C’est une question qui revient pourtant souvent dans notre vie collective : qu’est-ce qu’un Québécois ? Elle s’est imposée à nouveau dans l’actualité avec la nomination de Kent Hugues comme nouveau directeur général des Canadiens.
Certains ont confessé leur agacement : cette fonction ne devrait-elle pas revenir à un Québécois francophone, et cela, dans une équipe qui n’en compte pas beaucoup sur la glace ?
Il ne faut pas se laisser piéger sur cette mauvaise piste.
Majorité
Nous n’allons quand même pas passer au détecteur de québécitude tous ceux qui ne semblent pas appartenir immédiatement aux descendants des 60 000 colons de 1760.
Cela ne nous dispense pas, toutefois, de méditer sur l’identité québécoise.
Évitons de tomber dans certains pièges.
Le premier consiste à définir la nation simplement à la manière d’une identité territoriale. Un peuple n’est pas qu’un rassemblement d’individus partageant un ensemble de règles administratives. Car, ainsi présentée, la culture devient secondaire, et il suffit qu’un voyageur s’installe quelques semaines chez nous pour devenir québécois. C’est évidemment absurde.
Le second consisterait à réduire l’identité québécoise au groupe canadien-français. Je note, soit dit en passant, que cette tentation est bien moins présente chez les francophones de vieille souche, qui ont depuis longtemps accepté d’ouvrir leur culture à ceux qui veulent l’embrasser, que chez certains nouveaux arrivants (pas tous, heureusement !) qui ne veulent pas porter l’identité québécoise. Pire : ils se sentent insultés quand on les y associe, comme s’il s’agissait d’une identité dégradée. Montréal leur convient, le Canada aussi, mais le Québec, beaucoup moins.
Nous tendons très souvent la main : elle est plus rarement saisie qu’on le souhaiterait.
Faisons le choix d’une autre méthode : celle de l’histoire.
Comment aborder l’identité québécoise, alors ?
D’abord à partir de sa majorité historique francophone. S’il y a un peuple québécois, c’est d’abord à cause d’elle. Depuis quatre cents ans, elle a exploré ce pays, elle l’a défriché, construit, imaginé, rêvé, défendu.
Tous ceux qui vivent au Québec sont québécois bien évidemment. Mais s’il y a un peuple québécois, c’est d’abord à cause de cette majorité qui en représente le noyau identitaire. On ne saurait la traiter comme une communauté parmi d’autres. Pour que le Québec demeure le Québec, cette majorité ne doit pas fondre démographiquement et ne doit pas s’effacer culturellement.
Histoire
Inversement, tant que cette majorité est là, elle peut s’enrichir de nouveaux apports, l’histoire en a témoigné. C’est en apprenant à dire nous avec elle qu’on peut ensuite la féconder de manière originale. Kent Hugues en donne un bel exemple.
Mais l’identité québécoise est inachevée : nous ne sommes toujours pas un pays indépendant. Le Canada nie notre existence et transforme le français en langue optionnelle sur notre propre territoire. Il nous condamne au rabougrissement.
Qui laisse de côté cette évidence se condamne à ne rien comprendre à nos inquiétudes identitaires. Et qui veut y voir de la xénophobie témoigne en fait d’un grand mépris pour nos siècles de luttes existentielles.