Fascinant de voir comment tout ce qui touche au FLQ est l'objet d'une banalisation systématique.
La semaine dernière, des centaines de zozos ont applaudi la lecture du manifeste du FLQ lors du Moulin à paroles. Rien là-dedans de surprenant, la mystique révolutionnaire fait toujours recette.
La réaction de Pauline Marois est plus intéressante. «Moi, je n'aurais pas applaudi», a-t-elle dit sobrement. Gilles Duceppe a dit qu'il réprouvait l'utilisation des termes employés pour décrire Robert Bourassa et Pierre Elliott Trudeau (serin et tapette), mais qu'il fallait lire ce document historique - même s'il allait, de manière très prévisible, être célébré par une partie de la foule.
Voilà qui est ferme, n'est-ce pas? Si Pauline Marois avait du cran, elle aurait dénoncé ces applaudissements. C'était la moindre des choses, mais c'était trop demander. Elle préfère le relativisme émotionnel : c'est affaire de goût. Certains prennent leur café noir et applaudissent les textes terroristes, moi pas.
Françoise David nous a rappelé qu'il y a eu un temps un courant de sympathie pour le FLQ au Québec, qui exprimait le sentiment de révolte légitime et d'aliénation des Québécois francophones.
«Cependant, à la suite de l'assassinat de Pierre Laporte, j'ai trouvé que c'était trop.» L'enlèvement de James Richard Cross et de Laporte, apparemment, ce n'était pas trop pour elle à l'époque - comme pour bien des gens, au fait.
L'excellent film de Carl Leblanc, L'Otage (2004), sur l'enlèvement de M. Cross, pourrait peut-être faire réaliser aux spectateurs sympathiques de nos drames historiques ce qu'est qu'un enlèvement et une séquestration. Mais passons.
Il y a mieux. Mme David, avec le recul des ans, nous dit aujourd'hui que «Robert Bourassa a laissé tomber M. Laporte car il n'y avait pas eu beaucoup de négociations avec le FLQ».
J'en déduis que, d'après elle, aujourd'hui (pas dans sa fougueuse jeunesse), il faut négocier intensément avec les terroristes. J'en déduis surtout qu'elle fait porter une partie importante du blâme de la mort de Pierre Laporte sur Robert Bourassa. C'est une sorte d'équivalence morale qu'on nous propose. Certes, le FLQ est allé «trop loin», mais d'un autre côté, Robert Bourassa ne négociait pas beaucoup. Chacun ses torts, en somme!
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Ne soyons donc pas surpris d'entendre les réactions à l'article écrit par Éric Clément hier au sujet d'André Lavallée.
On savait déjà tout ça! Un coup pour embarrasser Gérald Tremblay! Un faux scandale!
D'abord, il est vrai que bien des journalistes savaient que le nom de M. Lavallée figure dans le rapport Keable (1980). Pas moi, remarquez bien. De plus, si un journal de quartier en a parlé en 1986, quand M. Lavallée s'est présenté comme conseiller municipal, c'est passé totalement sous le radar.
Normal : M. Lavallée était en 1986 un acteur politique mineur ayant eu un rôle encore plus mineur dans le FLQ (complice dans un vol de bingo et auteur de communiqué).
Il est maintenant un des hommes les plus importants de l'administration Tremblay. Conséquemment, ce «détail» de son passé prend plus d'intérêt.
Quant à la théorie voulant que La Presse attaque systématiquement l'équipe de Gérald Tremblay pour favoriser Louise Harel, elle est assez savoureuse. D'habitude, la théorie du complot fait présumer de sombres visées fédéralistes. C'en serait une nouvelle mouture absolument inédite et prometteuse!
Les scandales touchant l'administration de Montréal, étalés dans notre journal depuis un an, sont l'objet d'enquêtes criminelles - il y en a une demi-douzaine - et du vérificateur de la Ville.
Y en a-t-il sérieusement pour dire que le but de la publication de ces nouvelles était de remplacer Gérald Tremblay par Louise Harel ou Benoit Labonté ou Richard Bergeron? Je veux dire : les nouvelles n'étaient pas assez grosses par elles-mêmes, il faudrait imaginer un motif secret de publication? Avez-vous oublié le sujet? Faubourg Contrecoeur, les compteurs d'eau, les voyages en bateau, le copinage des entrepreneurs... Allô?
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Comme Michèle Ouimet l'écrivait hier, rien dans les textes infiniment nuancés d'Éric Clément ne justifie la démission de M. Lavallée. C'est un homme respecté, un des plus solides de l'administration Tremblay. Je ne vois même pas d'embarras pour le maire dans cette affaire, je veux dire que tout le monde sera d'accord pour dire qu'après 38 ans, il y a lieu de pardonner. Juridiquement, ce n'est même pas nécessaire, puisqu'il n'y a pas de casier judiciaire : sa condamnation était trop insignifiante.
Mais est-ce à dire que ce qui est pardonnable et pardonné doit être pour toujours tu, ou plus exactement chuchoté entre initiés?
C'est ici que je suis embarrassé par la réaction instinctive de plusieurs journalistes : il ne fallait pas le dire!
Certes, c'est une erreur de jeunesse sur laquelle on a passé l'éponge. Mais se joindre au FLQ en 1971, quand on sait qu'il y a eu assassinat en 1970, c'est une moins bonne idée encore qu'en 1969. C'est un fait qu'à cette époque, l'organisation était totalement infiltrée sinon contrôlée par la police. Mais peut-on au moins dire les choses?
On dirait que non.
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Il y a des raisons à cette banalisation de ce qui touche au FLQ. D'abord, la réaction du gouvernement fédéral en 1970, qui a violé les droits fondamentaux de centaines de citoyens, a laissé des traces : il a déclenché les mesures de guerre et fait emprisonner de 400 à 500 innocents présumés sympathisants sans mandat et sans accusation pendant plusieurs semaines.
Deuxièmement, le fait que les policiers auteurs des actes criminels de provocation entourant le FLQ, mais aussi de crimes contre le Parti québécois (on avait volé les listes de membres), n'ont jamais payé pour leurs actes. Donc une deuxième injustice flagrante.
Et finalement, on n'en sort pas, une sourde sympathie pour les felquistes dans certains secteurs. On excuse leurs actes comme un mal nécessaire, ces fameux oeufs qu'il faut casser pour faire des omelettes.
Quoi qu'il en soit, le rôle des médias n'est pas d'enterrer complaisamment ce passé, même les portions qu'on pardonne.
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