Nous revoici à pied d’œuvre

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Retroussez-vous les manches

Au moment d’écrire ces lignes, le résultat de la course à la direction du Parti québécois n’est pas encore officiellement connu. Il est néanmoins possible de dresser un bilan provisoire de l’exercice. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le parti a une immense besogne à accomplir. Si l’on peut, certes, se réjouir que la course ait provoqué un certain regain intellectuel, force est de reconnaître qu’il n’est pas du tout certain que l’impulsion aura été suffisante pour entreprendre la relecture du combat national et le repositionnement du parti.
Il aurait dû être évident que l’état dans lequel le gouvernement libéral laissera le Québec impose une contrainte politique majeure. La canadianisation du Québec, sa provincialisation consommée auront transformé notre demi-État national en succursale fédérale servile. La destruction planifiée et rageuse du modèle québécois, les efforts délibérés de destruction du capital social et le sabotage des configurations institutionnelles qui soutiennent le dialogue social et la concertation auront très gravement mis à mal notre capacité de cohésion nationale.
Parfaitement en phase avec la reconfiguration en cours de l’État canadian, partisan d’une adhésion enthousiaste au paradigme économique extractiviste qui laissera le Québec à la merci des multinationales du pétrole et des ressources minérales, le gouvernement Couillard prône une intégration politique et économique qui étouffera littéralement toute marge de manœuvre pour la promotion de nos intérêts nationaux. La convergence du fétichisme idéologique néoconservateur et du consentement à la minorisation est d’ores et déjà en passe de redéfinir pour longtemps les termes de notre rapport au Canada. Et plus cruellement encore ceux-là que le Québec entretient avec lui-même.
Renonçant à toute volonté de défendre et d’occuper son territoire en laissant le marché réguler les régions, c’est-à-dire en laissant aux grands investisseurs, la plupart du temps étrangers, fixer les conditions de développement des régions, la politique Couillard enfonce un coin de fer dans notre capacité de cohésion nationale. Déjà que le sentiment d’aliénation des régions à l’endroit de la métropole ne cesse de grandir, on imagine ce qu’il exprimera d’amertume et de ressentiment après cinq années de laisser-faire hypocrite. Il est pourtant clair que c’est là un piège fatal que d’opposer les régions à la métropole, de laisser croître les inégalités sociales et de développement par un consentement à des politiques qui, inévitablement, placent déjà Montréal à la remorque des grands centres métropolitains du Canada.
Dans le régime actuel et sans l’indépendance, Montréal est voué à n’être plus qu’un centre régional condamné à s’adapter et s’inscrire dans les choix nationaux canadian. Et les régions, pour leur part, sont laissées de plus en plus brutalement aux effets combinés des forces d’un marché qui ne s’intéresse qu’aux rentes à tirer de leurs ressources et d’un État fédéral qui, en plus de les approuver, n’a pas le moindre scrupule à les laisser dépérir en prêchant aux populations les vertus de la mobilité de la main-d’œuvre. Ce qui s’accélère dans la reconfiguration du régime, c’est la dislocation de l’économie du Québec comme économie propre possédant les ressources et les outils pour se construire et évoluer comme économie nationale. Cela nous conduira – et bien plus vite qu’on ne pense – à adopter des postures strictement défensives qui, elles-mêmes, auront pour effet pervers de nous enfoncer dans la logique et la psychologie du minoritaire frileux.
On n’a rien entendu dans cette course à la chefferie qui relèverait d’une telle lecture de notre situation politique. Cela n’a pas été le vide intellectuel, loin de là. Plusieurs idées intéressantes ont été soumises. Rien de bien audacieux cependant. Rien non plus que ne laisserait poindre une véritable approche de rupture du lien de dépendance canadian. Quelques propositions touchant l’assurance-emploi, le retour des aspirations plus ou moins revampé en matière de culture et communications, des idées sur ce que pourrait être le développement énergétique, l’évocation plus ou moins bien dégrossie de ce que serait l’état des finances publiques d’un Québec indépendant, auront certes donné du grain à moudre aux aspirants. Mais il n’y avait rien qui aurait pu être associé à des propositions bien en phase avec une doctrine de l’intérêt national. Et c’est pourtant là que se situe l’urgence politique.
Il est vrai qu’il était rafraîchissant d’entendre prononcer le mot indépendance dans des enceintes où il était devenu obscène. La rhétorique de mise au ban des purs et durs n’a pas fait recette. C’est toujours ça de pris. Mais l’indépendance requiert plus qu’un renouveau du vocabulaire. Les arguties sur les modes d’accession à l’indépendance sont bien pusillanimes en comparaison de ce qu’exigera l’élaboration d’un cadre stratégique rigoureux. Renouer avec le combat indépendantiste va exiger du Parti québécois un changement de paradigme dont on n’a pas senti qu’il était au cœur des débats.
Tout n’est pas mauvais dans la culture politique du PQ, tant s’en faut. Mais il y manque encore ce qui en fera le véhicule d’émancipation dont le Québec a besoin. Plusieurs de ses porte-étendards n’ont pas été à la hauteur de la responsabilité historique qui leur incombait. Il n’agit pas de les accabler et de jeter l’anathème, mais il faudra bien que se fasse le retour critique qui n’a été qu’effleuré au cours de cette campagne trop longue et, du coup, trop verbeuse.
Il faut souhaiter que, délivré des calculs imposés par la course, le prochain chef du Parti québécois entreprenne de mettre le parti au travail sur la formulation et la promotion d’une véritable doctrine de l’intérêt national. Elle seule permettra une critique rigoureuse du régime canadian et saura faire voir les raisons profondes qui font de l’indépendance une nécessité vitale pour notre peuple. Il faudra que le PQ redécouvre le potentiel du dialogue social, qu’il jette des passerelles et recompose des forces que ses égarements ont éloignées voire découragées. La tâche sera considérable et il faudra l’entreprendre rapidement, car le temps presse.
Pour la millième fois, nous revoici à pied d’œuvre.

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Robert Laplante173 articles

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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