Charest aurait dit: «C'est comme ça que ça marche!»

Commission Bastarache


Denis Lessard - (Québec) En mars 2004, l'ancien sous-ministre adjoint à la Justice, Georges Lalande, avait discuté avec Marc Bellemare des pressions exercées par Franco Fava pour obtenir la nomination de candidats libéraux à des postes de juges.
Me Marc Bisson, le fils d'un organisateur libéral de l'Outaouais, avait été nommé juge à Longueuil, et Michel Simard, protégé de l'argentier libéral Charles Rondeau, avait déjà été promu comme juge en chef adjoint.
Au restaurant Le Bistango, Marc Bellemare «a vidé son sac sur les nominations. Il a dit: «Ces nominations je les ai faites sous pression. J'en ai parlé au premier ministre deux ou trois fois, mais il a dit c'est comme ça que ça marche. J'ai perdu le «no-fault», mais le premier ministre m'a dit que le projet de loi 35 (sur les tribunaux administratifs) va de l'avant»», se souvient M. Lalande.
Pour l'ancien haut fonctionnaire, le ministre Bellemare était prêt à accepter des nominations à la condition que son projet de réforme de la justice adminsitrative soit mis en place.
Georges Lalande avait maintes fois subi des pressions de Franco Fava pour obtenir la nomination de juges à la Cour du Québec. Mais il n'a pas été témoin de démarches de M. Fava auprès du ministre. En revanche, chaque fois qu'il soulevait la question, son patron Bellemare l'interrompait pour lui dire qu'il «était bien au courant» de ces démarches.
Le 8 juillet 2003, M. Lalande avait noté «Franco me dit qu'il collecte presque un million par année pour le PLQ. Marc Bellemare ne comprend pas qu'on ait besoin de nommer nos amis à la Justice, comme ailleurs. Ça foule aux portes». M. Fava avait même ajouté qu'on «avait laissé quelques nominations» au ministre, libre par exemple de nommer qui il voulait au poste de juge en chef.
À une occasion, Franco Fava a soutenu au sous-ministre Lalande que son patron devait collaborer. «Bellemare doit faire des efforts, on veut que la cousine de michel Després soit nommée ici à Québec. Elle est une bonne libérale et est bien connue dans les affaires de la jeunesse». Mme Line Gosselin-Després avait été nommée début 2004 à la Cour du Québec.
Franco Fava était souvent exaspéré par le ministre Bellemare, qui selon lui «s'entêtait à jouer les purs».
Dans son témoignage ce matin, le procureur en chef Giuseppe Battista a épluché les agendas qu'avait à l'époque le sous-ministre. Dans ses notes prises à l'époque, M. Lalande a consigné de nombreuses allusions aux pressions exercées par Franco Fava. Jusqu'ici, les collaborateurs de M. Bellemare avaient tous réfuté sa version des événements.
Sa déposition rejoignait en plusieurs aspects le témoignage livré fin août par l'ex-ministre Marc Bellemare.
Dans l'agenda de Me Lalande, on observe -inscrit à la date du 7 août 2003- un contact avec Franco Fava, officiellement sur le projet de réforme de la justice administrative.
Or, Me Lalande précise: «Franco me revient avec ses histoires de nominations».
«Ce devait être suite à un téléphone. En aucun cas je n'ai demandé de rendez-vous avec M. Fava. À chaque fois, c'était le même «pattern», il m'invitait pour parler de la justice administrative et bifurquait pour parler d'autre chose», d'expliquer M. Lalande.
Une rencontre survenue le 12 décembre 2003 comporte un ajout, un «post-it» collé, où Me Lalande a jetté quelques notes.
«Franco est de passage au cabinet du ministre et pendant qu'on attend, il me fait part qu'il va tenter d'amener Henri Massé et Gilles Taillon à accepter que les membres paritaires participent aux audiences, que s'il le demande, Marc Bellemare doit faire des efforts. On veut que la cousine de Michel Després soit nommée ici à Québec.»
Dans son témoignage Me Bellemare avait soutenu que M. Fava avait exercé des pressions et que le premier ministre Charest lui avait demandé d'obtempérer aux attentes du bailleur de fonds du PLQ.


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