Affaire Huawei: Meng Wanzhou peut être extradée vers les États-Unis

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Rien pour arranger les affaires entre Ottawa et Pékin


VANCOUVER | La vice-présidente et directrice financière de Huawei Meng Wanzhou a perdu une manche afin d’éviter son extradition aux États-Unis pour faire face à la justice américaine. 


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La Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué mercredi que le crime pour lequel elle doit être poursuivie par la justice américaine est également un délit punissable au Canada, ce qui est une condition essentielle pour aller de l’avant avec une extradition.  


Cette décision risque d’envenimer les relations entre le Canada et la Chine, le régime communiste ayant déjà lancé des représailles à cause de cette affaire.   





Le ministre des Affaires étrangères du Canada, François-Philippe Champagne, a affirmé mercredi que ce jugement n’avait rien de politique.  


«Le système judiciaire canadien fonctionne de manière indépendante, et la décision prise aujourd’hui relative au chef de double incrimination dans la procédure d’extradition de Meng Wanzhou est une décision indépendante de la Cour suprême de la Colombie-Britannique», a-t-il déclaré par communiqué.  


«Cette décision n’est qu’un aspect d’un processus juridique comportant plusieurs étapes. Le gouvernement du Canada continuera à faire preuve de transparence en ce qui concerne le processus d’extradition de Mme Meng», a-t-il ajouté.  


Arrêtée au Canada à la demande des Américains, Meng Wanzhou, directrice financière du numéro un mondial des équipements 5G, est accusée de fraude bancaire par les États-Unis.  


La juge Heather Holmes, de la Cour suprême de Vancouver, a jugé que ce présumé crime, qui consisterait à avoir menti à une banque américaine, en serait aussi un au Canada.  



  • Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, était de passage à l'émission Politiquement incorrect pour revenir sur le dossier:





Elle ne s’est pas rendue à l’opinion des avocats de Mme Wanzhou qui affirmaient que l'affaire portait sur des violations de sanctions américaines contre l'Iran, qui n'avaient pas d'équivalent au Canada au moment des faits reprochés.  


Les États-Unis l'accusent aussi de vol de secrets commerciaux de compagnies américaines.  


Loin d'être terminé 


Le processus visant à l’extrader va donc se poursuivre avec une audience en juin pour déterminer si la conduite alléguée constitue ou non une preuve suffisante de l’infraction de fraude visant à la faire extrader.  


«Un juge indépendant déterminera s’il est satisfait à ce critère. Cette étape témoigne de l’indépendance du processus d’extradition du Canada», a affirmé le ministère de la Justice par communiqué à la suite du jugement de mercredi.  


«Afin de maintenir son indépendance et son impartialité s’il est appelé à rendre la décision sur la remise, le ministre de la Justice ne rend personnellement aucune décision relative à une instance d’extradition tant que le juge n’ordonne pas l’incarcération de l’intéressé pour extradition», a précisé le ministère.  


Fille du fondateur du géant des télécommunications Huawei, Meng Wanzhou avait été arrêtée lors d'une escale à Vancouver le 1er décembre 2018 et remise en liberté sous strictes conditions dans ses luxueuses résidences de Vancouver. La Chine a alors accusé les États-Unis d’avoir des motifs politiques et économiques pour exiger son arrestation et a reproché au Canada de se faire le complice de son voisin.  


En marge de fortes tensions économiques avec la Maison-Blanche, Pékin multiplie les attaques contre le Canada depuis l’arrestation de cette Chinoise. Le gouvernement Trudeau a répondu en affirmant que le système de justice était indépendant, ce qui n’a pas satisfait la Chine qui estime que toute cette affaire est politique.  


En plus de contester son extradition sur ce qui lui est reproché, la dirigeante de Huawei compte avancer d’autres arguments pour empêcher son extradition, notamment que ses droits ont été violés lors de son arrestation.  


Relation avec la Chine 


Pékin a clairement indiqué que sa libération est une condition sine qua non à une amélioration de ses relations avec Ottawa et à la libération de deux Canadiens détenus sur des soupçons d'espionnage tout juste après l’arrestation de Meng Wanzhou.  


Michael Kovrig, un ancien diplomate auparavant en poste dans la capitale chinoise pour l’organisation non gouvernementale Crisis Group, et le consultant et homme d'affaires Michael Spavor avaient été arrêtés en Chine neuf jours après son interpellation.  


Ottawa a qualifié ces détentions d'arbitraires et elles sont largement perçues en Occident comme une mesure de représailles.  


«La priorité absolue du gouvernement du Canada demeure d’obtenir la libération de Michael Kovrig et de Michael Spavor, qui sont détenus arbitrairement depuis plus de 500 jours. Nous continuerons à plaider pour leur libération immédiate et d’obtenir la clémence pour les Canadiens qui risquent la peine de mort en Chine, dont Robert Schellenberg», a affirmé le ministre canadien des Affaires étrangères, mercredi.  


Il a eu l’appui de Crisis Group qui a aussi appelé la Chine à libérer Michael Kovrig. Cette détention représente une «injustice et une tache pour la réputation de la Chine», a affirmé son président Robert Malley sur Twitter.  


«Il ne devrait pas être gardé comme un pion par la Chine qui le détient arbitrairement», a-t-il précisé.  


Alors que la numéro 2 de Huawei vit en liberté surveillée dans l'une de ses deux luxueuses résidences de Vancouver, les deux Canadiens sont incarcérés dans des conditions difficiles et n'ont droit qu'à un accès consulaire au compte-goutte.  


La Chine a également bloqué des milliards de dollars d'exportations agricoles canadiennes.  


Lien avec l’Iran 


Washington accuse notamment Mme Wanzhou d'avoir menti à la Banque HSBC sur la relation entre Huawei et Skycom, une filiale qui vendait des équipements de télécoms à l'Iran, ce qui exposait la banque à une possible violation des sanctions américaines contre Téhéran.  


Le procureur a évoqué une présentation faite en 2013 à Hong Kong, dans laquelle elle a déclaré aux dirigeants de HSBC que Huawei ne possédait plus Skycom et qu'elle avait démissionné de son conseil d'administration.  


Pour la poursuite, cette déclaration est trompeuse, car Huawei contrôlait les opérations de Skycom en Iran et tenait les cordons de sa bourse.  


«Mentir à une banque pour obtenir des services financiers est une fraude», a plaidé la couronne.  


À l'inverse, la défense a fait valoir que les sanctions américaines contre l'Iran «fondent les accusations dans cette affaire».  


- Avec l'AFP




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