Dire OUI

Il nous faut devancer l’Histoire pour la faire. Un référendum est une obligation immédiate sous peine de mort.

Le destin québécois

Madame Marois se trompe lourdement. On sent bien la faiblesse de ses convictions. Les politiciens modernes accusent les « citoyens » (je suspends entre guillemets la valeur de ce mot pour bien montrer l’infantilisme dans lequel le paternalisme politique – et j’inclus ici le ton faussement posé de Madame Marois – maintient les gens) de cynisme en ne votant pas et en dénonçant la « classe » politique. Et c’est bien d’une classe dont il s’agit. Le clivage « gauche-droite » s’est dissout dans un hiatus « élus »-« peuple ». Encore là, je suspends pour un moment le sens de ces mots, sans cesse vidés de leur sens par ceux qui parlent trop, car, dans le discours actuel qui s’inscrit très bien dans l’héritage de Guy Debord, ils – ces mots – masquent une douloureuse réalité.
Nous avons donné dans la croyance, celle du progrès et de la démocratie. Mais ces derniers concepts sont illusoires si la définition qu’on en donne n’est pas plurielle, c’est-à-dire œuvrant au cœur de nous-mêmes.
Quand on me parle de souveraineté, je m’interroge sur le sens que l’on en donne. Maîtres chez nous? Dans un monde globalisé? Repliés sur nos propres névroses? Pour renverser la tendance lourde de l’ascension d’une « droite » radicale (qui fait table rase de ce qui l’a elle-même créée, c’était le propre du fascisme de nier le passé pour « construire l’avenir ». D’où le résultat que l’on connait), ne faut-il pas justement définir une identité singulière, forte et maîtrisée.
Nietzsche trouvait ridicule l’apprentissage d’une autre langue lorsqu’on ne maîtrisait pas même la sienne propre. En fuyant « dans » l’anglais, on répéterait les mêmes erreurs et on nierait notre condition, celle de vaincus sur le plan des idées.
Mais les guerres passent et les mentalités demeurent. Quand j’entends un Québécois francophone parler anglais à un autre Québécois francophone pour je ne sais quelle raison, je me surprends à trouver la classe politique atone. Les Québécois francophones n’aiment pas plus la langue anglaise que le français. Elle leur est utile et leur permet de commercer. D’où le mépris des populistes envers l’intellectuel. Le populiste méprise l’idée car elle le dénude et le laisse pantois devant sa propre indigence. Sous le populisme se dissimule une brutalité anonyme, ce qui le sert bien.
Comment ressentir, en tant que citoyen, ce contre-pouvoir qui nous redonnerait (si nous y avions accès) un peu l’illusion d’un certain contrôle sur nos vies et nos destins sans que ce contre-pouvoir ne se transforme en radicalisme et en conformisme politique?
Pour que le Québec advienne, il faut que ses adhérents y croient. Non pas en clientélistes ...

(« 1. À Rome, plébéien qui était sous le patronage d’un patricien. 2. “En général, toute personne qui se met sous une protection. Mon char est salué d’un peuple de clients.” Victor Hugo, Odes, IV, 8, Le Littré », « Le clientélisme est la relation qui à Rome unissait un patron à son client. Le client ("celui qui obéit"),

... individu de position sociale modeste, se mettait sous la protection du riche patron, qui lui assurait une aide matérielle régulière en échange de divers services : appui électoral, accompagnement au forum, soutien lors des procès. », Wikipédia) affairés mais en fervents défenseurs d’une liberté de pensée comme d’une liberté d’action. Ce n’est pas ce qui se passe en ce moment. Dès qu’on entend quelque dissonance à propos de la gouvernance des états, une batterie de mécanismes se met en branle pour contrer, discréditer voire bannir la voix discordante.
Dire oui devient donc primordial, dans le contexte actuel de mondialisation, car il signifie une opposition radicale à un projet subi par la grande majorité d’entre nous. Et il ne faut pas confondre souveraineté, comme reconnaissance d’une différence, et repli sur soi. Raffermir la langue française dans sa vocation de langue nationale est non seulement une nécessité mais un devoir.
Le Québec, comme concept, est menacé de disparition dans un océan multiculturaliste qui masque ses vrais desseins, le contrôle de masses indifférenciées que l’on joue les unes contre les autres. Il ne faut pas écouter la « classe » politique actuelle qui, d’un côté, veut faire croire que le « peuple » a trop dépensé et qu’il doit maintenant passer à la caisse. C’est une farce d’économiste qui ne fait pas rire. De l'autre, c’est un attentisme servile qui s’aligne sur l’alternance des pouvoirs.
Un Québec indépendant devrait également affronter les mêmes opposants au projet collectif. Contrairement à ce que tout le monde croit, la révolution viendra de la droite, comme elle est advenue en janvier 1933. Mais elle apportera avec elle son lot d’atrocités. Il faut donc immédiatement déclencher un processus de consultation politique à la grandeur du Québec et en finir une fois pour toutes avec ce sentiment trop profondément ancré dans le cœur et le « corps » social des Québécois, cette profonde défaite narcissique que nous avons tenté de surmonter en nous calquant sur le modèle impérial américain.
Il nous faut devancer l’Histoire pour la faire. Un référendum est une obligation immédiate sous peine de mort. Et qui ne s’active pas maintenant à le tenir (non pas quand les soi-disant conditions « gagnantes » seront réunies ni non plus lorsque le projet aura été mieux « expliqué » au peuple qui, selon certains « experts », n’y comprendrait rien) enterre l’aspiration la plus ardente des Québécois, se doter d’une terre qu’il saura chérir, protéger et sur laquelle il accueillera quiconque voudra partager ses valeurs.
Dire OUI, simplement…
André Meloche
Sainte-Sophie


