Couillard doit expliquer ses liens avec l’Arabie saoudite, dit Amir Khadir

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Questions d'un médecin à un autre sur l'éthique médicale

Le premier ministre Philippe Couillard doit faire preuve de transparence et s’expliquer sur ses liens avec l’Arabie saoudite, a déclaré mardi le député de Québec solidaire Amir Khadir.

Dans le contexte de la détention par le régime saoudien d’un blogueur dont la famille est à Sherbrooke, M. Khadir s’étonne de la « banalisation » de la situation par M. Couillard, qui a travaillé il y a 20 ans comme médecin puis, de 2009 à 2011, comme conseiller du ministre de la Santé de ce pays.

« Quand on est conseiller, il l’a été récemment, dans les cinq dernières années, ça veut dire qu’on a des entrées et qu’on a reçu surtout beaucoup d’intérêts, d’argent, comme conseiller, a-t-il dit en entrevue téléphonique. M. Couillard fait partie d’une tranche de la population qui ne fait rien gratuitement. Il devrait peut-être en parler. Quels intérêts a-t-il en Arabie saoudite actuellement qui l’empêchent d’ouvrir la bouche ? »

En 2011, M. Couillard, qui avait alors quitté la scène politique québécoise depuis plus de trois ans, avait expliqué que ses tâches de conseiller se limitaient à une ou deux réunions par année du comité consultatif sur les dossiers de santé.

La semaine dernière, le premier ministre a insisté sur l’importance de maintenir des liens avec l’Arabie saoudite, pour éviter d’isoler ce pays, dénoncé pour ses violations des droits de la personne, où des opposants tentent de faire changer la situation.

À la mi-janvier, M. Couillard a contacté l’ambassadeur saoudien à Ottawa pour dénoncer le sort réservé à Raïf Badawi, un blogueur condamné à 1000 coups de fouet après avoir fait la promotion de la liberté de religion.

Malgré cela, M. Khadir croit que les gouvernements du Québec et du Canada ont un devoir supplémentaire dans la situation actuelle, puisque la famille de M. Badawi habite à Sherbrooke.

Selon le député de Québec solidaire, M. Couillard devrait utiliser ses contacts et dénoncer la violation de la liberté d’expression par la monarchie saoudienne.

« M. Couillard contribue à la banalisation de la monarchie saoudienne dans ce que ce régime-là a de plus radicalement intégriste et rétrograde, a-t-il dit. Il y a une banalisation à tous les échelons, que ce soit en santé ou autre. Je ne dis pas qu’il faut couper tous les liens, mais il faut que, si c’est le cas, il se donne quand même la liberté. Ça ne l’empêche pas d’exprimer son point de vue. Si le fait de collaborer fait en sorte qu’il banalise tout le reste, et on ne le voit jamais critiquer, alors à quoi ç’a servi, sinon simplement à l’enrichir lui individuellement de riches contrats de consultation?? »

Selon M. Khadir, des questions demeurent sur la décision de M. Couillard d’accepter la responsabilité de conseiller le ministre d’un régime qui exécute et torture. « Je veux savoir jusqu’où s’étend cette dispensation de responsabilité, a-t-il dit. Quand on donne des conseils au plus haut niveau d’un régime comme l’Arabie saoudite, c’est qu’on banalise le comportement de son gouvernement. On considère que, comme n’importe quel gouvernement, on peut faire affaire avec un gouvernement qui tranche la tête de ses concitoyens et les laisse sur la place publique pendant plusieurs jours pour terroriser la population pour de simples délits mineurs. »

Selon M. Khadir, à titre de médecin, M. Couillard ne pouvait pas passer sous silence les sévices imposés à la population saoudienne.

« Comme médecin, comment peut-on accepter la torture ? a-t-il demandé. Comme conseiller à la santé, qu’aurait-il dit du sort réservé à Badawi, diabétique, avec des flagellations qui risquent de lui faire perdre ses reins ? »

M. Khadir croit que M. Couillard doit donner plus de détails sur les mandats qu’il a exécutés à titre de conseiller du prince Abdullah bin Abdulaziz Al-Rabeeah, ministre de la Santé.

« On voudrait savoir combien il a été payé et ce que ça impliquait comme échanges, et ce qu’il continue à avoir comme intérêts : des propriétés, des actions dans des compagnies saoudiennes, que sais-je? a-t-il dit. Parce que c’est difficile d’expliquer cette timidité qu’on voit pour une personne, dans une situation, dans le contexte post-Charlie Hebdo qu’on connaît, avec toutes les professions de foi parfois plus ou moins spontanées de certains dirigeants envers la liberté d’expression. »

Une porte-parole d’Amnistie internationale, Anne Sainte-Marie, a également affirmé mardi que M. Couillard devrait faire preuve de plus de vigueur dans le dossier de M. Badawi.

« Sa condamnation pourrait être plus ferme et plus claire, a-t-elle dit. Il n’y a pas un observateur des droits de la personne en Arabie saoudite qui peut faire abstraction des violations qui ont cours. »

La porte-parole croit que le gouvernement québécois devrait profiter de l’occasion pour mettre les dérives de l’Arabie saoudite en avant.

« Je ne ferai pas un procès d’intention à M. Couillard, il a démontré de la bonne volonté, bravo, a-t-elle dit. Il peut en faire plus, nous l’invitons à en faire plus, que ce soit sur la scène canadienne ou sur la scène internationale. Et si par ses contacts il peut faire plus, au niveau de la diplomatie, nous, on l’invite très fortement à le faire. »

Le porte-parole du premier ministre, Harold Fortin, a affirmé que M. Couillard a contacté les autorités saoudiennes à la mi-janvier.

« Il a dit à l’ambassadeur d’Arabie saoudite qu’il jugeait que la situation n’était pas acceptable et que le Québec et le Canada étaient prêts à travailler ensemble pour accueillir M. Badawi afin qu’il retrouve sa famille », a-t-il dit.

Plusieurs candidats à la direction du Parti québécois ont également invité M. Couillard à être plus ferme face à l’Arabie saoudite dans le dossier de M. Badawi, au cours des derniers jours.

Dans le débat sur la place des symboles religieux dans les institutions publiques, le chef intérimaire du PQ, Stéphane Bédard, a dû nuancer ses propos après avoir demandé à M. Couillard de ne pas importer les valeurs saoudiennes au Québec.

La semaine dernière, M. Couillard, qui a travaillé en Arabie saoudite entre 1992 et 1996, avait affirmé qu’il n’avait jamais cautionné le régime, d’aucune façon, par son séjour. Le premier ministre avait donné l’exemple du président américain Barack Obama, de passage pour les funérailles du roi saoudien, pour qualifier pareil rapprochement de « foutaise ».


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