Facal vs Facal. Je prends pour le premier !

Droite québécoise - Force Québec


Mes amis indépendantistes pur jus de l’Action Nationale ont invité Joseph Facal à prendre la parole lors de leur soirée bénéfice le vendredi 29 octobre. Le rendez-vous de l’automne ! annoncent-ils. Ils ne croyaient pas si bien dire.

Ils pensaient inviter Joseph Facal, croisé de l’indépendance, envers et contre tous. Ils auront à la place Joseph Facal, toujours indépendantiste, mais résolu à ne pas voir son rêve se réaliser dans le «cycle» historique actuel.
Si on convainquait Joseph de jouer les deux rôles, l’ancien et le nouveau, le débat serait de haute volée et le coût de 100$ pour le forfait «conférence, repas gastronomique, vin et taxes compris» apparaîtrait ridiculement bas.
Joseph, ne nous quitte pas…
Comme beaucoup de Québécois, j’ai beaucoup de respect pour Joseph Facal. Homme intelligent, nuancé et déterminé, il est l’une des têtes bien faites que compte aujourd’hui le Québec. Il a eu le cran de militer, d’être candidat et de se faire élire, puis d’accéder, jeune, à de hautes responsabilités. Je m’enorgueillis d’ailleurs d’être celui qui a convaincu Lucien Bouchard, en septembre 1998, de le faire monter au Conseil des ministres. (Le PM n’a pas été difficile à convaincre.) J’ai ensuite eu le plaisir de travailler de près avec Joseph un an durant.
C’est donc avec tristesse, mais sans le moindre irrespect, que j’apprends aujourd’hui qu’il quitte, au moins temporairement, non l’idéal, mais l’effort souverainiste.
Dans ce billet, je ferai une tentative, peut-être ultime, de le convaincre de rebrousser chemin. Et je ne peux trouver meilleurs arguments pour ce faire que ceux utilisés par Joseph lui-même, au cours des derniers mois.
La souveraineté, faisable ou non ?
Facal II, dans le [Journal de Montréal de ce lundi->30908], affirme ce qui suit:

La souveraineté n’est cependant pas possible à court terme, tout simplement parce qu’une majorité stable et résolue n’est pas à la veille de se constituer. L’idée reste trop forte pour qu’on puisse conclure qu’elle n’aboutira jamais, mais trop faible pour penser qu’on y parviendra dans un avenir proche.

Mais dans son excellent livre (un peu à droite à mon goût, mais passons) Quelque chose comme un grand peuple, publié en janvier dernier, Facal I écrivait, après avoir amplement repris et approuvé l’analyse de l’évolution l’opinion souverainiste présentée par les sociologues Gilles Gagné et Simon Langlois, ce qui suit:
La stabilité relative du niveau d’appui global donne une fausse impression de congélation [de l'appui à la souveraineté]: en réalité, l’électorat se renouvelle en profondeur. Un débat que les électeurs plus âgés peuvent trouver lassant et répétitif est donc un débat neuf pour les nouvelles cohortes d’électeurs: qui peut présumer de ce qu’ils décideront.

Facal I ajoutait:
Autrement dit, rien n’est joué. L’avenir reste ouvert. Il n’y a pas moyen de prédire avec assurance si le projet souverainiste triomphera un jour ou s’il échouera. Si la lassitude ou le découragement est certes compréhensible, ceux qui croient à ce projet n’ont cependant aucune raison logique d’y renoncer.

«Aucune raison logique d’y renoncer», bien envoyé Facal I !
Référendum, s’y engager ou non ?
Facal II affirme dans ses deux dernières chroniques que le PQ n’a pas le droit de se présenter devant l’électorat sans lui dire clairement qu’il souhaite, ou non, tenir un référendum.
La décision de quitter ou non le Canada est cependant une décision solennelle, grave, qui exige sérénité et recueillement. On tirerait profit d’un climat enfiévré pour tenir un référendum, à la va-vite, sans que les gens se soient clairement exprimés sur la tenue même de cette consultation lors de l’élection antérieure ? J’ai une autre conception de la démocratie. [...] On ne zigonne pas avec le référendum.
La réplique vient de Facal I, toujours dans son récent ouvrage. Il y était beaucoup plus compréhensif envers le dilemme souverainiste:
Il est cependant difficile, avouons-le, de concevoir une solution réellement satisfaisante à ce dilemme [bon gouvernement ou jusqu'au boutisme référendaire]: d’une part, parce qu’il faut obligatoirement qu’un parti souverainiste gagne une électio npour pouvoir organiser un référendum et, d’autre part, parce qu’il est difficile d’imaginer que les Québécois voteraient en grand nombre pour un PQ qui annoncerait à l’avance que, en cas de victoire électorale, il refuserait de gouverner une province.

