en Europe. Est-ce que les choses vont tellement mieux aux États-Unis? Le pétrole semble reparti à la hausse, 106 $US hier...On se demande s'il ne vaudrait pas mieux d'attendre un peu pour les ramasser au plancher. Encore une fois, je peux me tromper, mais il vaudrait la peine d'y penser.
    Louis Côté

  • Archives de Vigile Répondre

    16 février 2012

    Concernant les taux sur les obligations, il y a évidemment aussi le fait que le Japon et la Chine impriment de l'argent pour acheter des bons du Trésor US, mais je ne voulais pas embarquer là-dedans. Tout ce que je voulais montrer, c'est la fragilité du système...et la stupidité des gens qui exportent les emplois en essayant de nous faire croire que tout le monde dans les pays développés est un petit Bill Gates en puissance. En fait, même Microsoft délocalise...
    L. Côté