Ce n’est pas que le décor de la photo qui est enchanteur. Messieurs dames les démissionnaires ont pris la pose. Ils ont décidé de jouer le meilleur des rôles dans le meilleur des films. Louise Beaudouin assure qu’elle veut ouvrir les fenêtres. Ça sent le moisi. Pierre Curzi invoque l’énergie créatrice de la souveraineté populaire. On comprend qu’ils aient tous voulu sortir de leur corset de personnages officiels en démissionnant. On démissionne et tout devient possible.
On veut le meilleur de tous les mondes, devenir des agitateurs indépendantistes, patronner des œuvres de charité, l’effet Khadir oblige, jouer on ne sait quel sacré rôle. Pourquoi autant d’ingénuité chez des gens d’âge mûr? Parce qu’ils sont des indépendantistes et que les indépendantistes se racontent toujours qu’un alignement interne au mouvement n’est pas encore prêt à passer à l’action pour cause de mauvaise volonté.
C’est l’explication en vigueur. Des chroniqueurs comme Josée Legault en ont carrément fait leur pain. Trois mille pouces levés en prime sur Internet. Et pourquoi les indépendantistes se rabattent toujours sur ce schéma d’analyse autocritique? Les indépendantistes, comme tous les Québécois d’ailleurs, disent que la bride imposée au Québec n’existe pas. Mais quand c’est l’heure de voter, ils votent en tenant compte de la situation à caractère double dans lequel le Québec est vraiment.
Récapitulons en deux paragraphes. C’est quoi la situation à caractère double? Il y a une quinzaine d’années, Claude Ryan constatait que l’on avait entretenu un mensonge sur le choix réel qui s’offrait au Québécois. Il en déduisait que les référendums n’avaient été qu’une légitimation programmée du régime. Jamais l’ultime autorité officielle du Canada, le gouvernement fédéral, n’avait d’ailleurs voulu présenter l’option comme étant faisable.
Claude Ryan accusait le caractère double qui plaçait le Québec devant au choix perverti à la base. Le régime canadien place le Québec dans la position d’un conjoint qui a le droit de demander le divorce tout en se voyant privé du statut de personne morale. La nation québécoise est vue comme un membre d’une réunion et n’existant en droit qu’en vertu de son intégration à cette réunion.
Autant la situation à caractère double a une incidence sur le vote des Québécois, autant il n’est jamais un objet de pensée : le tic-tac d’un horloge muet. Les indépendantistes disent que la conscience politique dépasse les limites imposées par le régime. En effet, diront-ils, à quoi ça sert d’être indépendantiste si c’est pour subordonner le mouvement aux limites du régime qu’on conteste? Être indépendantiste, c’est briser le moule. Ce n’est pas au régime canadien de décider si, comme Québécois, nous sommes en moyen de choisir, ajoutent-ils.
Peu importe leur chef ou le véhicule, les indépendantistes reprochent aux têtes de proue de faillir à leur rôle d’éveilleur de conscience. Celui ou celle qui est en avant trouve difficile d’éclipser toute référence au fait que l’indépendance n’est ni faisable unilatéralement ni négociable, tandis que, derrière, on maintient la pression sous prétexte qu’une quantité suffisante de « conscience » ou de « courage » permet de s’affranchir mentalement. Et les indépendantistes se racontent qu’ils sont dans la liberté des affranchis, avant-poste qui transcende la menace.
Ces appels au « courage », à la « conscience politique », sont ils un éternel escalier qui permet de disparaître dans le plafond? Le gouvernement du Canada se présente comme le régime de la différence. Et une telle responsabilité veut contenir des promesses explosives, dans le sens menaçant du terme.
Passé la ligne, le peuple absolument pacifique que nous sommes, ne le sera plus : c’est le message canadien. En tant que régime protecteur du droit à la différence, l’Etat canadien a créé en oblique tout un dispositif qui donne un aspect irréel à la ligne de faille entre « étapistes » et « duriste » si chère aux indépendantistes. N’est-ce pas une façon d’éclipser la référence à la situation que de parler de « conscience » et de répéter que la victoire est au tournant si on s’affranchit mentalement?
L’indépendance n’est ni faisable unilatéralement ni négociable mais un « non » peut signifier un « oui ». Mais vous êtes libres! Allez, les pantins de la Liberté! Agissez sur commande. Distribuez les alignements! Ou redistribuez les alignements car une fois franchi la ligne, le régime canadien sera là comme gardien du droit à la différence, le contestataire de la souveraineté québécoise.
