Élections fédérales

Désolé Jack, mais ce sera non

Élections fédérales - 2011 - le BQ et le Québec


Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jack Layton

Photo : Agence Reuters Mike Cassese


Mon cher Jack,
Je vous connais maintenant. Ce sera non. Pendant 20 ans, j'ai voté NPD. Plus souvent NPD que Bloc québécois. Huit fois pour vous. Six fois pour le Bloc. J'ai annulé mon bulletin aux élections de 1984 et de 1988. Le 2 mai, vous voudriez que je revienne à vous? What's new, mon cher Jack?
À l'époque, sur la patinoire canadienne, vous étiez les plus progressistes. Vous étiez très centralisateurs, mais les seuls à reconnaître la nation québécoise. Avec un peu d'imagination et de wishful thinking, je me convainquais que le NPD serait un allié du Québec. Vint, contre la volonté unanime de l'Assemblée nationale, le rapatriement unilatéral de la Constitution, la nuit des longs couteaux et la promulgation par le Canada anglais d'une nouvelle Constitution dont le Québec fut exclu.
J'étais profondément troublé. C'était l'unanimité. Y compris dans la députation du Québec, alors toute libérale (74 sur 75). Où étaient nos alliés? Où était le NPD? Tous dans le même lit. J'ai décroché.
J'ai mis du temps à comprendre qu'indépendamment de votre bienveillance, de votre bonne volonté et de vos bons mots, votre position sur l'échiquier canadien est objectivement intenable. Peut-être que vous, personnellement, aimeriez accommoder le Québec, mais vous savez mieux que moi que le peuple canadien ne vous le permettra jamais. Et que si vous vous y aventuriez, vos appuis au Canada anglais s'effondreraient.
Des alliances déchirées
Vos prédécesseurs le savaient. Vos vis-à-vis néodémocrates dans les provinces canadiennes le savaient également. Il n'y a pas de surprise à compter parmi les ennemis du Québec un nombre impressionnant de néodémocrates qui ont fait chavirer plusieurs alliances et déchirer plusieurs accords. Qu'il suffise de rappeler les noms de Romanow et Blakeney dans la nuit des longs couteaux, d'Elijah Harper dans l'enterrement de Meech et de Bob Rae dans l'accord ridiculement insuffisant de Charlottetown. Vous auriez pu vous amender lors de l'adoption de la loi sur la clarté de Stéphane Dion. Loin de là. Vous en avez remis une couche. Broadbent le premier. Et ensuite le NPD au grand complet, sans hésiter.
Jack, droit dans les yeux, vous êtes incapable de m'exposer l'ombre du début d'une proposition qui pourrait changer quoi que ce soit au statut du Québec dans le Canada. Et vous n'êtes pas seul. Il n'y a plus aucun fédéraliste canadien, ni québécois d'ailleurs, qui avance quelque proposition constitutionnelle que ce soit. Le blocage est à 83 % dans le peuple canadien. C'est à cette hauteur qu'il refuse de reconnaître la nation québécoise. Vous pouvez toujours causer!
Ai-je besoin de vous rappeler que même si vous aviez l'intention de faire quelque chose, la Constitution, qu'au Canada vous avez effrontément adoptée contre la volonté unanime de l'Assemblée nationale du Québec, vous l'en empêche. Elle exige tantôt l'unanimité, tantôt l'accord au même moment de sept provinces représentant cinquante pour cent plus un de la population, le tout sans susciter de veto régional et après avoir gagné des référendums dans deux provinces. «Cette Constitution durera mille ans», disait Trudeau? Un peu plus peut-être?
L'avenir du Québec
Alors, où est l'avenir du Québec? Dans le Canada? Non, à moins qu'il consente à renoncer à ce qu'il est. Ce qu'il ne fera jamais, croyez-moi. Son avenir réside dorénavant dans le statut normal d'un pays connecté directement aux autres pays. Et dans le cadre de la mondialisation croissante, ça presse.
Mais, entre vous et moi, abstraction faite de la question du Québec, voterais-je pour le NPD pour la qualité de son programme? De moins en moins facile, vous avouerais-je. Votre «tataouinage» avec le registre des armes à feu — Polytechnique, le collège Dawson et l'Université Concordia, ce sont nos filles et nos garçons —, le sans-gêne avec lequel, tout comme Flaherty et Ignatieff, vous pigez 17 milliards dans les poches des chômeurs pour financer votre gouvernance et l'insouciance que vous mettez à ne pas protéger le chantier maritime de Lévis, le seul de ce gabarit qui soit sur le fleuve Saint-Laurent, entament sérieusement le caractère progressiste de votre proposition.
J'ai connu un NPD beaucoup plus audacieux. Au chapitre de l'économie et du social, le Bloc n'est pas du tout en reste. Sa pratique serait même plus consistante et conséquente que la vôtre.
Votre bien autant que le nôtre
J'ai la plus haute considération pour la pratique politique. C'est le fondement même de la démocratie. Je voue une grande admiration à tous ceux et celles qui assument ces responsabilités en servant l'intérêt général avec éthique et probité. Pour tout vous dire, Jack, j'estime que les membres du gouvernement Harper en sont la parfaite contradiction et je ne souhaite à personne, ni au Canada, d'avoir à subir sans retenue leur autorité. Je connais ailleurs les ravages que ce type de gouvernance a provoqués sur les populations.
Est-il opportun de vous rappeler que le Canada est déjà majoritairement conservateur? En effet, 62 % des députés le sont. Et que c'est le Québec souverainiste qui jusqu'à ce jour les a tenus en respect. Tant que vous ne serez pas équipés au Canada pour changer cet état de choses, permettez aux Québécois, en votant en bloc pour le Bloc, de ne pas l'empirer. Et cela, Jack, autant pour votre bien que pour le nôtre. En espérant avoir été clair, je vous soumets mes cordiales salutations.
***
Gérald Larose - Professeur invité à l'École de travail social de l'UQAM, président du Conseil de la souveraineté du Québec et l'ex-président de la CSN (1983-1999)


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