Cimon démissionne, Bastarache secoué

Les travaux de la commission d'enquête pourraient être retardés

Commission Bastarache

Québec — Talonné depuis une semaine au sujet de ses contributions au PLQ, le procureur en chef de la commission Bastarache, Pierre Cimon, a choisi de démissionner hier.
Il l'a fait «dans le but d'éviter toute remise en cause de l'impartialité de la commission Bastarache et pour assurer la sérénité des procédures», a-t-il expliqué dans un communiqué diffusé par le cabinet Ogilvy Renault, dont il est un des principaux associés. Il a repris l'argumentation selon laquelle «le seul exercice public d'un droit démocratique fondamental [contribuer à un parti politique] ne peut constituer une apparence de partialité». Il a soutenu n'entretenir aucun lien de quelque nature que ce soit avec un parti politique et n'avoir jamais participé à un congrès politique. À ses dires, il aurait pu accomplir sa tâche «avec compétence et intégrité».
Le commissaire Michel Bastarache a été sonné par cette décision et a refusé toutes les demandes d'entrevue, hier. «Vous comprendrez qu'une nouvelle comme celle-là entraîne toujours dans un premier temps une certaine discussion à l'interne. Les gens doivent d'abord accuser le coup», a soutenu le porte-parole de la commission, Guy Versailles, qui n'a rappelé Le Devoir qu'en soirée, hier.
Michel Bastarache n'a publié qu'un court communiqué vers 19h30, affirmant qu'il accueillait la nouvelle «avec un profond regret». Il a toutefois tenu à défendre son choix, se disant «totalement convaincu» de la probité de M. Cimon et de sa capacité «à mener à terme son mandat en toute compétence et en toute impartialité».
Même le bâtonnier
La pression était devenue trop forte. En matinée hier, avant même la démission de M. Cimon, c'était au tour du bâtonnier du Québec, Pierre Chagnon, en marge d'une commission parlementaire, de remettre en question ouvertement, devant les caméras du réseau TVA, l'impartialité de la commission.
À la période de questions, la critique péquiste en matière de justice, Véronique Hivon, était revenue à la charge, rappelant que plusieurs voix s'étaient élevées contre le choix de M. Cimon, notamment «celle du principal témoin, Me Marc Bellemare, et celle d'un ancien sous-ministre de la Justice, M. Georges Lalande, qui va, pour sa part, jusqu'à suggérer la récusation de Me Bastarache». Mme Hivon a demandé à la ministre de la Justice, Kathleen Weil, si elle trouvait «souhaitable le choix de Me Cimon, parmi 23 000 avocats exerçant au Québec, à titre de procureur-chef de la commission». Mme Weil a répondu qu'elle avait «l'intention de laisser la commission Bastarache faire son travail». Croisé dans le couloir, le premier ministre Jean Charest a ajouté que le gouvernement n'avait «rien à voir avec l'organisation de la commission Bastarache». Il a dressé un parallèle avec la commission Bouchard-Taylor: «Leur tournée, par exemple, ils l'ont organisée indépendamment de nous, parce qu'une fois qu'ils sont nommés, on leur laisse organiser leurs affaires.» Il a dit ne pas avoir non plus donné de lignes directrices à la commission: «On ne peut pas intervenir dans une commission et prétendre en même temps qu'elle est indépendante. Elle l'est ou elle ne l'est pas.»
On ignore pour l'instant quand sera nommé l'avocat ou l'avocate qui remplacera M. Cimon au poste clé de procureur en chef. Le communiqué de la commission se terminait sur une incertitude, hier: «Le commissaire Bastarache doit réfléchir aux conséquences de cette démission sur la conduite de l'enquête.» Celle-ci pourrait être retardée en conséquence.
Réactions
Selon Véronique Hivon, M. Cimon s'est «rendu à l'évidence». Au-delà de sa compétence, «qui est largement reconnue, il n'était pas l'homme de la situation», a-t-elle déclaré. Mme Hivon s'est défendue d'avoir été la seule à s'interroger sur l'apparence d'impartialité de M. Cimon. «Il y a eu nombre de personnes spécialisées en éthique, jusqu'à un ancien sous-ministre [M. Lalande], qui ont parlé des problèmes d'apparence.» À ses yeux, c'est à M. Bastarache «d'expliquer ce fiasco, aujourd'hui». Quant à la ministre de la Justice, Kathleen Weil, elle «doit expliquer comment les gens doivent continuer d'avoir confiance parce qu'on peut dire minimalement que c'est mal parti pour la commission Bastarache». Selon Mme Hivon, si le gouvernement avait, comme le suggérait le PQ, «mis en place un processus indépendant pour organiser la commission, pour déterminer sa présidence et son mandat, on n'en serait probablement pas là aujourd'hui».
Amir Khadir, de Québec solidaire, a dit espérer que M. Bastarache «prendra plus de précautions» dans ses prochaines décisions, car «il a une pente de crédibilité à remonter lui-même, étant donné son association avec la firme Heenan Blaikie qui est une firme amie libérale». Quant à l'ADQ, sa leader parlementaire Sylvie Roy a vu dans la démission de M. Cimon «la conséquence de l'amateurisme de ce gouvernement». Dans un communiqué, elle a noté que «non seulement la commission d'enquête déclenchée par Jean Charest ne porte pas sur les vrais enjeux, mais cette démission du procureur en chef avant même que les auditions et les travaux commencent lui met déjà du plomb dans l'aile».
Outre les liens de M. Bastarache avec le cabinet Heenan Blaikie et les contributions de M. Cimon au PLQ, la commission a aussi été critiquée pour n'avoir embauché aucune femme à des postes clés.


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