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8 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    2 novembre 2010

    @ Raymond Savard:
    Je n'ai pas la prétention de pouvoir lire vos pensées, mais je crois comprendre vos sentiments, cher monsieur Savard...
    Il m'est arrivé, au cégep, de me faire enlever des points par un prof de français (!) tellemtn pourri, qu'il mettait des fautes, là où il n'y en avait pas, dans mes textes! D'où des discussion, ensuite, pour récupérer mes points, et obtenir le genre de notes que je méritais vraiment.
    Encore aujourd'hui, en regardant LCN, à l'heure de l'émission de cet ignare de Richard Martineau, j'ai pu voir cette question, écrite dans le bas de l'écran: «Doit-ojn interdire le hijab dans l'espace publique?» (sic)...
    À l'université, l'un de mes collègues, donnait récemment une conférence sur «les évidences de l'Évolution» (il voulait parler de preuves soutenant la théorie de Darwin, ne comprennant pas qu'il utilisait ainsi un anglicisme).
    Regardons-nous en face: les Québécois sont plus souvent qu'autrement, pas très bons dans le domaine des langues. Et ce n'est pas vrai du tout, hélas, que les petits québécois «compenseraient» en étant meilleurs que les autres dans les sciences!
    Nous avons franchement du travail à faire, dans le domaine de l'éducation, car le Québec, présentement, me semble évoluer de manière à devenir une société anti-intellectuelle. Notamment, sous le maire Labeaume, ici à Québec...

  • L'engagé Répondre

    1 novembre 2010

    Bonjour Monsieur Meloche,
    D'abord merci pour votre mise au point, je voyais effectivement le «spectre de la peur» en ce sens que certains militants sont tellement choqués par l'anglicisation de Montréal et la lente (rapide?) érosion de notre pouvoir, qu'ils proposent des stratégies qui, tout en étant intéressantes, ne permettront pas à l'indépendance de se déployer dans la population, ce qui est pourtant la condition «sine qua non» non seulement de l'accession à la souveraineté, mais de l'établissement d'un rapport de force costaud contre Ottawa. Voilà ce que je signifiais en écrivant que la «peur est mauvaise conseillère».
    Je vois que je vous avais mal compris et je constate que j'ai oublié aussi de vous remercier d'abord pour votre contribution.
    L'engagé

