Le vieux film

Budget Québec 2010

Certains ont dû grimacer en entendant le premier ministre Charest annoncer la tenue d'une vaste consultation sur la situation budgétaire du Québec, même s'il n'en a précisé ni le moment ni la forme.
Personne ne peut nier que l'état des finances publiques soit préoccupant. Dans son dernier budget, Monique Jérôme-Forget avait déjà posé un diagnostic alarmant, tout en restant évasive sur le traitement.
À la veille d'entreprendre les négociations pour le renouvellement des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, les employés de l'État ont cependant de quoi être sceptiques. Ils ont déjà joué dans ce film, et plutôt deux fois qu'une.
En 1982, le «Sommet de la solidarité» convoqué par le gouvernement Lévesque avait accouché d'une belle initiative, la «Corvée Habitation», mais il avait surtout fait apparaître un «trou» de 700 millions qui allait justifier une compression salariale de 20 %.
En 1996, le sommet en deux temps de Lucien Bouchard avait coïncidé avec la découverte d'un autre «trou», cette fois de 1,4 milliard, qui compromettait l'atteinte du déficit zéro. Pour éviter l'éclatement de la coalition souverainiste, le gouvernement avait finalement opté pour des mises à la retraite massives dans les réseaux de la santé et de l'éducation, avec les résultats désastreux que l'on sait.
M. Charest a indiqué qu'il était maintenant disposé à ouvrir le débat sur la tarification des services publics, mais il est évident que des augmentations de tarifs seraient encore plus mal acceptées si elles devaient servir à satisfaire les demandes des syndicats. Les employés de l'État, qui font toujours figure de privilégiés aux yeux de la population, risquent de faire encore une fois les frais de l'opération.
En mai dernier, la présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay, s'était montrée très réticente à précipiter le début des négociations. «Le gouvernement prendra le temps de bien se préparer», avait-elle expliqué. La consultation annoncée par M. Charest fait vraisemblablement partie de cette préparation.
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Deux ans de relations tumultueuses entre le gouvernement Charest et les centrales syndicales avaient culminé dans l'adoption de la loi spéciale de décembre 2005. À entendre les Henri Massé, Claudette Carbonneau, Réjean Parent et autres ténors syndicaux, le retour au pouvoir des libéraux était une véritable calamité.
Le règlement de la difficile question de l'équité salariale, de même que le vaste programme d'infrastructures lancé en 2007 ont permis un rapprochement, mais un nouveau bras de fer paraît inévitable.
Cela n'est pas nécessairement pour déplaire au PLQ, dont les syndicats ne constituent pas la clientèle naturelle. Historiquement, les affrontements dans le secteur public ont généralement tourné à l'avantage des libéraux. Il en va tout autrement du PQ, qui risque de se retrouver pris encore une fois entre l'arbre et l'écorce.
La tenue d'un sommet est un exercice risqué pour un gouvernement, mais c'est encore plus frustrant pour l'opposition, qui doit généralement se contenter d'un rôle de spectateur ou encore de pisse-vinaigre. Qui plus est, le PQ est maintenant privé de l'expertise et de la crédibilité de François Legault.
Pauline Marois promet d'attaquer le gouvernement sur sa gestion financière, mais ses propres positions sont loin d'être claires. Dès la publication du rapport Montmarquette, elle s'était dite prête à discuter de tarification, mais il semble que ce ne soit jamais le bon moment. Le PQ a également refusé de se prononcer sur les hausses salariales de 11,25 % sur trois ans réclamées par le front commun syndical. Un jour ou l'autre, il faudra pourtant bien qu'il se branche.
Il est vrai que sa position est délicate. Les sondages indiquent un tassement inquiétant du vote péquiste. Il serait d'autant plus risqué pour Mme Marois de mécontenter sa base syndicale que son leadership s'est passablement fragilisé au cours des derniers mois.
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À voir la tournure prise par la course au leadership, l'ADQ semble n'avoir besoin de personne pour terminer son autodestruction, mais un alourdissement de la tarification et une attitude musclée face aux syndicats sont certainement de nature à accélérer l'érosion du vote adéquiste au profit des libéraux.
Dans l'entrevue qu'il a accordée au Journal de Montréal une semaine avant d'entreprendre sa nouvelle carrière d'animateur, Mario Dumont assurait qu'il avait définitivement tourné le dos à la politique, mais il entend toujours «secouer» les Québécois, qu'il juge inconscients de l'ampleur des problèmes qui les menacent.
Il est vrai qu'à entendre les candidats à sa succession, on se surprend presque à s'ennuyer de ses coups de gueule. S'il décerne aujourd'hui sa «palme d'or» à Lucien Bouchard, il était nettement moins élogieux en 1996, quand l'ancien premier ministre menait sa croisade pour le déficit zéro.
Quand il le comparait à Mike Harris, qui avait imposé sans ménagement sa «Révolution du bon sens» à l'Ontario, l'ancien chef de l'ADQ voyait en M. Bouchard «un chef politique sans épine dorsale, flasque, sans conviction, dénué de courage politique, qui se laisse dicter sa conduite par les syndicats...». Ah, le charme des vieux films!
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mdavid@ledevoir.com


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