Un Québec bancal

2006 textes seuls

Le gouvernement Charest a été pourfendu pour ses velléités de «réingénierie» de l'État. L'année 2005 a plutôt démontré que son action «structurante» a été beaucoup plus imposante en périphérie de l'appareil étatique. Pour des résultats pas toujours très heureux.eudi, un communiqué nous a rappelé que les grognes que le gouvernement Charest a voulu étouffer avec son bâillon de la mi-décembre resurgiront sous peu. La ministre de la Famille, Carole Théberge, y présentait en effet le groupe de travail chargé de décider du nombre de bureaux coordonnateurs qui chapeauteront sous peu la garde en milieu familial.
La ministre Théberge s'attend à ce que ce groupe de travail bénéficie de «la collaboration de l'ensemble des acteurs du système». Parions plutôt que le goût amer de la fin de session parlementaire ne sera pas oublié quand ce groupe entreprendra ses consultations le 9 janvier. D'autant qu'il le fait à partir de la proposition émise par le ministère, soit la création de 130 bureaux coordonnateurs, ce qui est bien peu par rapport aux 884 centres de la petite enfance qui s'occupent actuellement du milieu familial.
La ministre s'est montrée ouverte à des changements. Mais jusqu'où sera-t-elle prête à aller pour apaiser les craintes de bureaucratisation du réseau ? Probablement jusque-là où il n'y aura que des mécontents, comme plusieurs des gestes «structurants» faits par le gouvernement Charest depuis son arrivée au pouvoir.
Il n'y a plus lieu de craindre la «réingénierie» de l'État. Comme le démontre Daniel Maltais, de l'École nationale d'administration publique, dans L'Annuaire du Québec 2006, celle-ci s'est transformée en une modernisation qui «évoque plutôt une réforme administrative en douce». Néanmoins, le gouvernement Charest s'est lancé dans d'autres réformes structurelles qui laisseront leurs marques pendant longtemps mais qui sont très boiteuses.
Le pénible exercice des défusions municipales, qui trouvera son aboutissement demain avec des villes qui auront retrouvé leur nom mais pas leur autonomie d'antan, en est un bon exemple. Le rêve d'«une île, une ville» est mort; pourtant, chez les «vainqueurs», ça ronchonne toujours, et on s'interroge sur le fonctionnement du nouveau conseil d'agglomération. Appelle-t-on cela du progrès ?
Le contournement de la «société civile» suit par ailleurs son cours. Il n'y a pas que les conférences régionales des élus (CRE) qui, en remplaçant les conseils régionaux de développement, ont évacué, avec bien du mécontentement, la place du communautaire. Le même reproche commence à poindre dans le réseau de la santé et des services sociaux. Les conseils d'administration des établissements perdent peu à peu leur aspect «participatif et communautaire», racontait en novembre dans Le Soleil un médecin qui venait de démissionner du conseil d'administration de son centre de santé. En un an, écrivait-il, «le conseil s'est technocratisé», ses pouvoirs de gestion ayant été «usurpés par la mainmise ministérielle». Il n'y a plus d'autonomie, que des normes centralisatrices à appliquer...
Dans le même esprit, il faudra surveiller le tout nouveau bureau du forestier en chef, créé à la suite du rapport Coulombe et qui sera responsable du calcul de la possibilité forestière. Le bureau a été établi à Roberval, preuve, selon le gouvernement Charest, de sa foi en la décentralisation. Sauf que ses employés établis à Québec sont plus nombreux que ceux du supposé bureau principal de Roberval ! Cela ne durera qu'un temps, s'est défendu le ministre des Ressources naturelles. Mais comme le forestier en chef -- duquel on attend «autonomie et neutralité», selon les mots du rapport Coulombe... -- relève directement du sous-ministre, on peut croire que l'ombre de Québec ne sera jamais bien loin. Est-ce là un autre simulacre de décentralisation ? Un futur exemple de technocratisation ?
Le gouvernement libéral fera encore face à de bien grands enjeux en 2006, et ces histoires de structures n'occuperont pas le devant de la scène. Elles forment néanmoins les rouages du Québec. Il est affligeant que cela grince autant.


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