Réformer le financement des partis ? Pour quoi faire ?

Attention aux fausses bonnes idées !

Denis Monière, politologue
Les scandales mis au jour par la commission Charbonneau et dont les médias se sont largement fait l’écho ont ouvert les yeux de l’opinion publique sur le problème du financement illicite des partis politiques et sur le lien entre ce phénomène et celui de la corruption.
Mais comme cela arrive souvent dans l’indignation collective, il y a de fausses bonnes idées qui s’imposent dans le débat public et qui nous empêchent d’aller au fond des choses ou à la racine des problèmes.
Ainsi en va-t-il de l’idée de réduire le montant des contributions individuelles de 1000 $ à 100 $ par année en s’imaginant que cette réforme suffira à combattre la corruption qui affecte notre vie démocratique.
Tant qu’à faire une réforme, pourquoi ne pas abolir le financement privé et instaurer le financement public à 100 % des partis, ce qui aurait au moins le mérite de garantir la transparence dans le financement des partis et de réduire les dépenses d’administration de ces contributions assumées par le DGE.
Passer de 1000 $ à 500 $ ou à 100 $ ne transforme pas substantiellement les liens indus entre l’argent et les décisions politiques. Cela pourrait même amplifier le phénomène des dons occultes de main à main.
L’histoire des législations électorales des 40 dernières années au Québec montre éloquemment qu’il n’y a pas de solution miracle aux problèmes de la corruption et que les meilleures lois deviennent inefficaces avec le temps.
Si on veut vraiment assainir la vie politique, il faut réglementer non seulement la source des revenus, mais il faut surtout s’attaquer à la cause du problème, soit les dépenses électorales. La révision de la loi sur le financement des partis doit avoir trois objectifs : améliorer la qualité du débat démocratique en garantissant des ressources justes et équitables aux partis, encourager la concurrence entre les partis et restreindre les dépenses électorales.
Tout le monde sait que les élections ne se gagnent pas avec des prières et que l’argent joue un rôle important dans les campagnes électorales. Plus un parti est riche, plus il a les moyens de faire connaître ses idées et d’influencer le choix des électeurs.
Certes, ce n’est pas toujours le parti qui dépense le plus qui gagne les élections, mais les capacités financières limitent le nombre de joueurs en compétition, car les partis qui ont peu de ressources sont le plus souvent victimes d’élimination.
Si les partis ont besoin de beaucoup d’argent, c’est en raison de l’augmentation exponentielle du coût des campagnes électorales. Ainsi on a constaté une véritable fuite en avant des dépenses électorales aux élections présidentielles américaines avec une inflation de 1000 % des dépenses électorales entre 1996 et 2008, celles-ci passant de 80 millions $ à 1 milliard $. Ces dépenses électorales sont principalement accaparées par les entreprises de communication.
Elles servent à informer les électeurs des offres de politiques en concurrence et certains les légitiment en soutenant que plus les dépenses sont élevées mieux les citoyens seront informés.
Mais ce raisonnement simpliste occulte des effets pervers, dont la marginalisation des courants d’opinions qui n’ont pas accès à ces ressources, les citoyens ne recevant pas nécessairement toute l’information nécessaire à un choix éclairé, mais seulement celle qui est cautionnée par l’argent.
En réduisant les dépenses électorales autorisées, on réduira du même coup la soif d’argent des partis et on pourra favoriser une plus grande équité dans les moyens d’accès à l’espace public ce qui en retour permettra plus de concurrence et une palette de choix plus large pour les électeurs.
Si la concurrence est un gage d’efficacité pour les entreprises privées pourquoi ne le serait-elle pas sur le marché politique? Pourquoi les électeurs devraient-ils se priver d’une meilleure offre de politiques?
Réduire le plafond des dépenses des partis revitalisera le rôle des militants et renforcera la démocratie dans les partis qui ne seront plus des machines à élections contrôlées par des experts en communication et en sondages.
Mais comme les vieux partis sont juges et parties en cette matière, ils ne mettront pas de l’avant des mesures qui amoindriraient leur emprise sur le marché électoral. Ils préféreront protéger leur rente de situation plutôt que d’aller au fond des choses.


