Guerre Afghanistan

Nicolas Sarkozy, l'OTAN et la guerre de la France en Afghanistan

Afghanistan - une guerre masquée


Dans un entretien accordé ce 26 mars à la radio britannique BBC, Nicolas Sarkozy a de nouveau justifié le renforcement annoncé de la partipation française à la guerre en Afghanistan. À la question "Allez-vous envoyer plus de troupes en Afghanistan ?", le président de la République a répondu dans le plus pur style bushien sur l'Irak: "Est-ce que l'on peut se permettre, nous, l'Alliance, les alliés, de perdre en Afghanistan ? La réponse est non. Parce qu'en Afghanistan se joue une partie de la lutte contre le terrorisme mondial, donc on doit gagner. [...] Est-ce que la France veut partir, la réponse est non."
Selon les informations de plusieurs sources, dont celles du quotidien britannique The Times, non démenti, Nicolas Sarkozy a d'ores et déjà décidé d'envoyer plus d'un millier de soldats français supplémentaires en Afghanistan, répondant ainsi aux voeux pressants de George W. Bush. Malgré la présence de 20.000 GI's et d'environ 50.000 hommes de la Force Internationale d'Assistance à la Sécurité (ISAF), bras armé de l'OTAN sous commandement américain, les militaires ne parviennent en effet pas à contenir l'insurrection islamiste qui contrôle désormais les deux tiers du pays que tente de gouverner Hamid Karzaï. Et les américains, embourbés dans un désastre qui ressemble de plus en plus à celui de l'Irak, supplient désormais les Européens de leur venir en aide, en particulier dans le sud du pays, fief des talibans.
L'occasion est trop belle pour le très atlantiste Nicolas Sarkozy qui ne demande rien tant que d'engager la France aux côtés des néo-conservateurs américains dans leur guerre de "civilisation" contre l'Islam. Pour cela, il souhaite ardemment réintégrer Paris dans le commandement de l'OTAN, ce "machin" inutile selon les termes du Général de Gaulle (qui a choisi lui, en 1966, de quitter l'organisation pour développer une politique de défense indépendante des Etats-Unis). Même s'il faut pour cela reproduire les erreurs stratégiques de l'administration Bush en Irak, c'est-à-dire envahir un pays pour y semer le chaos, générer des dizaines de milliers de morts et renforcer l'Islamisme radical ainsi que les luttes interconfessionnelles et la haine de l'Occident. Quitte aussi à augmenter dangereusement le risque d'attentats terroristes sur le territoire français, comme le promettent Al-Qaeda et les divers groupes de l'armée de l'ombre d'Oussama Ben Laden.
En dépit même des réticences de hauts militaires français comme le général Jean-Louis Georgelin qui craint une "logique d'escalade" et un futur bourbier pour l'armée française, la décision de déployer un nouveau bataillon de soldats français devrait être annoncée officiellement la semaine prochaine à Bucarest, lors du sommet des chefs d'Etat de l'OTAN, qui célèbre cette année son 60e anniversaire.
De nouvelles initiatives pourraient aussi être prises à partir de juillet prochain, lorsque Nicolas Sarkozy accèdera à la présidence de l'Union Européenne. George W. Bush lui a déjà recommandé avec insistance d'utiliser sa présidence pour augmenter les dépenses militaires afin que l'Europe puisse jouer un plus grand rôle dans les conflits que mène l'Empire contre le monde arabo-musulman (Proche-Orient, Irak, Afghanistan, Iran, etc) au nom de la "guerre contre le terrorisme". Le président français est tout acquis à la cause, affirmant à ce sujet qu'il est "essentiel d'exprimer avec clarté que la France se situe dans sa famille occidentale et quelles sont les valeurs qui sont pour elle essentielles" (Discours de Nicolas Sarkozy devant le corps diplomatique français, 18 janvier 2008).
Sans qu'aucun débat n'ait jamais eu lieu au Parlement, la France a déjà envoyé plus de 1.500 soldats en Afghanistan (2.200 si l'on compte l'ensemble du "théâtre afghan", c'est-à-dire les bases au Tadjikistan et au Kirghizistan et les bateaux de guerre patrouillant dans l'Océan Indien). L'opposition et les médias ne parlent pas, ou très peu, de ce qui se révèle bel et bien au fil des années comme une véritable guerre dans laquelle la France s'est engagée quelque peu légèrement en 2001, apparemment dans le sul but d'afficher son soutien aux Etats-Unis après l'attentat contre les tours du World Trade Center. Seul Jack Lang vient de demander récemment, dans un communiqué adressé au Premier ministre François Fillon, "de consulter le Parlement au sujet de l'envoi éventuel de troupes supplémentaires en Afghanistan". Le député socialiste s'interroge, alors que "les opérations de l'OTAN dans ce pays sont un demi échec" [...] "sur l'efficacité et la légitimité de renforts militaires français supplémentaires au moment même où d'autres pays tels l'Allemagne ou la Turquie entreprennent eux de se désengager". Une quinzaine de militaires français -- peut-être plus car l'armée répugne à donner des chiffres officiels -- sont déjà morts, et 110 blessés, dans ce conflit où l'armée française remplit les missions que lui donne non seulement l'OTAN, mais aussi directement le commandement américain dans le cadre de son Opération Enduring Freedom ("Opération Liberté Immuable").
Outre la sécurisation de Kaboul et la formation des officiers de l'armée afghane, les soldats français participent activement aux combats contre les Talibans. 150 à 250 membres des forces spéciales sont prévus d'être envoyés de nouveau dans les régions frontalières sous contrôle des groupes armés d'Al-Quaïda et des chefs de tribu qui lui sont favorables. Des hélicoptères, des avions cargo et six avions de chasse de l'armée française -- auxquels seront bientôt adjoints de nouveaux Mirage tricolores -- opèrent depuis la base US de Kandahar pour surveiller et bombarder quasi quotidiennement les groupes islamistes, quand ce n'est pas la population civile afghane (25 bavures mortelles des troupes de l'OTAN sur des civils ont été dénombrées l'année dernière). Au total, pour la seule année 2007, on décompte plus de 6.000 morts dans les combats, dont 1.000 appartenant aux forces de sécurité afghanes et 200 soldats de la coalition occidentale. Les Canadiens, qui ont déployé 2.500 soldats dans le sud de l'Afghanistan, zone où les combats sont les plus violents, ont perdu à eux seuls 80 hommes. C'est aussi à ces derniers, ou plutôt au premier ministre canadien Stephen Harper, bushien néoconservateur et militant sioniste convaincu, que Nicolas Sarkozy répond aujourd'hui par l'envoi de nouvelles troupes, car il menaçait de quitter l'Afghanistan avant l'année prochaine si l'Europe ne participait pas plus activement aux combats.
Pour mémoire, il n'est pas inutile de rappeler que c'est Washington qui, dans les années '80, a financé et armé les futurs Taliban afghans, appelés à l'époque "combattants de la liberté", pour lutter alors contre "l'envahisseur" soviétique.
Auteur : La République des Lettres, mercredi 26 mars 2008


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