Dans un article paru dans Le Devoir du 17 janvier et intitulé [«Droits de scolarité: le modèle québécois n'a rien d'une anomalie»->34199], nos collègues Louis Dumont, Guy Rocher et Michel Seymour, tout en reconnaissant le sous-financement des universités québécoises, se disent en complet désaccord avec la solution que nous proposions, à savoir l'augmentation des droits de scolarité pour rejoindre la moyenne canadienne. Nous voudrions revenir sur les raisons qu'ils mettent de l'avant pour justifier une telle opposition.
La première raison est l'impact qu'aurait cette augmentation sur l'accessibilité. Or, aucune donnée probante ne soutient cette affirmation. Bien au contraire, par comparaison au reste du Canada, où les droits de scolarité ont fortement augmenté depuis quinze ans, le Québec ne ressort vraiment pas comme le champion de la participation aux études universitaires même si les droits y sont les plus bas — pratiquement gelés depuis le milieu des années 1990 — et que les régimes de prêts et bourses y sont les plus généreux au Canada. Le problème de l'accessibilité se pose avant l'arrivée aux portes de l'université et résulte largement du décrochage élevé au secondaire et au cégep. Pourtant, l'éducation est gratuite à ces deux niveaux d'éducation.
La hausse des droits de scolarité aurait aussi un effet pervers sur le comportement des universités, qui augmenteraient les notes sous la pression des étudiants payeurs. À preuve, c'est ce qui arrive au Canada où, selon nos collègues, la note moyenne a augmenté. Pourrait-on plutôt penser que, compte tenu des coûts plus élevés supportés par les étudiants, ces derniers travaillent davantage pour éviter l'échec et la nécessité de devoir reprendre un cours ou une année d'étude?
Cette explication nous paraît plus simple que celle selon laquelle un établissement force chacun de ces professeurs, malgré la grande liberté académique défendue par leur syndicat, à hausser les notes qu'il avait initialement données à ses étudiants. Par ailleurs, lorsqu'on dit qu'avec des droits de scolarité plus élevés une université devient productiviste, veut-on dire que les Harvard (alma mater de Guy Rocher), Yale, Stanford, MIT, Berkeley, reconnues comme les meilleures universités au monde, sont des universités corporatistes et productivistes parce qu'elles imposent des droits de scolarité élevés? Cette relation nous semble plutôt simpliste.
Nos collègues présentent comme un grand avantage la participation plus forte du gouvernement du Québec dans le financement des universités par rapport aux autres provinces. Nous cherchons où cela constitue un avantage puisque les universités québécoises souffrent actuellement d'un sous-financement annuel dépassant les 600 millions de dollars et que le sous-financement dure depuis plus de 15 ans. Nous pensons qu'aucune université canadienne ne réclamera l'avantage québécois!
Venons-en aux comparaisons avec les pays de l'OCDE. Pour le meilleur et pour le pire, nous vivons en Amérique du Nord. C'est ici que nous concevons et produisons les biens et services que nous exportons à plus de 80 % aux États-Unis et aux Mexique. La qualité de nos établissements universitaires doit être de niveau nord-américain. C'est d'ailleurs ce que recherchent de plus en plus les grands pays européens comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France, qui tentent péniblement de modifier les modes de gouvernance et de financement de leurs universités.
Terminons avec les solutions de nos collègues, qui proposent de faire contribuer davantage les autres (entreprises, redevances sur les mines, hausser les impôts des riches...) que les étudiants pour mieux financer les universités qui les forment. Ces mêmes solutions sont préconisées par d'autres pour réduire la pauvreté, hausser les pensions des travailleurs, réduire le déficit et la dette. C'est la logique du «pas dans mes poches, mais dans celles des autres». Il est tout de même curieux de constater que le premier bénéficiaire de l'éducation serait le dernier sollicité...
Il est également aussi curieux que privément nous ne puissions jamais nous payer les services que l'on veut, mais que collectivement, nous sommes en mesure de le faire. Étrange calcul en effet selon lequel la somme est supérieure à ses parties. N'oublions surtout pas qu'en haussant les droits de scolarité à la moyenne canadienne, 75 % des coûts seraient toujours à la charge des autres plutôt que des étudiants.
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Robert Lacroix, Claude Montmarquette, Alain Caillé - Professeurs émérites à l'Université de Montréal
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