Québec -- C'est reparti comme en 2006. Le débat sur le port des signes religieux dans les services publics québécois a enflammé l'Assemblée nationale, hier. Un débat dans lequel le gouvernement et la ministre de la Condition féminine, Christine St-Pierre, ont carrément refusé de prendre position.
Tout a commencé par une question de la chef par intérim de l'Action démocratique du Québec, Sylvie Roy, qui s'étonnait que la ministre St-Pierre n'ait pas désavoué «publiquement et énergiquement la position de la Fédération des femmes du Québec». Rappelons que la FFQ a rendu publique en fin de semaine sa position hostile à l'interdiction des signes religieux au sein de la fonction et des services publics québécois, notamment le voile islamique.
Mal à l'aise, la ministre a d'abord dit que c'est là «une question sur laquelle tout le monde s'interroge», pour ensuite souligner que le Conseil du statut de la femme, organisme dont elle a la charge, avait dit «tout le contraire» de la FFQ sur cette question en 2007. Mais elle a pris bien soin de préciser si le gouvernement était davantage du côté de la FFQ ou du CSF.
Mme St-Pierre a plutôt rappelé qu'après le dépôt du rapport Bouchard-Taylor, le gouvernement avait modifié la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pour y inclure l'égalité entre les hommes et les femmes.
Avec le projet de loi 63, adopté en 2008 (et qui ne comportait que deux articles), le préambule de la Charte a été modifié pour y mentionner le principe, puis on y insérait l'article 49.2.: «Les droits et libertés énoncés dans la présente Charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.»
La chef du Parti québécois, Pauline Marois, a emboîté le pas à la chef adéquiste et a reposé la question. Mme St-Pierre a répété sa réponse. La chef de l'opposition s'est impatientée: «C'est vraiment une mauvaise habitude. Ce gouvernement n'a pas d'opinion [...]. La question, elle est d'une simplicité, d'une limpidité exemplaire. Est-ce qu'on est d'accord avec la position de la Fédération des femmes du Québec sur le port du voile, ou est-ce qu'on est d'accord avec la position défendue par le Conseil du statut de la femme?» Mme St-Pierre a alors précisé qu'à ses yeux, «c'est une question qui est beaucoup plus large que ça. Lorsqu'on parle des signes religieux, on parle des gens qui portent une petite croix dans le cou», a-t-elle laissé tomber.
Marois estomaquée
En point de presse, Mme Marois s'est dite «estomaquée» par le «manque de courage» de Mme St-Pierre. Selon elle, la ministre a eu le temps de «se faire une tête sur cette question, surtout qu'il y a eu beaucoup de débats autour [de cette question lors de] de la commission Bouchard-Taylor». La chef péquiste a par ailleurs soutenu que, pour elle, «une croix dans le cou» n'était pas un signe «ostentatoire», mais elle a dit accepter que «cette question soit soumise et débattue». Quant à la possibilité d'exclusion découlant d'une interdiction du voile, elle a évoqué «une mise en place progressive» de l'interdiction afin d'«aider les gens qui seraient concernés à faire ce changement-là».
Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, s'est pour sa part inscrit en faux contre cette position puisqu'elle conduirait selon lui à des «chasses aux sorcières». Il a tenu à rappeler que sa formation appuyait la position de la FFQ, même si le voile est un «symbole de soumission».
Le retour du refoulé
Après avoir déploré n'avoir eu pour réponse que des «banalités» de la part de la ministre, Sylvie Roy a soutenu que le gouvernement avait créé la commission Bouchard-Taylor, mais qu'il n'en avait pas tiré de leçon et que ce dernier «manque de leadership sur ces questions».
Au cabinet de la ministre de l'Immigration, hier en fin d'après-midi, on était incapable d'évaluer quel pourcentage du rapport Bouchard-Taylor avait été appliqué. Le seul exemple qu'on était en mesure de citer est la modification de la Charte pour y inclure l'égalité hommes-femmes. «Ça ne se calcule pas en pourcentage», a dit l'attachée de presse, Élisabeth Moreau, qui a soutenu qu'un suivi des recommandations de Bouchard-Taylor avait été mis en place.
Une des recommandations de la commission était l'éviction du crucifix à l'Assemblée nationale, ce que les élus avaient rejeté à l'unanimité le jour même du dépôt du rapport. Hier, Mme Marois a soutenu qu'un signe ostentatoire était porté par un individu et que du reste, le crucifix placé au-dessus du trône du président «fait partie de notre patrimoine et de notre histoire».
Joint à Harvard où il est professeur invité jusqu'en juin, le coprésident de la commission Bouchard-Taylor, Gérard Bouchard, a refusé de commenter cette nouvelle querelle des accommodements raisonnables. Il a admis avoir reçu «quelques courriels» hier, mais n'a pas voulu en dire plus.
Déposé en mai 2008, le rapport Bouchard-Taylor recommandait que le port de signes religieux par les agents de l'État soit interdit à certains d'entre eux (magistrats et procureurs de la Couronne, policiers, gardiens de prison, président et vice-présidents de l'Assemblée nationale). «Mais pour tous les autres agents de l'État [enseignants, fonctionnaires, professionnels de la santé et autres], nous estimons que le port de signes religieux devrait être autorisé», peut-on lire dans le rapport.
Services publics québécois - Signes religieux : le débat est relancé
Le gouvernement refuse de prendre position
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