Pendant ce temps on s’accuse autant comme indépendantistes que comme Québécois de ne pas savoir vouloir. Ou encore, il y a ceux qui se disent: Après tout, on est en sûreté au Canada. Ça oui, en s’identifiant comme membre du grand Tout canadien dans un Québec canadianisé. Le corollaire de cette situation c’est une fuite par le plafond ou de turbiner sur des chemins de traverse que l’on espère aux antipodes de la ligne de feu.
On a beau se mettre en pleine exaltation futuriste, dire que les choses ne sont plus ce qu’elles sont, que l’anglais d’aujourd’hui n’est pas celui de Lord Durham, l’historique des coups de force pèse sur l’inconscient collectif. Facile de croire en la partition après l’épisode du Labrador. Facile de croire en la démonisation d’un Québec souverain quand on sait que les activistes canadiens ont accusé les indépendantistes de crime contre l’humanité. Dès le premier référendum, il fut trop facile pour le Fédéral de rendre les conditions impraticables pour une décision collective prise en toute probité.
Votez, mais sachez que vous déciderez juste si vous serez du bon bord ou du mauvais bord de la différence. C’est le message canadien. Votez, et on fera une zone d’exclusion pour ceux qui ne communie pas dans autant d’amour de la différence que le « nous » canadien... Votez, gens de la province », et si vous êtes du mauvais bord de la différence, on sauvera tous ceux qui le veulent de votre apartheid. Pendant que les indépendantistes s’invitent au courage d’autres disent : Mon œil! Parce que mon œil me dit que le terrain peut devenir dangereux.
Les indépendantistes, à les entendre, vivent dans un milieu enfoui sous trop de complaisances, et qui doit être bousculé. Alors ils s’identifient à la mouche de coche qui doit piquer sinon mordre. Mais en fait, ce n’est pas l’image de la mouche de coche qui s’applique. C’est celle du serpent qui se mord la queue et qui cherche à s’entredévorer.
Les indépendantistes sont-ils capables de voir que ce n’est pas des complaisances et de préséances accordées à des paresseux qui forment le trait fondamental de leur camp politique? Seraient-ils capables de voir que loin d’être complaisants, ils disent au contraire toutes les duretés qui leur passent par la tête, « à prendre ou à laisser » et ce, d’ailleurs, depuis toujours?
Et les députés démissionnaires du Parti Québécois sont-ils capables de se demander « s’ils changent la façon de faire de la politique » ou s’ils sont (encore) en guerre contre un hypothétique alignement interne au mouvement indépendantiste? Louise Beaudoin peut ramasser des thèmes comme celui de la Constituante, ou du scrutin proportionnel, ces thèmes deviennent de nouvelles figures de cet espoir en un sursaut galvanique qui dispenserait de suivre des étapes.
André Savard
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2 commentaires
Jean-Charles Morin Répondre
19 juillet 2011Sans vouloir accabler qui que ce soit, je trouve ce texte bien obscur, contrairement à ce que nous a habitué son auteur que je lis régulièrement. Quelqu'un pourrait-il me dire ce qu'on essaie ici de prouver? J'en perd mon latin.
Peut-être qu'une traduction anglaise aidrait à y voir plus clair...
Archives de Vigile Répondre
18 juillet 2011Ces démissions pourront se révéler salutaires. Mis à part ceux qui veulent, pour certains depuis 40 ans, la mort du PQ en prétendant, sans être capables de le démontrer mais seulement en haussant le ton, que la disparition du PQ accélérerait l'arrivée de l'Indépendance, ce que souhaitent et les indépendantistes et l'électorat québécois c'est de réussir à mettre le Québec sur d'autres rails et à le débarrasser de tout ce qui entrave son développement et le bonheur de ses citoyens, ce qui est l'Indépendance.
Tant Mme Marois, que les démissionnaires, ainsi que les Parizeau, Landry, je le crois encore en tout cas,souhaitent voir l'indépendance de leur vivant pour enfin cesser d'en parler au présent et au conditionnel.
Pour ce faire, il faut que le ralliement se produise. Il en fut ainsi dans tous les pays du monde. Curieux qu'il n'y ait pas de références à l'Histoire des indépendances des peuples dans toute la littérature anti-PQ. L'histoire des idées indépendantistes à travers le monde est pourtant truffée de peuples profondément divisés qui à un moment ont décidé de se rassembler.
Il n'y pas d'exemples de peuple qui a réussi en se divisant.
Qu'on nous donne un SEUL exemple dans toute l'histoire universelle d'une nation qui a réussi à se libérer en se divisant. N'y-t-il qu'Ottawa pour savoir cela et avoir compris ce qu'il faut faire ?
C'est cela qui devrait tous nous animer et non pas l'exclusion et l'excommunication à la soviétique qui finira par éloigner même les esprits normaux...
Il y aura ralliement car ralliement et rasemblement il faut. Sinon, victoire à Ottawa et ses amis.