Le PLQ évite un débat sur la langue

Charest promet un budget non «flamboyant» qui ne choquera pas l'opposition

PLQ - la "diversion nationale"...

Québec -- Au terme de ce que l'on pourrait qualifier de «congrès de l'amour», où 97,23 % de ses militants lui ont réitéré sa confiance, Jean Charest a été contraint d'expliquer pourquoi son parti n'a pas traité de la question linguistique, comme prévu, hier. «On va aborder les questions qui ne l'ont pas été», a promis le chef libéral, mais «ça va aller au prochain conseil général [en septembre], alors on n'y échappera pas», a-t-il dit en soutenant que l'enjeu ne serait pas «mis de côté». Il a tenu à dire que la défense de la langue était une «mission sacrée» pour tout premier ministre et que la ministre Christine St-Pierre devrait bientôt déposer un plan d'action sur le sujet.
Vers 12h45, hier, les débats en plénière des quelque 2500 militants ont été ajournés alors que la discussion portait sur le Bloc 3 intitulé «Mise en valeur de la langue française et l'identité nationale du Québec». Or ce bloc comportait certaines propositions controversées, comme l'augmentation des budgets et du nombre d'inspecteurs de l'Office québécois de langue française. Une autre visait à hausser les amendes pour les infractions à la loi 101, ce que des délégations des circonscriptions anglophones étaient résolues à combattre.
Les organisateurs du 30e congrès du PLQ avaient décidé hier matin de traiter en priorité le Bloc 4 sur le soutien aux familles, repoussant l'étude du Bloc 3 sur la langue et l'identité. «Une demande a été faite par un des participants à la plénière pour traiter en priorité des questions portant sur la famille», a expliqué le porte-parole du parti, Michel Rochette. Les militants ont toutefois eu le temps de traiter de quelques résolutions sur l'identité et notamment d'y biffer le mot «citoyenneté» à deux endroits pour le remplacer par «éducation civique». Un militant de Jacques-Cartier a argué que le mot «citoyenneté» ne convenait pas dans un contexte québécois, puisque la «citoyenneté est canadienne».
Un budget non «flamboyant»
Par ailleurs, Jean Charest a légèrement levé le voile hier sur le budget qui sera déposé jeudi. Il n'aura rien de «très flamboyant», a-t-il dit. Il ne comportera rien «de si choquant [offensive] aux yeux des partis d'opposition qui les porterait à conclure qu'il "faut des élections". Ce n'est pas ce type de budget», a-t-il précisé en anglais lors d'un point de presse à la fin du congrès. Selon lui, les partis d'opposition reconnaîtront certaines de leurs propositions dans le budget, mais ne pourront obtenir tout ce qu'ils ont demandé. «Mes ministres non plus n'ont pas eu tout ce qu'ils ont demandé», a souligné M. Charest. Dans son discours de clôture, sans texte ni lutrin, il avait révélé que la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, mettrait l'accent «sur la productivité» envisagée de manière large, parce que «ce n'est pas uniquement de la machinerie», a précisé M. Charest, mais aussi la formation. Il a du reste exhorté les partis à faire connaître leur décision jeudi 13 mars, sinon il y aura incertitude quant à l'issue du vote «pendant quatre semaines», puisque le vote sur le budget est prévu pour le 8 avril.
M. Charest a présenté une vision exclusivement économique du Québec, hier. «On est le parti politique de l'économie, ç'a toujours été notre force», a-t-il expliqué. Il est revenu à de multiples reprises sur ses projets visant l'«ouverture de nouveaux espaces économiques» pour le Québec: reconnaissance mutuelle des compétences avec la France, éventuel libre-échange Canada-Union européenne, accord avec l'Ontario. Il a ajouté hier un autre front, «l'ouverture du Grand Nord», pour les ressources énergétiques, minières, touristiques.
Marois cible principale
Ce discours axé sur «l'ouverture», il l'a encore une fois opposé à ce qu'il estime être de la «fermeture, voire du repli» chez ses adversaires. Mais, hier, le premier ministre n'a mentionné qu'une fois Mario Dumont et a concentré ses attaques sur la chef péquiste Pauline Marois, lui reprochant d'avoir l'obsession de hausser la TVQ. «Si ce n'était d'elle, on augmenterait la TVQ à chaque fois qu'un nouveau problème se présente. [...] Dossier de la forêt? Augmenter la TVQ. Dossier de l'éducation? Augmenter la TVQ. Les municipalités visitent Québec une semaine? Augmentons la TVQ. Dossier de la Santé? Augmentons la TVQ... deux fois! Tempête de neige? Augmentons la TVQ.» Et quand un citoyen rencontre Mme Marois, «ça se passe comment... la conversation?», a enchaîné M. Charest, ironique. Le citoyen n'a pas besoin de se présenter, puisque Mme Marois dit d'emblée: «Je sais qui vous êtes. -- Oui, je suis qui? -- Vous êtes un guichet automatique», répondrait Mme Marois. «Cachez votre NIP», a par la suite ironisé le premier ministre en guise de conseil aux Québécois.
Pas d'allocation pour le foetus
Sur la thématique de la famille, ajouté en catastrophe en janvier aux travaux préparatoires au congrès, les militants ont rejeté deux propositions phare. L'idée de verser une allocation mensuelle aux femmes enceintes de plus de vingt semaines. La députée de Lapinière, Fatima Houda-Pepin, est intervenue pour souligner que les services de garde coûtaient déjà deux milliards de dollars, tout comme le soutien aux enfants de zéro à dix-huit ans. Une autre élue, Stéphanie Vallée, députée de Gatineau, y a vu le risque de donner des «droits au foetus». Quant à la proposition de hausser les tarifs des services de garde pour que les parents assument «20 % des coûts totaux moyens», elle a été totalement transformée sur le plancher. Déjà, la ministre Michelle Courchesne y avait opposé une fin de non-recevoir. La possibilité de hausse demeure toutefois puisque l'on propose maintenant d'«indexer, au besoin, le tarif quotidien des places en garderie, tel que le permet la loi sur les services de garde à l'enfance adoptée en décembre 2005». Au reste, le parti demande au gouvernement d'exempter de la TVQ certains biens obligatoires destinés à la sécurité des enfants, dont les sièges pour bébés.
Les militants ont adopté une résolution proclamant le caractère national et collectif de la propriété de l'eau, ce qui permettra de profiter des «retombées économiques de l'exploitation» de l'«or bleu». D'ailleurs, le gouvernement examine actuellement la possibilité de déposer un projet de loi sur l'eau. Cela aurait l'avantage de venir allonger un menu législatif plutôt mince, alors que les travaux reprendront demain à l'Assemblée nationale.
Le Castro québécois
Comme on le sait, les militants libéraux ont, samedi, réitéré leur confiance à Jean Charest avec un score aux allures castristes, 97,23 %. Lui-même a lancé à la blague à un reporter de The Gazette, peu après le vote: «le télégramme de M. Castro est-il arrivé?». À une attachée de presse d'origine roumaine, Manuela Goya, Le Devoir a fait remarquer que le chiffre rappelait l'époque des plébiscites communistes. «Oui, mais ici, personne n'a été menacé de mort», a-t-elle répondu en éclatant de rire. M. Charest a dit hier que ce score -- improbable il y a seulement six mois et supérieur à celui qu'il avait obtenu en 2000 (95,25 %) -- lui donnait «des ailes»: «Ça me donne confiance. Je sais que j'ai derrière moi un parti qui est uni, qui croit à ce que nous proposons aux Québécois.»


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