Le spectacle des divisions de l'OTAN

La répartition inégale des risques et des responsabilités en Afghanistan témoigne pourtant des tensions qui la déchirent.

Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme






Le Canada a accepté une lourde tâche lorsque la décision a été prise en 2005 de prendre en charge la région de Kandahar dans le sud de l'Afghanistan. Les risques se sont avérés bien réels avec aujourd'hui un contingent canadien qui doit composer avec le taux de pertes le plus élevé de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS). Les Européens, eux, l'avaient bien compris.
Lorsque le mandat de la FIAS a été étendu à l'extérieur de Kaboul, ils se sont empressés de se porter volontaires au Nord et à l'Ouest où la situation est beaucoup moins instable. Certains voient dans la FIAS, première opération extra-européenne, l'avenir de l'Alliance Atlantique. La répartition inégale des risques et des responsabilités en Afghanistan témoigne pourtant des tensions qui la déchirent. (...)
À ces divisions géographiques se sont superposées celles des pays de l'OTAN. Dans le secteur nord, les Allemands, les Norvégiens, les Suédois et les Hongrois mènent le bal. Ils ont dû faire face récemment à une série d'attaques. Celles-ci sont liées aux anciens chefs de guerre maintenant installés à Kaboul qui tentent de maintenir leur mainmise sur leurs fiefs (et les divers trafics qui y ont cours).
Dans le secteur ouest, les Italiens, les Espagnols et les Lithuaniens assistent à une reprise économique encourageante. Les tensions politiques entre les nouvelles et les anciennes élites y demeurent cependant vives, comme au nord.
L'Iran y a investi des sommes significatives, reste à savoir si celles-ci reposent sur un authentique altruisme ou des calculs stratégiques cyniques à plus long terme.
Insurrection armée
Pendant ce temps, dans l'autre moitié du pays, les Américains, les Britanniques, les Canadiens et les Néerlandais ont été confrontés à une insurrection armée de grande ampleur. La stabilisation de l'Afghanistan repose officiellement sur trois piliers : la sécurité, la gouvernance et le développement. Dans les secteurs sud et est, le seul pilier dont on peut dire qu'il a connu quelques avancées récemment est celui de la sécurité, et encore.
Une visite à la base de Kandahar, principal point d'appui des forces internationales dans le secteur sud, suffit pour comprendre l'ampleur démesurée de la mission assignée aux forces militaires étrangères. Ils sont quelques milliers à peine pour couvrir une immense zone géographique reculée et difficile d'accès qui, de toute son histoire, n'a jamais souffert une autorité extérieure forte, qu'elle vienne de Kaboul ou d'ailleurs. Une pénurie sévère d'hélicoptères vient aggraver les choses, limitant ainsi le recours au seul véritable moyen de transport efficace dans un tel environnement. Restreints au camp construit à même l'aéroport, les visiteurs vivent sous l'étrange impression oppressante d'une garnison assiégée. (...)
Une question fondamentale sous-tend les tensions : sommes-nous en Afghanistan strictement pour contrer le terrorisme ou pour aider un pays à sortir d'un cycle sans fin de guerres? Avec le temps, les deux objectifs en sont venus à se confondre, la prévention à long terme du terrorisme reposant ultimement sur une situation stabilisée en Afghanistan. Des différents demeurent cependant à court terme sur les conditions justifiant un recours à la force et sur l'inclusion de certains insurgés dans le processus de réconciliation nationale.
Les divergences dépassent par ailleurs l'Afghanistan. Des débats nationaux animés se tiennent dans chacun des pays impliqués et la FIAS est à bien des égards la somme bigarrée de 37 politiques étrangères. Pour certains pays, l'ombre du désastre iraquien plane au-dessus de l'intervention en Afghanistan et leur implication dans ce pays est bien plus le reflet de l'état de leur relation avec les États-Unis que le fruit d'un intérêt sincère durable. (...)
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Invité par l'OTAN, l'auteur s'est rendu en Afghanistan et au Pakistan à la fin mai. Son séjour l'a mené à Islamabad, à Kaboul, à Herat, à Kandahar et à Mazar-i-Sharif à la rencontre des principaux acteurs liés à la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) sur le terrain. Marc André Boivin est le directeur-adjoint du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix de l'Université de Montréal. Nous publions aujourd'hui le deuxième texte qu'il nous a fait parvenir.

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Marc André Boivin6 articles

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Directeur adjoint du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix affilié au CERIUM, membre de l'International Institute for Strategic Studies de Londres et chercheur associé au Groupe d'étude et de recherche sur la sécurité internationale





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