Nos amis les Ricains

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Quelle est cette manie souverainiste de se sentir Canadien dès que les États-Unis haussent le ton ?

Pour les Américains, c’est sans doute un 4 juillet comme les autres, à peu de choses près. Au nord des Grands Lacs, toutefois, nous portons un regard différent, sur nos voisins.


Centrale pour nous, la relation Canada-États-Unis a souvent paru secondaire du point de vue américain. Gendarmes du monde, les Ricains ont mieux à faire que de s’occuper de leur gentil cousin canadien, d’autant plus qu’il n’a pas l’habitude de causer du trouble.


Cette année, changement drastique, on a l’impression de se retrouver en pénitence. Notre premier ministre a eu l’outrecuidance de bafouiller que les tarifs américains sur l’acier et l’aluminium étaient « un peu insultants ». Il est vrai que d’évoquer la sécurité nationale pour punir un allié de toujours est effectivement plutôt blessant pour celui-ci.


Les propos de Justin Trudeau ne suffisent pas à fournir un alibi à Donald Trump, qui poursuit dans son habitude de négocier en faisant tapis avec son gros tas de jetons, comme on le fait au poker devant un adversaire désargenté. Il ne fait, en somme, que jouer l’immense rapport de forces dont jouissent les États-Unis.


Le souci, c’est qu’en diplomatie, ce n’est pas comme dans le monde des affaires, où on peut écarter, voire éliminer, un concurrent. Les nations, elles, demeurent et se souviennent.


Interreliées


Quel que soit le temps que Donald Trump restera à la Maison-Blanche, il ne pourra pas y avoir de revenez-y sur tout ce qu’il aura accompli ou détruit. Les nations européennes garderont toujours en tête que cette démocratie n’est pas assez fiable pour éviter l’élection d’un homme instable, tandis que Vladimir Poutine et Xi Jinping ne céderont pas l’influence qu’ils auront prise pendant que l’éléphant orange sévissait.


Pour le Canada, ce sera différent, nécessairement. Son économie et sa géographie sont trop interreliées à celles des États-Unis.


On s’habitue à tout, remarquez. Quand Reagan est devenu président, la gauche mondiale a vu en lui le Pygmalion du néolibéralisme. Sous George W. Bush, on a tant et tant pleuré sur la mort du multilatéralisme et critiqué sa rhétorique clivante. On perçoit maintenant les deux comme un moindre mal.


De même, on est plus nostalgique de Barack Obama ici, qu’on ne l’est aux États-Unis. On est souvent prompt à oublier que, démocrates ou républicains, les présidents américains ne sont jamais représentatifs que de plus d’une moitié de cette immense nation.


Condamnés à cohabiter


« E pluribus unum ». « De plusieurs, un », peut-on bien maladroitement traduire de la devise américaine. Ce pays qui se prend pour un continent n’est pas loin d’en être un et pourrait se décliner en une douzaine de peuples.


C’est peut-être de plus en plus ainsi qu’il faudra voir notre relation avec l’Amérique. Nos politiciens devront travailler plus fort pour développer des liens individuels solides avec les élus des États frontaliers. Il nous faut créer des alliances avec ceux qui jouent eux-mêmes le système à partir du Congrès et des législatures d’État. En ce sens, les efforts actuels de Philippe Couillard, comme ceux d’autres acteurs canadiens, sont bien avisés.


À la fin, on n’aura pas le choix. Pour le meilleur et pour le pire, nous sommes condamnés à cohabiter avec nos amis les Ricains.


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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.