Or, il semble que le Québec explore actuellement les limites de ce compromis, comme si la survie de la nation n'était pas à n'importe quel prix.
C'est pour cela que j'appuie, dans le principe, le projet de citoyenneté québécoise du PQ. Au-delà des motivations électoralistes (et de certaines modalités), je le vois comme une tentative de réconciliation, non pas pour combler un prétendu fossé entre québécois de souche et immigrants, mais entre nationalisme historique et nationalisme civique. Réconcilier le Natashquan de Gilles Vigneault et le Shumka ukrainien sachant que tous deux sont nécessaires pour construire la future identité québécoise.
C'est un projet de loi risqué tant il est le prétexte le plus récent qu'attendaient des immigrants pour s'en aller au Canada anglais ou faire une croix définitive sur le Québec. C'est un projet audacieux tant il ose proposer des balises de ce défi si vaste de redéfinition identitaire. C'est pour cela aussi que je l'appuie : il est ce premier pas posant clairement une limite, officialisant la fin du statu quo.
Car il serait hypocrite que de persévérer dans la même fuite en avant en croyant qu'on peut construire une citoyenneté ouverte et inclusive vidée de tout contenu historique en niant le récit du groupe culturel francophone majoritaire. Et plus on va continuer dans cette illusion, plus on va nourrir la pointe radicalisée qui non seulement va se trouver confortée dans sa lutte mais en plus, risque de grossir.
Toutefois, restaurer le groupe majoritaire ne signifie pas revenir en arrière : c'est revaloriser uniquement ce qui doit/peut l'être dans le contexte actuel. Travail complexe. Il suffit de penser à l'aspect religieux : certains ne jurent que par un retour au catholicisme – c'est prêcher pour sa paroisse, c'est le cas de le dire – ce à quoi je m'oppose. Par contre, je suis pour le maintien de symboles religieux que le temps a transformé en symboles purement culturels car ils définissent aussi l'identité québécoise. Verser dans un laïcisme intégriste pour échapper au fondamentalisme religieux ne nous fera pas avancer, bien au contraire.
Bien sûr, les médias au Canada anglais se sont déchaînés. En témoigne l'éditorial vitriolé de Don Martin du National Post disant que quelque soit la langue utilisée, ce projet de loi reste du racisme. Karen Selick, toujours au National Post, rappelle cependant que le problème est plutôt dans les lois sur les droits de la personne qui ont créé un climat où on ne peut plus rien dire sans qu'une personne issue d'un groupe minoritaire se sente offensée. Et si Lorrie Goldstein au Toronto Sun tire aussi sur le PQ, il souligne toutefois qu'exploiter la peur de l'immigrant n'est pas une attitude typiquement québécoise : en témoigne l'utilisation qu'en a fait Donald McGuinty à la dernière campagne électorale ontarienne. Et dans la même veine, le Globe and Mail mentionne que Jason Kenney, le secrétaire fédéral au multiculturalisme et à l'identité canadienne, a commandé en début d'année un rapport sur les divisions alarmantes sur le reste du pays que pourrait créer le débat identitaire au Québec.
J'avais déjà écrit sur le forum que le Québec possédait une solide assise historique – moins dense que celle des Premières Nations mais plus consistante que celle du Canada anglais – qui, couplée à ses atouts économiques, ne justifiait aucune citoyenneté juridique en temps normal. Comme si le vin québécois était suffisamment dense pour éviter tout embouteillage dans un cadre formel. Or, le climat actuel réinvite cette citoyenneté qui n'est pas à comprendre comme une base constitutive de l'identité québécoise (car le vivre-ensemble québécois est évident) mais comme la confirmation officielle d'un état de fait historico-culturel.
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Entre Natashquan et Shumka
le climat actuel réinvite cette citoyenneté qui n'est pas à comprendre comme une base constitutive de l'identité québécoise (car le vivre-ensemble québécois est évident) mais comme la confirmation officielle d'un état de fait historico-culturel.
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