BLOC QUÉBÉCOIS

Parlons pertinence

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Une pertinence dont il est urgent de refaire la démonstration

Certaines idées deviennent tranquillement des lieux communs. Personne n’ose plus les contester, alors qu’elles mériteraient une analyse plus fine. Par exemple, l’idée, reprise récemment par Pierre Karl Péladeau — avant qu’il ne s’amende —, que le Bloc québécois ne serait plus « pertinent » au Québec, qu’il n’ait « servi à rien ».
Permettez un cliché facile : au pays du « Je me souviens », on pratique l’amnésie. Ainsi, en 2014, on répète que le Bloc québécois n’est plus « pertinent », qu’il a fait son temps. On semble avoir totalement oublié non seulement dans quel contexte il a pris naissance ; mais, en plus, que la donne fondamentale n’a pas vraiment changé depuis.

Même le candidat putatif à la direction du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, a repris ce lieu commun récemment, dans une rencontre partisane à Saint-Jérôme. Dans un des mouvements erratiques qui caractérisent l’apprentissage de ce nouveau politicien, il a fini par faire volte-face mardi (aiguillonné par les Drainville, Ouellet, Duceppe et Landry). Le fond de sa pensée est, toutefois, assurément plus conforme à la position qu’il a exprimée en fin de semaine.

Plusieurs s’en réjouissent. Cela ajoute un des derniers clous dans le cercueil de ce parti dont on rédige déjà avec délectation la nécrologie. L’ex-ministre Jean Lapierre, sur toutes les tribunes — comme pour expier son péché d’avoir participé à sa fondation — rappelle les propos de Lucien Bouchard lors de la fondation du Bloc en juin 1990 : « Notre mission à Ottawa est temporaire. Notre succès se mesurera à la brièveté de notre mandat. »

Se demande-t-on parfois pourquoi le Bloc a duré ? Ne serait-ce pas d’abord parce que le Non a remporté la victoire par une marge infime au référendum de 1995 ? Et que les souverainistes étaient passés à quelque 50 000 voix de l’emporter ? Un match revanche rapide était possible. Celui-ci n’est pas venu, certes. Et même si les souverainistes comptaient pour la moitié de l’électorat, le reste du Canada n’a rien fait d’autre, pour convaincre les millions d’électeurs du Oui à renoncer à l’idée de la souveraineté, que de brandir la carotte des commandites et le bâton du plan B.

Le Bloc a lutté non sans succès contre ces offensives. À Ottawa, des élus du Québec (de toutes les origines) pouvaient exprimer les intérêts du Québec qui découlaient des grands consensus ; sans être contraints par les logiques pancanadiennes. Les autres partis, étant donné le poids du Bloc, n’avaient d’autre choix, s’ils voulaient progresser au Québec, que de tenter de séduire sa base ; donc de prendre en compte les priorités du Québec. C’est là une bonne partie de toute sa « pertinence ».

Les Québécois n’étaient pas à la table des décideurs, réplique-t-on. Ils l’étaient pourtant lors du coup de force de 1982. Ils s’appelaient Jean Chrétien, André Ouellet, Jean Lapierre : ont-ils empêché l’affront ? Non, ils l’ont facilité ! En 2014, c’est le ministre Denis Lebel qui impose, contre l’avis de tous les élus québécois, un péage et un changement de nom à un pont. L’utilité d’« être au pouvoir » n’est pas toujours évidente. Être dans l’opposition ne « servirait à rien » en démocratie ? Logiquement, il faudrait recommander aux néodémocrates et aux électeurs de Québec solidaire de renoncer à leur choix.

Actuellement, plusieurs phénomènes conspirent à éradiquer le Bloc : l’oubli des vices constitutionnels du Dominion, l’érosion subtile de la notion même d’intérêts du Québec ainsi qu’une certaine dénationalisation tranquille (causée entre autres par l’effet de la Constitution de 1982 et du pouvoir judiciaire qu’elle a fondé). À cela s’ajoute la nouvelle direction de Mario Beaulieu, peu rassembleuse et loin d’être attrayante. Malgré tout, la disparition d’un parti propre au Québec n’est certainement pas qu’une bonne nouvelle.


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