Au régime!

Sécurité de la vieillesse - rupture d'un pacte social



Le premier ministre Stephen Harper s'est engagé sur une voie glissante en annonçant à Davos vouloir ouvrir le délicat chantier de la Sécurité de la vieillesse. L'indélicatesse est d'autant plus grande que ce programme, sensible aux personnes plus démunies, n'entraîne pas les mêmes contraintes budgétaires que ces pressions sur les finances publiques exercées par les régimes de pension des employés du secteur public. Et que dire de celui des députés fédéraux? Y a-t-il «erreur sur le régime»?
La crise européenne de l'endettement public sert bien Ottawa. Par crainte d'être éventuellement confronté aux mêmes chocs qui secouent la Grèce et le Portugal, le gouvernement Harper a d'abord réitéré l'importance de réduire de moitié, à partir de 2017, la part du fédéral au financement des coûts en santé. Le premier ministre canadien a ajouté au pelletage dans la cour des provinces en évoquant ensuite, sans aucun avertissement, une «nécessaire» transformation du programme de la Sécurité de la vieillesse (SV). Avec l'intention prêtée de faire passer de 65 à 67 ans l'âge d'admissibilité aux prestations. Ceux qui croyaient que la réflexion sur les régimes se limiterait à ceux des employés fédéraux et des députés...
Une fois la surprise passée, on s'interroge encore sur la pertinence et l'urgence de toucher à la SV. Le programme a coûté 36 milliards en 2010 et doit voir sa facture passer à 108 milliards en 2030. Le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus aura doublé dans l'intervalle, pour passer de 4,7 à 9,3 millions. Mais compte tenu de la croissance économique, le poids de cette facture n'atteindra que 3,2 % du PIB dans 20 ans, contre 2,4 % présentement.
Outre la hausse de l'âge d'admissibilité, d'autres observateurs ont fait des conjectures sur de possibles modifications des paramètres d'application d'un programme dont la majorité des bénéficiaires se recrutent parmi les retraités plus démunis. Du moins, la prestation est plafonnée et diminue graduellement à partir d'un revenu de quelque 69 000 $, pour devenir nulle lorsque le revenu atteint les 112 000 $.
Selon les données de La Presse canadienne, pour les gens de 65 à 69 ans, la SV représente en moyenne 13 % des revenus. Environ un tiers des bénéficiaires du programme reçoivent également le Supplément de revenu garanti, destiné aux personnes âgées à faible revenu.
Auparavant, l'attention portait plutôt sur les régimes complémentaires des employés fédéraux. À prestations déterminées, ces régimes font face à un déficit actuariel de 227 milliards, selon les estimations de CD Howe. Une évaluation déjà supérieure de 80 milliards à celle calculée par le gouvernement, qui s'annonce pour être revue et corrigée à la hausse avec la persistance des faibles rendements et des bas taux d'intérêt. Déjà, dans le secteur privé, nombre de régimes à prestations déterminées disparaissent. Ils sont soit fermés et transformés en régimes à cotisations déterminées, soit réformés selon un modèle mixte empruntant aux deux grandes classes de régime, avec pour objectif d'offrir moins d'avantages aux nouveaux cotisants. De grandes entreprises et institutions financières, comme Air Canada, la Banque Royale et même la Banque du Canada ou encore le Mouvement Desjardins, ont fait le saut ou envisageraient de le faire.
Il serait donc surprenant que la fonction publique y échappe. D'autant qu'au fédéral, l'employeur peut contribuer jusqu'à 65 % de ces régimes (ce taux doit passer à 60 % l'an prochain), contre un ratio généralement de 50-50 pour nombre de régimes provinciaux. D'autant, également, que les contribuables ne pouvant plus s'offrir le luxe d'un tel régime complémentaire manifesteraient leur réticence à soutenir le statu quo dans la fonction publique.
Sans oublier qu'ils seront toujours moins nombreux à soutenir le régime public. Il est dit qu'à l'exception du Régime de pension du Canada, partiellement capitalisé, le régime fédéral est «un contrat social en vertu duquel, au cours d'une année, les cotisants actuels permettent l'utilisation de leurs cotisations pour verser des prestations aux bénéficiaires». Or le ratio cotisants-prestataires, présentement à 4 pour 1, sera de 2 pour 1 en 2030.
***
Reste le luxueux régime des élus fédéraux, dont la générosité a été dénoncée par deux rapports indépendants le 18 janvier dernier. Il appert que, pour chaque dollar cotisé par le député, l'employeur (le contribuable) met 23 $. Et que ce régime, non capitalisé, souffre d'un déficit de financement de 1 milliard et qu'il bénéficie d'un «rendement garanti» par l'employeur de 10,4 % par année, sans égard aux fluctuations des marchés.
Il serait donc aussi étonnant qu'Ottawa s'en prenne au SV sans revisiter aussi un régime offrant une rente pleinement indexée dès l'âge de 55 ans à un élu ayant été en poste au moins six ans.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->