Bouchard-Taylor: un rapport dénaturé par les médias ?

« Ce que j’ai lu dans The Gazette était extrêmement distortionné, à un point tel que je me suis demandé si le journaliste n’avait pas été victime d’un canular », de renchérir le professeur Weinstock (...)

Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»



Le rapport de la commission Bouchard-Taylor va décevoir tout le monde parce qu’il ne fait qu’effleurer des problèmes pour lesquels les commissaires prétendaient apporter des solutions.


Vice-doyenne à la formation permanente de l’Université de Montréal, Rachida Azdouz n’est pas tendre à l’égard du texte qui lui a été soumis il y a quelques semaines, à titre de membre du comité conseil de la commission Bouchard-Taylor.
Tout comme Daniel Marc Weinstock, professeur de philosophie lui aussi consulté, Mme Azdouz souligne avoir parfois peine à reconnaître le rapport qu’elle a lu dans le reportage qu’en a fait, samedi, The Gazette.
« Il faut lire ça avec circonspection. La question linguistique a été mentionnée, mais la façon dont cela a été rapporté est vraiment démesurée », résume Mme Azdouz. « Ce que j’ai lu dans The Gazette était extrêmement distortionné, à un point tel que je me suis demandé si le journaliste n’avait pas été victime d’un canular », de renchérir le professeur Weinstock qui lui aussi avait eu à commenter le projet de rapport peu après Pâques.
Dans son numéro de samedi, le quotidien anglophone a souligné qu’après un an de réflexion, les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor concluaient pour l’essentiel, qu’il incombait à la majorité francophone de s’ajuster pour normaliser les relations avec les nouveaux arrivants de diverses confessions. La majorité francophone, manquant d’assurance, devrait « apprendre l’anglais, être plus gentille avec les musulmans et s’informer davantage ».
Pour Mme Azdouz, les auteurs ont fait face à deux tendances : la première voulait que le rapport plonge dans le débat identitaire québécois, l’autre visait à trouver une solution à ce qui avait mis le feu aux poudres, soit la pratique religieuse dans l’espace public.
Les commissaires, « ont choisi de tout aborder de front, et au bout du compte, on va décevoir tout le monde » a-t-elle expliquée, jointe hier par La Presse. « Qui trop embrasse mal étreint », résume-t-elle.
Des questions importantes ne seront ainsi qu’effleurées, selon elle. Les tenants de la laïcité absolue des institutions publiques resteront sur leur faim tout autant que les partisans de l’expression sans balises des convictions religieuses.
« Les extrémistes des deux côtés vont être déçus, mais chez les gens de bonne foi, ce rapport aidera à la compréhension mutuelle », dit M. Weinstock.
Son inquiétude est que les informations publiées jusqu’ici laissent des traces tenaces dans la perception publique. Lorsqu’il paraîtra, jeudi ou vendredi – une conférence de presse est prévue à Montréal –, le rapport sera enterré sous l’impression créée depuis la fin de semaine.
M. Weinstock soutient ne pas avoir même relevé la volonté des auteurs de rayer l’expression « Québécois de souche » qui devrait être remplacée selon eux, par «Québécois d’origine canadienne-française» selon un second reportage publié lundi par The Gazette. « Quand j’ai lu cela dans le rapport je me suis demandé si je dormais quand j’en avais pris connaissance fin mars ! »
Les souverainistes saisissent l’occasion
Mais dans le camp souverainiste, on n’a pas raté l’occasion de prendre au bond la balle lancée par The Gazette. Pauline Marois et Gilles Duceppe, réunis pour la Journée nationale des Patriotes à Québec, ont tous deux souhaité que le rapport soit déposé immédiatement.
Pour eux, les informations qui ont filtré sont dignes du film Elvis Gratton.
L’expression « Québécois d’origine canadienne-française » n’est pas sans rappeler les déclarations tonitruantes du comédien Julien Poulin qui se décrivait comme « un Américain du Nord français, francophone canadien-français » ou encore un « Canadien américain francophone d’Amérique ».
« Encore un peu et on se rappellera Elvis Gratton », a ironisé Pauline Marois. Elle se dit « choquée » par les informations qui filtrent de la Commission, qui a nécessité « combien d’effort et d’énergie. Si c’est malheureusement tout ce qu’elle donne, c’est inquiétant », a souligné la chef péquiste.
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(Photo Robert Mailloux, La Presse)
Avec La Presse Canadienne.


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