Comme on sait, les fédéralistes ont beaucoup misé sur le thème de la destruction d'un pays et son remplacement par une république de bananes qui se nommerait le Québec. Le problème québécois a tellement été traité en ces termes que l'on peut parler d'une mise au pas du vocabulaire. Pour ajouter au pire, les deux camps politiques doivent composer à une époque de simplification médiatique où on cherche plus à avoir de l'impact qu'à instruire le jugement politique.
Les souverainistes ont tout avantage à insister sur la nature exacte de l'option fédéralistes. Etre fédéraliste, c'est militer pour le maintien d'un régime. Les idéateurs fédéralistes ont très bien compris l'astuce. Ils sont beaucoup plus prompt à affirmer qu'il lutte pour le maintien d'un pays que d'avouer leur attachement à un régime unitariste.
Il existe une réceptivité émotive naturelle par rapport à des thèmes comme celui de garder un pays ou sur l'importance de rester ensemble, solidaire. Ce sont des valeurs qui excitent la ferveur. Les fédéralistes l'utilisent systématiquement comme on se cache derrière une bannière.
Les fédéralistes ont, en outre, la chance de voir le régime unitariste qu'ils défendent aidé par l'attitude des Québécois.
Une lecture d'un livre comme Mes Premiers Ministres de Claude Morin montre l'empressement avec lequel toute démarche affirmative est torpillée et jugée inutile.*
Le passé se fait très proche quand Morin décrit les humeurs du parti de l'Union nationale lorsque le gouvernement Lesage parvint à conclure des ententes sur la culture et l'éducation avec la France: "On ne peut pas dire que l'Union nationale avait accueilli cette percée internationale avec un engouement débordant. Pour beaucoup de ses partisans, ces initiatives, comme les voyages de ministres à l'étranger et la création de maisons du Québec en France, en Grande-Bretagne et en Italie, ne faisaient qu'ajouter des frais supplémentaires aux regrettables dépenses fastueuses et improductives déjà provoquées par la politique de grandeur de Lesage, vivement dénoncée pendant toute la campagne électorale."
Une fois le fait accompli, les acteurs politiques du Québec, malgré l'interférence du théâtre canadien, remettent moins en cause le droit du Québec de se représenter lui-même. Si un parti du Québec prônait le sabordage de nos maisons du Québec aujourd'hui, ce serait du suicide politique. Seulement, chaque nouveau pas se trouve entouré d'un interminable procès. Pour éviter cet interminable procès et demeurer monstrueusement en paix, les acteurs politiques préférent ne pas trop remuer et contribuer à l'enlisement.
Les luttes un peu trop osées finissent par se perdre sous les sables avant de revenir à la surface vingt ans plus tard. Morin raconte par exemple comment, à titre de hauts fonctionnaire lui et Parizeau durent documenter un plan pour le retour au Québec de la totalité des impôts directs. Et avant, plusieurs programmes avaient déjà fait l'objet d'une demande de rapatriement de la part de Lesage...
Lors de la préparation des dossiers pour appuyer ses demandes, le Québec doit prévoir les réponses de son interlocuteur. Il a affaire avec des tribuns du régime qui lui répondront que le régime ne peut souffir d'imperfections graves. Il ne doit pas y avoir des défauts par rapport à l'intérêt du pays tout entier. Aussi bien dire que toute concession faite au Québec ne se fera qu'avec le renforcement préalable de la structure interprovinciale et de ses normes.
Arrive un nouveau premeir ministre. Par exemple, Bourassa, après le gouvernement de Daniel Johnson. Toujours en sa qualité de haut fonctionnaire. Claude Morin rencontre Robert Bourassa. Le nouveau premier ministre ne semble pas trop savoir ce qu'il veut ni avoir de vision précise pour conduire une politique de renforcement de l'Etat québécois.
Le Québec est probablement le seul pays au monde où, pour devenir premier ministre, un candidat ira se vanter de ne rien vouloir de trop précis. S'il prend le risque de renforcer l'Etat québécois, il troublera la paix. Il ne dit pas que son parti travaille au maintien du régime. Il dit que lui et son groupe sont hypersuperconscient des beaux principes d'unité du pays, de paix, de prospérité. Quant au degré de conscience minimal pour représenter le Québec, élaborer un plan d'action, déclarer une vraie Constitution québécoise, on repassera.
Le Québec demeure une grosse structure provinciale au lieu d'être un vrai gouvernement, tout ça au nom de la paix et du pays. Si au moins, nous pouvions être rassurés sur notre sort individuel faute d'être rassuré sur notre sort collectif. Une fois vieux, aurons-nous les moyens d'aller en maison de repos? Rien n'est moins sûr.
André Savard
* Mes Premiers Ministres, écrit par Calude Morin aux éditions Boréal, 1991.
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