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2010

    «Un référendum est une obligation immédiate sous peine de mort.»,
    écrivez-vous.
    Mais il faut aussi prendre garde qu'un référendum précipité, comme le fut le dernier insuffisamment préparé, ne cause pas notre mort définitive. Un état major éclairé devrait nous garder contre les risques d'une défaite irréversible. Il faut certes parler de l'indépendance, mais il importe encore plus de connaître le programme des législations audacieuses et libres en esprit des contraintes fédérales que pourrait adopter un prochain gouvernement du PQ. Moi j'aimerais connaître ce programme. Mais celui-ci semble aussi impénétrable que les voies du Ciel !!!
    Avant de jouer le tout pour le tout, dans la période préparatoire, ne faudrait-il pas pousser à leurs limites l'occupation des champs de compétences qui sont les nôtres, ce qu'aucun gouvernement par trop timoré du PQ ne fit jamais, avant de jouer les matamores et de déclencher des mécaniques irréversibles ? Je voudrais qu'après avoir recouru plus de dix ou vingt fois à la cause dérogatoire en quelques années, tout en se regardant dans le miroir d'un air satisfait, décontracté et serein, le terrain soit finalement mûr pour se débarrasser de ceux qui gênent l'exercice de notre pouvoir national, comme tombe le fruit mûr. En fait, où en sommes nous finalement avec les intentions de Pauline Marois ? Je ne demande qu'à être convaincu. Étape no 1, prendre le leadership dans la réhabilitation de M. Yves Michaud. C'est incontournable.
    M. Meloche, je vous prierais de considérer qu'un référendum n'est après tout qu'un élément de stratégie, voire de tactique, sur la route nous conduisant à l'indépendance. Il ne s'agit pas d'un élément «de doctrine souverainiste» comme nous demandent de le croire les gardiens de la tradition du PQ (qui le veut dogmatiquement), d'une part, et le programme du Parti indépendantiste (qui ne le veut pas, aussi dogmatiquement), d'autre part. Or il n'en est rien. Selon moi, en temps utile et dans des circonstances favorables, en d'autres mots, sûrs de le gagner, un prochain référendum pourrait être une étape décisive de l'indépendance. Entre temps, il y a beaucoup de choses à faire, des dizaines en dehors de simplement «parler». Faisons-les et cela scandalisera le Canada et sa horde de mercenaires, assumons. Le temps est venu de faire preuve d'un peu plus d'imagination et d'audace politiques...
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2010


    Monsieur,
    Jean-François le Québécois a parfaitement raison.
    Je crois de plus en plus, hélas ! que les Québécois ne sont pas dignes d'être libres, donc indépendants, à cause de leur ignorance profonde du français ! J'ai bien dit profonde. Trop, c'est trop, je suis fatigué...
    Raymond Savard
    professeur de français retraité

  • Serge Côté Répondre

    31 octobre 2010

    Entendu que le résultat du référendum de 95 a été volé par les forces fédéralistes,
    Entendu que la preuve existe bel et bien sur les fraudes des listes de votation lors de ce référendum,
    Entendu que les commandites et les argents publiques dépensées illégalement lors du référendum par le forces fédéralistes ont clairement été démontrées,
    Qu'est-il advenu de cette démarche auprès des Nations Unis pour une enquête sur les actions anti-démocratiques du gouvernement fédéral libéral d'alors lors du référendum de 95 qui dans les faits établissait bel et bien un vote majoritaire en faveur de l'indépendance du Québec?
    Je reprends ici ce qu'un autre a écrit dans un commentaire.
    "Dès 1996 je parlais partout d’un référendum volé. En 2000, j ai déposé un mémoire à l’ONU là-dessus : Violations par le Canada des droits politiques des Québécois "(Voir dans les archives de Vigile).
    Et il y a l’argent en plus !
    En fait, pourquoi devrait-on faire un autre référendum ?
    On a gagné ce référendum, c'est clair.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2010

    À l’Engagé,
    Cher Monsieur,
    J’aimerais faire une légère mise au point quant à votre commentaire : « […] mais devant cette critique des politiciens, vous leur donnez encore le beau rôle. S’il est vrai que nous devrions être indépendants au plus vite parce que l’assimilation semble s’accélérer, il ne faut justement pas tomber dans le piège de créer les conditions de notre propre défaite stratégique, la peur est mauvaise conseillère. »
    Il ne s’agissait nullement pour moi d’insinuer (en ce sens, je vous rejoins : « C’est à nous, militant de l’indépendance de remettre à jour en parlant d’elle le plus souvent possible et en tenant un discours pédagogique et cohérent ») que la tâche « référendaire » revenait aux politiciens ou aux « élus ». Quant à la peur à laquelle vous faites allusion, je ne vois pas où elle apparaît dans mon texte. Quand j’ai agité le spectre (non pour effrayer ou pour « terrifier ») de « la peine de mort », il fallait comprendre l’urgence de lutter contre les forces soi-disant « libérales » qui atomisent l’individu et le forcent à se battre contre l’autre, c’est-à-dire lui-même, qui déstructurent au nom d’un progrès (la « croissance », notamment) qui est de plus en plus contesté, partout sur la planète.
    Je suis tout de même d’accord avec vous quant au mode de scrutin proportionnel. À l’ère des technologies de l’information, on n’a jamais aussi peu « communiqué ». Et pourtant, tout est là pour voir l’émergence d’un réel contre-pouvoir. Il s’agit d’être stratège et pédagogue, mais pas en acceptant, comme le proposent les politiciens de « gauche » comme de « droite », de négocier sur le concept « essentialisé » d’économie et de « libre » concurrence libérale qui débouche la plupart du temps sur la plus simple sauvagerie dissimulée sous des airs messianiques.
    André Meloche
    Sainte-Sophie

