Prise 2

Budget Québec 2010

Les délégués au conseil général du PLQ, qui ont donné le feu vert à des augmentations de tarifs tous azimuts, ont dû avoir une impression de déjà vu. Le scénario avait été exactement le même, en septembre 2003, quand le gouvernement Charest avait lancé son opération de «réingénierie».
Comme en fin de semaine dernière à Drummondville, les délégués réunis à Laval avaient eu droit aux savants exposés des experts avant que la présidente du Conseil du Trésor, Monique Jérôme-Forget, ne prenne le relais avec enthousiasme. À l'entendre, il urgeait même de confier la gestion de l'eau potable à l'entreprise privée sous peine de mettre la santé des Montréalais en péril.
Samedi, le trio de ministres venus plaider en faveur d'une nouvelle politique tarifaire a été moins alarmiste, mais le ministre des Finances, Raymond Bachand, a tout de même insisté sur la nécessité d'un «nouveau contrat social», sans quoi les grands services hérités de la Révolution tranquille seraient compromis.
La prudence avec laquelle il a accueilli les résolutions adoptées au conseil général démontre clairement que le premier ministre Charest a tiré les leçons de l'échec de la réingénierie, qui avait rapidement tourné en eau de boudin. Le mécontentement qui en avait résulté était venu bien près de mettre un terme à sa carrière politique en mars 2007, et il n'a manifestement aucune envie de prendre sa retraite.
Durant son premier mandat, il a été incapable de convaincre la population que la réingénierie n'était pas simplement une opération comptable. L'instauration d'une nouvelle politique tarifaire pose le même défi.
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Samedi, un délégué a ramené tout le monde sur terre en déclarant qu'il ne sentait actuellement aucun signe de mobilisation en faveur de ce «nouveau contrat social» dans l'opinion
publique.
«C'est vrai, a reconnu M. Bachand, parce que ça va mieux au Québec qu'ailleurs.» En effet, comment convaincre la population de l'urgence de la situation alors que lui-même répète tous les jours que, grâce aux initiatives avisées de son gouvernement, le Québec se sort merveilleusement de la récession? Si cela va mieux qu'ailleurs, n'est-il pas normal que les tarifs soient plus bas?
Lucien Bouchard avait réussi à mobiliser toute la société québécoise dans sa croisade pour le déficit zéro en répétant continuellement que ça allait mal et que le pire était à venir. Lui-même en était rendu à coucher au bureau.
Il est vrai que les défis auxquels le Québec doit faire face débordent largement la récession. Inexorablement, les tendances démographiques vont accentuer la baisse des revenus de l'État, alors que les dépenses iront en augmentant.
Il n'y a cependant rien de plus convaincant que prêcher par l'exemple. Semoncé par l'évêque de Québec, M. Bouchard avait renoncé -- de bien mauvais gré, il est vrai -- à sa pension fédérale, alors que le PLQ verse une prime annuelle de 75 000 $ à M. Charest.
Avec les années, même ses adversaires ont acquis un certain respect pour M. Charest et pour la détermination qu'il a manifestée dans l'adversité. Il lui reste cependant à démontrer qu'il a l'autorité morale nécessaire pour convaincre les Québécois de faire des choix difficiles.
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À la veille d'une nouvelle période de négociations pour le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public, l'avertissement que le premier ministre a lancé aux centrales syndicales est clair. Inévitablement, les employés de l'État feront les frais du redressement des finances publiques.
Au départ, diminuer la croissance des dépenses gouvernementales de 4,5 % à 3,2 % l'an prochain exigera un effort budgétaire incompatible avec les demandes salariales du front commun syndical.
Qui plus est, il sera impossible de convaincre la population de la nécessité de hausser les tarifs de façon substantielle si cela doit servir à financer les augmentations de salaire de gens qu'elle perçoit à tort ou à raison comme des privilégiés.
Déjà, l'opération s'annonce périlleuse. La simple proposition «d'envisager la possibilité d'instaurer de modestes frais de scolarité au niveau collégial» a provoqué une levée de boucliers dans le milieu de l'éducation. Qu'est-ce que ce sera quand il s'agira de l'électricité ou de l'eau?
Il est vrai qu'au cours de la dernière campagne électorale, M. Charest avait exclu des hausses généralisées. Bien entendu, c'était avant de connaître l'étendue des dommages causés par la «tempête parfaite» qui a frappé le monde financier à l'automne 2008 (air connu).
En réalité, l'opération est en cours depuis octobre 2007, quand le gouvernement avait commandé un rapport à l'économiste Claude Montmarquette, dont les conclusions étaient prévisibles. La récession offre plutôt une occasion de passer aux actes.
Comme après les élections de 2003, plusieurs diront qu'ils n'ont «pas voté pour ça». Pauline Marois, qui avait plutôt bien accueilli le rapport Montmarquette, peut toujours s'indigner de la duplicité du premier ministre, mais elle serait bien aise qu'il fasse le sale travail maintenant, avant qu'elle n'y soit elle-même forcée.
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mdavid@ledevoir.com


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