Martin Croteau - L'adoption d'un «code de vie» par l'administration du village de Hérouxville avait attiré l'attention des médias du monde entier, présentant plus souvent qu'autrement le Québec sous un jour peu flatteur. Le dévoilement du rapport de la commission Bouchard-Taylor, présenté jeudi, n'a toutefois suscité qu'un intérêt moyen à l'extérieur de la province.

Influence communications a recensé une dizaine de textes d'agence publiés aux États-Unis. Le quotidien néerlandais NRC Handelsblad a aussi consacré un article au rapport. Et bien que plusieurs journaux du Canada anglais aient écrit sur le rapport, très peu en ont publié des analyses.
«Le jour du jugement du Québec», titrait en manchette le Globe and Mail hier matin. Dans son éditorial, le journal décerne la note de A++ aux commissaires Bouchard et Taylor pour leur analyse de la culture québécoise et de son malaise face aux accommodements. Mais les solutions qu'ils proposent pour faire face au problème reçoivent un accueil beaucoup moins chaleureux: D-!
La proposition d'assurer la laïcité de l'État en bannissant le port des signes religieux à l'Assemblée nationale, chez les juges, les procureurs de la Couronne et les policiers est tournée en ridicule. L'éditorial fait valoir que la Cour suprême a confirmé il y a 20 ans le droit d'un agent de la GRC sikh de porter le turban.
«Leur rapport, en somme, est surtout efficace parce qu'il appelle les Québécois à faire ressortir leur nature accueillante à l'endroit des immigrants, et à permettre au sens commun de venir à bout des disputes. Si seulement ils s'étaient arrêtés là.»
Dans les pages du National Post, le chroniqueur L. Ian MacDonald constate que les commissaires font preuve d'audace en faisant la distinction entre «Canadiens français» et «Québécois». À maintes reprises, constate-t-il, ils qualifient les Québécois «de souche» de «Québécois de descendance canadienne-française». «Ce faisant, écrit MacDonald, ils pourraient bien avoir lancé un tout nouveau débat.»
Dans l'Ottawa Citizen, George Abraham, chroniqueur au magazine Canadian Immigrant, écorche le rapport Bouchard-Taylor. «Quant à la question fondamentale - pourquoi les musulmans ne font pas leur bout de chemin sur la route à double sens du multiculturalisme? - la commission semble avoir sévèrement critiqué ceux qui vivent dans la province depuis plusieurs générations, mettant un moindre fardeau sur les épaules de ceux qui viennent d'arriver.»
Un tel message a peu de chances d'être bien reçu par les Québécois, poursuit l'auteur, qui craint que le rapport ne fasse qu'amplifier la division qui existe entre «Eux» et «Nous», un clivage qui existe non seulement au Québec, mais partout au Canada.