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    31 octobre 2010

    @ A. Meloche:
    «Nietzsche trouvait ridicule l’apprentissage d’une autre langue lorsqu’on ne maîtrisait pas même la sienne propre.»
    Effectivement! Et comprennons-nous bien, le Québécois «pure-laine» qui s'exprime mal en français, aura aussi des difficultés (majeures!) à apprendre une autre langue, au-delà de quelques rudiments mal prononcés.
    C'est la maîtrise des concepts grammaticaux généraux, qui manque à ce genre de personnage Elvis Grattonien! Et toutes les langues, utilisent de tels concepts. Toute langue a ses propres difficultés, en fait.
    Le Québécois du type bête anglicisateur, qui baragouine vaguement l'anglais, par ailleurs, a tendance à penser que les pauvres rudiments qu'il connaît résument à eux seuls, la langue anglaise. Mais ce n'est pas comme si tous les Elvis Gratton de notre Belle province, avaient lu Shakespeare... ou quelque autre auteur anglophone digne de ce nom.

  • L'engagé Répondre

    31 octobre 2010

    Je comprends votre propos, mais devant cette critique des politiciens, vous leur donnez encore le beau rôle.
    S'il est vrai que nous devrions être indépendants au plus vite parce que l'assimilation semble s'accélérer, il ne faut justement pas tomber dans le piège de créer les conditions de notre propre défaite stratégique, la peur est mauvaise conseillère.
    C'est à nous, militant de l'indépendance de remettre à jour en parlant d'elle le plus souvent possible et en tenant un discours pédagogique et cohérent.
    Agir par soi-même a un impact positif dans la triade économique, politique et culturelle de chaque peuple. Nous devons nous efforcer de rendre cela transparent pour tout un chacun. On ne gagne pas une campagne référendaire par un combat de 3 mois, il faut des années, pendant que le magma politico-médiatique produit ses miasmes, nous pouvons consolider la lame de fond, une lame qui ne sera pas brisée par la pub ou les magouilles du fédéral.
    C'est pourquoi, lorsque vous dites qu’«Un référendum est une obligation immédiate sous peine de mort.» Je vous dirais qu'une élection référendaire pourrait faire la même chose, mais qu'il faut pour cela un scrutin proportionnel. Il serait beaucoup plus facile de forcer le PQ à opérer une telle réforme qu'à gagner un référendum pour lequel aucun militant n'a en ce moment d'échéancier et pour lequel nous sommes démobilisés.
    Une élection référendaire est une lubie en ce moment, dans notre mode de scrutin actuel, mais c'est tout à fait envisageable dans un mode proportionnel où les candidats, du PI, de QS ou du PQ s'engagent à faire la souveraineté s'ils détiennent plus de 51% du vote. De cette manière, l'accès à l'indépendance devient progressif et si l'un ou l'autre des partis prend le pouvoir sans que la majorité requise pour l'indépendance soit atteinte, le mandat demeure clair qu'une majorité s'est exprimé pour que la prochaine fois le soit et que le gouvernement peut y travailler et donc définir les orientations du futur pays.
    De cette manière, toutes les élections qui suivront une réforme du mode de scrutin seront référendaires, l'indépendance sera sous toutes les lèvres parce le peuple saura qu'il a une décision importante à prendre. On peut travailler pendant 4 ans au lieu de 4 mois...
    De cette manière, nous serons forcés de jouer le même jeu que les fédéralistes qui eux, n'attendent pas un référendum pour nous faire des coups tordus.
    Mais ça commence chez les militants en réactivant dans nos milieux l'idée de l'indépendance et en travaillant notre pédagogie.
    Pendant ce temps, nous pouvons forcer le PQ, QS et l'ADQ à travailler sur ladite réforme du mode de scrutin. C'est donc une inversion des rapports dont nous avons besoin.
    Nous avons d'ailleurs une bonne leçon chez les architectes de la droite récente, ce sont les blogueurs et les leades d’opinion de la base qui véhiculent les idées de l'IEDM ou des Lucides, c'est ainsi qu'ils ont fait une conférence à Québec.
    Nous, indépendantistes, nous parlons entre nous, ou nous nous obstinons, il est temps d'être pédagogues pèlerins et persévérants (des PPP d'un genre nouveau si l'on veut).