Le recul du français au Canada et au Québec est un fait indéniable. Il ne s'agit pas de «faire peur» à quiconque, mais de s'ouvrir les yeux!
Visiblement, Benoît Aubin s'informe mal à ce propos et surtout, il nous «informe» mal, ne maîtrisant pas son sujet.
Dans son texte du 31 janvier, il réagissait à la publication d'une étude commandée par la Société Saint-Jean-Baptiste et d'autres institutions, démontrant les insuccès du gouvernement québécois en matière de francisation des nouveaux arrivants. Monsieur Aubin s'en prend aux défenseurs de la langue française qui, selon lui, alarment le bon peuple québécois en criant au loup chaque fois qu'ils voient un petit pitou...
A-t-il seulement lu l'étude en question, réalisée par le chercheur indépendant Jean Ferretti sous la direction de l'Institut de recherche en économie contemporaine?
200 000 Néo-Québécois, surtout établis dans la région métropolitaine, ne parlent pas français. De ce nombre, 80% parlent anglais! De plus, entre 1997 et 2010, la proportion de travailleurs du secteur privé exerçant leur métier généralement ou uniquement en français sur l'île de Montréal, a chuté de 62,5 % à 43,7 %, une diminution de plus de 30% en moins de 13 ans.
D'après les projections du réputé démographe Marc Termote, d'ici l'an 2056, la proportion de locuteurs parlant le plus souvent le français à la maison chutera d'environ 82% en 2006 à 73% au Québec, et de 52,4% à 42,3% sur l'île de Montréal.
Il faut noter que l'anglais progresse nettement plus vite que le français sur l'île de Montréal avec un indice de vitalité linguistique de 1,42, comparativement à 1,09 pour le français, selon les données du recensement de 2011. Ainsi, pour 100 personnes de langue maternelle anglaise, 42 non-anglophones adoptent l'anglais comme langue d'usage.
Sur la question du bilinguisme des uns et des autres, les données évoquées par le chroniqueur paraissent essentiellement insignifiantes. La langue commune au Québec est le français, donc idéalement nos concitoyens allophones et anglophones devraient tous naturellement parler français, à l'instar des minorités francophones au Canada anglais qui sont bilingues à 87%... Or, au Québec, seuls 55% des allophones et 70% des anglophones sont bilingues. De toute façon, le bilinguisme tel qu'il se vit au Québec et au Canada est globalement un bilinguisme anglicisant, et non francisant... Il s'agit en fait d'un bilinguisme «diglossique» où l'hégémonie évidente de l'anglais gagne sans cesse du terrain au détriment du français. Pour plusieurs linguistes ou sociologues, le bilinguisme généralisé dans une société se révèle plus souvent qu'autrement comme une phase transitoire entre deux unilinguismes...
Par ailleurs, dans ses calculs pseudo-savants, Monsieur Aubin devrait s'assurer de comparer des pommes avec des pommes. Comparer le bilinguisme des francophones à celui des non-francophones au Québec, cela ne nous apprend rien. Ce qui est plus révélateur, c'est lorsqu'on compare le niveau de bilinguisme de la majorité francophone du Québec à celui de la majorité anglophone du Canada anglais. Alors, on réalise que les Québécois francophones sont remarquablement plus «bilingues» que les Canadiens anglais hors Québec, qui sont seulement 6% à parler français...
Quant au taux d'assimilation des francophones au Canada anglais, c'est-à-dire la proportion d'individus de langue maternelle française parlant anglais à la maison, il se situait en 2006 à environ 12% au Nouveau-Brunswick et 45% en Ontario, alors que dans les autres provinces majoritairement anglophones, ce taux dépassait largement les 50%, atteignant 75,4% en Saskatchewan, un ancien territoire métis.
Comment peut-on banaliser de la sorte des éléments d'information aussi parlants pour l'avenir du français à Montréal, au Québec et au Canada? Comment peut-on ainsi condescendre ceux qui se tiennent debout pour assurer la vitalité de notre langue commune? À moins de faire preuve d'aveuglement volontaire ou de se complaire dans le rôle du petit pitou bien content de donner la papatte sans broncher, il me semble que les Québécois sont en droit de pousser des cris lorsqu'ils prennent conscience d'«U.S. qu'on s'en va»...
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