Une triste histoire

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Faire basculer l’histoire du Québec dans l’accomplissement de soi

Les journaux en font des articles. « Nos enfants ont l’histoire triste ». Et ils ont vérifié la perception de leurs lecteurs pour conclure qu’eux aussi « ont l’histoire triste ».
Francine Pelletier, du Devoir, titrait son propos sur le sujet: « Oublier ce dont on se souvient » et le commençait par cette réponse d’un enfant à la fameuse question posée sur l’histoire du Québec : « Jadis, il y avait des Amérindiens, ensuite des bûcherons, maintenant des indécis. »
C’est que Jocelyn Létourneau, historien de l’université Laval, vient de publier Je me souviens? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse. À lire, nous dit-on, en signalant que la sortie d’un livre de Jocelyn Létourneau « est toujours un événement » et que celui-ci entraînera lui aussi la polémique. Résultat d’une longue et minutieuse recherche à partir de cette question : « Si vous aviez à résumer, en une phrase ou une formule, l’aventure historique québécoise, qu’écririez-vous personnellement », on y apprend, semble-t-il, que les jeunes Québécois ont une perception de l’histoire dans laquelle « tout le monde est malheureux », comme le titre Louis Cornellier dans sa critique. Une « vision dominante de dominés ».
Il y a quelques jours, Stéphane Lévesque, professeur d’histoire de l’Université d’Ottawa, commentait lui aussi l’événement et s’étonnait, semblant y voir un échec de l’enseignement actuel de l’histoire, que: « Partout au Québec, les jeunes d’héritage canadien-français adoptent d’emblée un récit de « la survivance » d’un petit peuple francophone d’Amérique abandonné par la mère patrie et victime des autres (les Anglais) et d’un destin manqué, celui d’un peuple non souverain et indépendant qui se cherche toujours. [...]. Puisque ce n’est plus l’histoire qui leur est enseignée aujourd’hui dans nos écoles, « Comment se fait-il alors » se demande-t-il, « que de Gatineau à Saguenay en passant par Québec et Trois-Rivières les jeunes francophones du Québec racontent encore une histoire d’une autre époque ?
Une histoire d’une autre époque ? De fait, cette histoire, retenue par les enfants, c’est celle de « l’histoire racontée par Maurice Séguin, par Éric Bédard ou par Pierre Falardeau, disons. » écrit Louis Cornellier. Alors oui, comment l’expliquer ?
Il faudrait peut-être imputer cet « échec » à un déficit de l’utilisation du « récit » dans l’enseignement actuel de l’histoire, selon M. Lévesque, qui termine son propos en souhaitant voir les petits Québécois – et les petits Canadiens – « acquérir de nouvelles façons plus valables de mettre en récit le passé collectif, sous l’angle des limites, mais aussi des possibilités qu’offre la narration pour construire leur identité et (re)structurer leur vision de l’histoire. L’avenir du Québec et du Canada n’en demande pas moins. »
Louis Cornellier, quant à lui, termine son analyse par cette réflexion: « Savant qui se fait idéologue, Létourneau fait fi du fait que, dans la vie des peuples comme au hockey, il y a des contacts qui entraînent des commotions chez ceux qui les subissent. » Voilà!
Ce qui nous suggère la question : et si ces jeunes avaient raison de percevoir notre histoire comme une histoire triste, qui le restera aussi longtemps que nous ne l’aurons pas sortie de l’impasse; non pas en niant la tristessse de sa réalité passée et en se contentant de la critiquer et de la reformuler dans un nouveau récit profitant au Canada, mais en la faisant basculer dans l’accomplissement de soi : l’indépendance. Alors, elle serait enfin dénouée, au lieu d’être en suspens, et nous aurions sûrement – ainsi que nos enfants – l’histoire plus fière et plus heureuse.
Nicole Hébert


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