Coronavirus, Waterloo de la mondialisation?

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« C’est aussi tout le marché du déracinement qui est remis en question. »


 

 



L’épidémie et sa propagation mondiale rapide questionnent notre modèle et l’idéologie sans-frontiériste. À l’instar du Canadien Justin Trudeau, les dirigeants apôtres du mondialisme semblent largués. En France, l’extrême gauche se réjouit.




Retour des frontières, isolationnisme et suspension de certaines libertés : partout ou presque, le coronavirus aura produit un rapide et puissant retour du politique que peu d’observateurs auraient pu anticiper. La souveraineté est subitement revenue en force : l’État aurait finalement encore un rôle à jouer dans la régulation de la société.



Sa fonction ne serait pas seulement d’arbitrer l’entrechoquement des droits individuels, mais aussi de protéger des populations qui se retournent vers lui quand elles se sentent impuissantes.



127 morts déjà en France



Le coronavirus pourrait vraiment être le Waterloo de la mondialisation. Du moins d’une phase intensive, extrême de ce phénomène. Débutée en 1492, la mondialisation a quelque chose d’irréversible – les pays ne reviendront jamais à la pleine autarcie –, mais il n’est plus inconcevable qu’elle revienne un peu sur ses pas pour enfin trouver un point d’équilibre. Comment les Italiens peuvent-ils accepter qu’un virus né dans un obscur marché chinois puisse faire chez eux des centaines de morts, pays où l’on mange des pâtes et non des chauvesouris et des pangolins ? Plus jamais les peuples ne consentiront sans résistance à ce que des réalités aussi lointaines ne deviennent aussi proches.


Le cauchemar des “multiculturalistes”


Au Canada, le coronavirus fait voler en éclats les grands rêves de fraternité mondiale de l’élite multiculturaliste, à commencer par ceux du Premier ministre Justin Trudeau, dont le leadership se révèle inexistant. Refusant toujours de fermer les frontières nationales, le petit prince boréal est paralysé par son idéologie, incapable de sortir de son paradigme gnangnan. Finalement, le monde pourrait parfois représenter une menace, l’humanité ne serait pas toujours une belle et grande communauté avec laquelle échanger. Les peuples sont d’accord pour faire du commerce, mais pas pour subir les désastres causés par les pratiques insolites de masses exotiques. La mondialisation nous a fait croire que nous étions unis, mais cette union n’a en réalité jamais tellement dépassé le stade économique. 



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Toujours au Canada, la très progressiste mairesse de Montréal, Valérie Plante, a aussi profité de l’occasion pour mettre en garde contre la résurgence de la xénophobie chez les méchants Québécois de souche, dont quelques-uns sont pourtant aussi porteurs du virus. «Ne tombons pas dans le piège facile de faire des amalgames douteux entre un virus et des communautés culturelles», a-t-elle prié le 11 mars, en pensant surtout aux communautés chinoise et italienne de la métropole québécoise. Comme celui de Justin Trudeau, le monde de Valérie Plante s’écroule : tout compte fait, les pays étrangers ne seraient pas simplement une source d’ensoleillement régénérateur pour les pays nordiques. 


 

La mondialisation n’est pas juste économique 


Plusieurs personnalités de gauche économique, comme Jean-Luc Mélenchon, sont déjà persuadées d’assister à l’effondrement du «système libéral» fondé sur la mondialisation des échanges. Il serait difficile de n’y voir qu’une exagération. «Un monde est mort: celui qui faisait une confiance aveugle au libre-échange», a-t-il déclaré avec satisfaction le 13 mars. Il est évident que la Chine ne pourra plus être naïvement considérée comme le parc industriel de la planète entière. Mais c’est aussi tout le marché du déracinement qui est remis en question. La mondialisation n’est pas seulement la libre circulation des biens et des capitaux, mais aussi celle des dizaines de millions de touristes annuels, élites volantes économiques et migrants.




Un peu partout dans le monde et pas uniquement en occident, il est à prévoir que des mouvements véritablement racistes essaieront d’instrumentaliser les retombées de l’après-coronavirus pour prôner une fermeture quasi absolue, hermétique des frontières. Des écologistes radicaux s’en serviront aussi pour promouvoir leur projet traditionaliste de retour à la terre : ils feront valoir le danger que représente l’interpénétration des écosystèmes humains et naturels. Ce sont deux projets passéistes et irréalistes. En revanche, cette tentative de récupération ne devra pas nous empêcher de voir les fissures réelles et profondes qui viennent d’apparaître dans la mondialisation. Sans ajuster notre manière de vivre à l’échelle du monde, nous connaîtrons de nouvelles crises majeures.



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