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7 commentaires

  • François Ricard Répondre

    1 novembre 2012

    Contributions et dépenses
    Plafonner les dons aux partis politiques à 100$ est fort louable mais il faut aussi limiter les dépenses aux argents légalement perçus.
    Sinon les enveloppes brunes vont continuer d'être très populaires.
    Si un parti perçoit en contributions et financement 4 million$ et on lui permet d'en dépenser 8 million$, où, pensez-vous, ira-t-il chercher ce surplus?
    Le plafonnement des contributions à 100$ n'est que la moitié de la mesure et l'autre moitié, le contrôle des dépenses, est essentielle à son efficacité.Sinon ce ne sera qu'un geste pour épater les badauds.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 novembre 2012

    Un lecteur mentionne que le PQ est favorable au financement public des partis ce qui est vra,i mais tous les partis le sont aussi. On ne parle pas de la même chose ici. Nous proposons un financement public à 100% ce que ne propose pas le PQ. Le financement public des partis vient de deux sources. Tous les partis recoivent une subvention publique en fonction du nombre de votes obtenus à l'élection précédente. De plus l'État par ses crédits d'impôt accordés en fonction des contributions privées contribue aussi au financement des partis.
    Un autre lecteur soutient que le financement public intégral avantagerait les vieux partis. Mais ne le sont-ils pas déjà dans le système actuel? On pourrait introduire d'autres mécanismes pour corriger les trop grands déséquilibres comme une subvention minimale pour tous les partis qui ont un nombre suffisant de membres indépendamment du nombre de votes. Les déséquilibres pourraient aussi être corrigés en assurant à tous les partis un accès à l'espace public financé par l'État. Enfin l'abaissement significatif du plafond des dépenses électorales assurerait plus d'équité entre les partis.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2012

    Tant qu’à faire une réforme, pourquoi ne pas abolir le financement privé et instaurer le financement public à 100 % des partis, ce qui aurait au moins le mérite de garantir la transparence dans le financement des partis et de réduire les dépenses d’administration de ces contributions assumées par le DGE.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2012

    Monsieur Monière,
    Le programme du PQ propose un financement public. Vous n'en parlez pas. Pourquoi?
    Quant au 100$ proposé par individu,il ne serait pas déductible d'impôt. Si vous voulez donner 100$ à ON, vous le pourriez, et ON aurait sa part de financement public.
    Cette omission de la part d'un militant de votre qualité crée chez moi un petit malaise.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2012

    Il y a de nombreux bons points dans ce qui est souligné ici; cela dit, je crois aussi que certains des propos mériteraient d'être plus nuancés.
    Ainsi, le fait d'éliminer complètement la collecte de dons pour faire place à un financement public à 100%, via le DGEQ, pourrait s'avérer à terme une autre très mauvaise idée dans la mesure où cela favoriserait d'abord et avant tout les partis collectant déjà le plus de votes, tout en défavorisant ceux qui, au contraire, sont plus petits, plus jeunes, et ne pourraient conséquemment profiter du même niveau de financement public (puisque celui-ci s'appuie toujours sur le nombre de votes obtenus lors des précédentes élections).
    À la limite, il faudrait alors aussi réclamer une modification dans l'octroi des subsides découlant du financement public. Autrement, des partis comme Option Nationale, ou QS, se retrouveraient dans une posture encore pire.
    L'idée de restreindre les dépenses électorales seraient d'autre part une excellente idée qui, de toute manière commence aussi à gagner en momentum.
    André Parizeau

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2012

    Il faudrait légiférer pour réduire les dépenses partisanes au minimum. Un parti devrait produire un programme et l'annoncer, ainsi que le nom des candidats. Pour ce qui est de la formation des idées, un parti peut colliger les idées de différents clubs pour faire sa propre synthèse. Comment élabore-t-il sa synthèse ? Cela dépend du parti.
    Il doit aussi afficher ses candidats avec un profil aussi juste que possible pour une embauche.
    Pour ce qui est des recherches, des clubs de volontaires pourraient s'y mettre. Il suffit de démocratiser l'accès aux archives.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2012

    Il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup d'argent pour faire une bonne cammpagne.Il s'agit premièrement d'avoir
    un bon chef qui est un peu connu,qui est rassembleur et que tous les militants veulent suivre et travailler fort sur le terrain.Ces militants sont des personnes convaincues et connaissantes des idées à partager avec les électeurs.
    CE n'est pas une question d'argent.Les magouilles que nous voyons actuellement pour le financement des partis politiques,tout organisateur ou agent financier connait
    cela.