Pour celles et ceux qui se demandent pourquoi le Maïdan, et la guerre en cours dans le Donbass ont lieu, l'un des motifs les plus évidents est le motif géopolitique des États-Unis, qui veulent couper l'Ukraine de la Russie (voir « Le Grand échiquier » de Zbigniew Brzezinski) et rapprocher ainsi encore un peu plus les bases, soldats et missiles de l'OTAN des frontières de cette dernière.
Mais il y a derrière toute cette géopolitique qui sert les intérêts américains, des intérêts financiers supranationaux évidents. Bien avant le Maïdan, et encore plus après, bon nombre de compagnies ont lorgné sur l'Ukraine.
De Monsanto qui rêve de racheter les terres agricoles ukrainiennes à pas cher pour faire pousser des OGM sur le tchernoziom (cette terre très fertile qui se trouve en Ukraine, et qui en a fait historiquement le grenier à blé de l'URSS), aux entreprises de gaz de schiste (dont certains champs gaziers visés sont je vous le donne en plein dans le mille, dans le Donbass), en passant par ceux qui espèrent racheter les usines ukrainiennes pour une bouchée de pain une fois son industrie détruite par la rupture des relations économiques avec la Russie, il y a là de quoi s'enrichir sur le dos du peuple ukrainien. Et tant pis si celui-ci finit dans la guerre civile et la misère.
Il faut rajouter à ces cibles presque purement financières (car alimentation et énergie ont aussi une portée géopolitique évidente), une cible qui est à la fois lourde sur le plan géopolitique et sur le plan financier : le réseau de transport gazier. Car l'Ukraine est un nœud gazier central pour la livraison du gaz russe à l'Europe, comme le montre cette carte du groupe Gazprom :
C'est d'ailleurs cette position centrale dans la livraison du gaz, dont l'Europe a tant besoin (la Russie fournissant près du tiers du gaz consommé en Europe), et les conflits récurrents entre l'Ukraine et la Russie depuis le premier Maïdan de 2004, qui représentent un danger pour l’approvisionnement du continent. Ce n'est pas pour les beaux yeux de Porochenko que Merkel et Hollande ont tant poussé pour la signature des accords de Minsk. Mais parce que l'Allemagne a vu là le risque de voir l'Ukraine s'effondrer totalement, et ses approvisionnements en gaz russe avec.
C'est aussi à cause de cela, que l'Allemagne pousse à présent pour la construction du gazoduc Nord Stream 2, qui lui permettra de continuer à recevoir directement le gaz russe, en contournant le nœud problématique que constitue l'Ukraine actuelle.
L'Ukraine exerce un chantage sur l'Europe grâce au fait qu'elle a la main sur le robinet et peut couper ou prélever une partie de l'approvisionnement en gaz de l'UE (il faut rappeler que l'Ukraine a ainsi volé jusqu'à 15 % du gaz destiné à l'Europe lors du conflit gazier qui a éclaté après le premier Maïdan, la révolution orange). C'est ce qui explique les réactions hystériques de Kiev concernant les projets Turkish Stream et Nord Stream 2, qui la priveraient de son pouvoir de nuisance, et donc de son poids géopolitique.
Une fois posé ce cadre, on comprend mieux l'importance de l'information qui a été publiée par Interfax le 13 octobre (version anglaise disponible ici), sur le fait que la banque Rothschild basée à Milan (Italie), a remporté l'appel d'offre pour fournir des services de banque d'investissement à Naftogaz pour dégrouper les activités de transport gazier et trouver des partenaires pour gérer le système de transport de gaz en Ukraine.
Si la valeur du contrat de la banque Rothschild se monte à 98 millions de Hryvnias (soit 3,15 millions d'Euros), le coût total évalué pour ce travail est estimé à 193,3 millions de Hryvnias (soit 6,213 millions d'Euros), comme le montre la fiche de l'appel d'offre sur le site du système ProZorro.
Tout ce charabia peut sembler un peu obscur, alors je vais expliquer un peu ce que cela recouvre et les implications de ce contrat.
Tout d'abord qu'est-ce que le dégroupage ? Il faut savoir que Naftogaz (société détenue à 100 % par l'état ukrainien), comme indiqué sur son site, gère toute la filière du gaz, mais aussi du pétrole, de la production jusqu'à la distribution en passant par le transport. La partie gestion du réseau de transport gazier est dévolue à sa filiale Ukrtransgaz (100 % détenue par Naftogaz et donc par l'état ukrainien).
Ça c'est la situation actuelle, en gros via sa filiale Ukrtransgaz, Naftogaz contrôle et gère les gazoducs qui parcourent le pays. C'est d'ailleurs Naftogaz qui paye Gazprom (le fournisseur de gaz russe), pour le gaz que reçoit l'Ukraine de son voisin (et les factures impayées de Naftogaz sont à l'origine des conflits gaziers entre les deux pays).
Alors qu'est-ce que cet appel d'offre va changer ? Dégrouper le système de transport du gaz en Ukraine signifie que ce dernier va s'ouvrir à la concurrence. En clair le système de transport du gaz (les gazoducs) contrôlé jusqu'ici par une entreprise d'état, va être vendu (d'abord partiellement, puis sûrement totalement par après) à des sociétés privées.
Et c'est là que Rothschild intervient en tant que « banque d'investissement ». Le rôle de la banque va être de conseiller Naftogaz pour choisir la ou les meilleures sociétés à qui revendre des morceaux/parts du système de transport gazier qu'elle détient. En clair, comment privatiser le réseau public tout en retirant un maximum de bénéfices.
L'idée à terme c'est que le hub gazier ukrainien n'appartienne plus à l'État ukrainien, mais à une ou des entreprises privées, et donc finalement aux investisseurs et à des banques comme Rothschild, qui ne va certainement pas se gêner pour placer en avant comme acheteurs des sociétés qu'elle finance (via des prêts ou des actions/obligations) ou conseille, afin elle aussi d'en retirer un maximum de bénéfices.
Dès lors ce ne sera plus l'Ukraine en tant qu'état qui aura la main sur le robinet de gaz de l'Europe, mais des entreprises privées et des banques, dont certainement la banque Rothschild (dont le passif en terme d'investissements sanglants, dès le 19e siècle, est facile à trouver en ligne sur Investopedia ou le site du Telegraph).
L'Ukraine est en train d'être dépecée et vendue morceau par morceau sur le marché, pour le plus grand bénéfice des financiers. Et au vu de l'importance géopolitique, stratégique et financière du hub gazier qu'est l'Ukraine, il est plus qu'inquiétant de voir des banques d'investissement au passif aussi sanglant que celui de la banque Rothschild mettre la main dessus.
Il faut garder à l'esprit qu'à l'heure actuelle, la plupart des guerres des dernières décennies dans le monde, et celles qui se préparent, sont avant tout des guerres de ressources naturelles (pétrole, gaz, métaux précieux), et que ces guerres sont un marché très rentable pour ceux qui investissent dedans. Certaines familles, comme celle des Rothschild, se sont ainsi énormément enrichies, sur le sang et la mort de soldats qui croyaient défendre leur patrie, mais n'étaient là que pour participer à l'enrichissement de quelques-uns.
Christelle Néant