Le plus haut fonctionnaire du gouvernement a subi l'influence de Fava

Commission Bastarache



Alexandre Robillard - La Presse Canadienne - Le plus haut fonctionnaire du gouvernement, Gérard Bibeau, a affirmé mercredi qu'il avait depuis plus de 20 ans des relations avec un collecteur de fonds libéral au coeur des allégations de trafic d'influence formulées par l'ex-ministre de la Justice, Marc Bellemare.
Devant la commission présidée par Michel Bastarache, M. Bibeau, l'actuel secrétaire général du Conseil exécutif, a d'ailleurs affirmé que Franco Fava, un entrepreneur en construction, lui a déjà suggéré des candidats à des postes aux plus hauts niveaux de l'appareil gouvernemental.
M. Bibeau a affirmé qu'avant d'être nommé à la tête de la haute fonction publique, il a occupé le poste de secrétaire général associé aux emplois supérieurs, en 2003 et 2004, rattaché au Conseil exécutif, le ministère du premier ministre.
Pendant cette période, a-t-il indiqué, M. Fava lui a proposé des noms de candidats pour des postes dans la haute fonction publique.
«Quand j'étais aux emplois supérieurs, il n'est pas impossible que M. Fava m'ait parlé de candidatures quelconques qui pouvaient accéder à différentes fonctions, a-t-il dit. Ce n'est pas impossible, mais j'aimerais ajouter qu'il n'y a jamais eu de pressions, par contre, de sa part.»
Selon M. Bibeau, le collecteur de fonds, qui a aussi été actif comme entrepreneur en construction, n'a pas tenté d'intervenir auprès de lui concernant la nomination de juges.
«Jamais pour des nominations de juges», a-t-il dit.
La commission a entendu mercredi trois des plus importants hauts fonctionnaires du gouvernement québécois, dont M. Bibeau, dans le cadre de son mandat visant à examiner les allégations de M. Bellemare, qui dit avoir notamment subi l'influence de M. Fava au moment de nommer des juges.
Lors d'une entrevue à Radio-Canada, au printemps dernier, M. Fava a aussi déclaré qu'il avait été consulté, en 2006, au moment de la nomination de M. Bibeau au poste de secrétaire général.
Au quotidien Le Soleil, le collecteur de fonds a d'autre part soutenu qu'il avait suggéré le nom de son ami, en 2003, après l'arrivée au pouvoir des libéraux. M. Bibeau avait ensuite été nommé aux emplois supérieurs.
Durant son témoignage, en réponse aux questions d'un des procureurs de la commission, Éric Downs, M. Bibeau a soutenu qu'il doutait de l'intervention de 2006.
À sa connaissance, c'est son prédécesseur, André Dicaire, qui avait proposé sa candidature au plus haut poste de la fonction publique québécoise.
«À ma connaissance, non, bien sûr, a dit M. Bibeau. J'en doute.»
Le témoin n'a pas été questionné sur l'intervention de 2003.
M. Bibeau a déclaré que ses relations avec M. Fava ont d'abord été professionnelles, lorsqu'il l'a connu à la fin des années 1980, dans le cadre de ses diverses fonctions dans les cabinets politiques du gouvernement libéral de Robert Bourassa.
Selon le haut-fonctionnaire, M. Fava était alors actif à titre de représentant du patronat dans le secteur de la construction.
Les deux hommes se sont ensuite retrouvés à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), à partir de 1993, où M. Bibeau a été nommé vice-président, tandis que M. Fava était membre du conseil d'administration.
M. Bibeau a ensuite quitté la CSST brièvement pour occuper ses fonctions de secrétaire général associé au Conseil exécutif, mais il y est retourné en 2004, cette fois à titre de président et membre du conseil d'administration, un poste occupé jusqu'à ce qu'il reprenne du service au gouvernement à la demande du premier ministre Jean Charest, il y a quatre ans.
M. Bibeau a affirmé que depuis son départ de la CSST, il avait une relation personnelle avec M. Fava.
«C'est des relations personnelles, a-t-il dit. Avant c'était des relations professionnelles. Depuis que je suis secrétaire général je n'ai plus aucune relation professionnelle. Ça m'arrive de lui parler.»
En réponse aux questions de l'avocat représentant Marc Bellemare devant la commission, Rénald Beaudry, M. Bibeau a d'ailleurs admis qu'il a parlé «une ou deux fois» à M. Fava depuis que M. Charest a mandaté la commission Bastarache, en avril dernier.
Mais M. Beaudry n'a pas pu savoir si ces contacts avaient été faits en personne ou par téléphone, M. Bastarache ayant accepté les objections de l'avocate du gouvernement, Suzanne Côté, qui a estimé la question hors-propos.
Juste avant M. Bibeau, M. Dicaire, secrétaire général du Conseil exécutif de 2003 à 2006, a déclaré durant son témoignage qu'il avait lui-même désigné, parmi une liste de trois noms, celui de son successeur, sans en parler à M. Fava.
«Je ne connais pas M. Fava, je n'ai jamais eu d'échanges avec lui et il n'est jamais intervenu auprès de moi», a-t-il dit.


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