Facal II cite René Lévesque qui avait promis un référendum dans le mandat en 1976, puis promis qu’il n’y en aurait pas dans le second mandat en 1981. Un exemple de respect du peuple, écrit-il. C’est vrai. Mais Facal I fut candidat aux élections de 1998 dans l’équipe de Lucien Bouchard qui, comme le PQ actuel, ne s’engageait pas à tenir un référendum que si les «conditions gagnantes» étaient réunis. Facal I n’avait pas émis de réserves alors, mais il a le droit d’avoir changé d’avis.
Faire le ménage ou faire la souveraineté ?
Facal II croit qu’il faut maintenant changer de priorité. Il l’expliquait la semaine dernière en ces mots:
La souveraineté est, pour l’avenir prévisible, une réponse à un problème que notre peuple ne veut pas confronter, parce qu’il a perdu le goût d’avancer et perdu aussi confiance dans ses dirigeants politiques, fédéralistes comme souverainistes.
Il faut désormais poser autrement la question nationale. Il faut ouvrir un nouveau cycle politique. Les problèmes du Québec sont criants. Nos réseaux de santé et d’éducation craquent de partout. Nous sommes plus pauvres, plus endettés, plus dépendants des transferts fédéraux que ce que notre potentiel et nos atouts devraient autoriser. C’est sur ces fronts que notre peuple attend une action politique vigoureuse et immédiate.

Facal I n’est pas insensible à cette problématique. Il l’aborde franchement dans son ouvrage. Mais, avec son brio intellectuel habituel, il y répond ainsi:
Il s’en trouve aussi qui, périodiquement, nous proposent de faire comme si cette question [nationale] n’existait pas: ceux-là cautionnent par le fait même la situation actuelle, en plus d’être, tôt ou tard, inévitablement ramenés aux tensions et conflits qu’elle engendre.

Facal I est même un peu dur, pour dire le moins, avec ceux qui le contredisent sur ce point:
La question nationale n’est pas un problème à côté des autres problèmes, mais une problématique qui les traverse presque tous, parce qu’elle pose, au fond, la question du siège de l’autorité ultime. Prétendre le contraire, c’est ne rien comprendre ou faire semblant.

On voudrait tout citer, tant Facal I est convaincant:
Mes vues sur la question n’ont pas changé: loin d’être une option politique parmi d’autres, la souveraineté du Québec est une exigence proprement existentielle si notre peuple ne veut pas se contenter d’un destin collectif très en dessous de ses moyens.

La droite et la gauche et la coalition péquiste
Si Facal II quitte le Parti Québécois, car c’est de cela qu’il est question, pour cause de zigonnage sur le référendum, c’est, du moins on le subodore, pour rejoindre un autre ex-péquiste, François Legault, dans un nouveau mouvement centré sur le groupe des lucides et parrainé par Lucien Bouchard (qui a zigonné en 1998, mais passons). L’espoir est évidemment que ce mouvement se transforme en parti de centre-droite à temps pour la prochaine échéance électorale.
On attend avec fébrilité le texte commun que ces lucides élargis publieront, entend-on, cet automne. On jugera de leurs propositions sur pièce, avec ouverture d’esprit.
Que Joseph Facal soit, après demain, candidat ou non de ce futur parti est incertain. Mais une chose, elle, est certaine: son départ du PQ signifie l’affaiblissement de l’aile droite du parti. Aile droite minoritaire, certes, mais présente à la naissance du Parti (Lévesque avait fusionné son Mouvement Souveraineté Association avec le Ralliement National, d’obédience créditiste), puis représentée ensuite par les Yves Duhaime, Rodrigue Biron, Jacques Brassard et… Joseph Facal.
Cette saignée de droite a un impact sur la capacité qu’a le PQ de réunir une coalition souverainiste. Qui le dit ? Facal I:
La conclusion me semble incontournable: si le PQ aspire sérieusement à autre chose qu’à prendre le pouvoir pour les mauvaises raisons, c’est-à-dire pour exercer un pouvoir provincial de plus en plus évanescent, il doit absolument redevenir une large coalition rassemblant des gens de gauche et de droite. Cela implique forcément qu’il fasse de l’intérêt national du Québec, et non de l’axe gauche-droite, sa grille d’analyse primordiale.

Certes, les cimetières sont pleins de gens qu’on croyait indispensables. Mais le départ de Facal II du PQ rend la tâche de bâtir cette coalition gauche-droite plus difficile. (Je reviendrai sous peu sur les gens de gauche qui, au PQ, nuisent aussi à la construction de cette coalition.)
Ce qui étonne aussi est que, sur les questions identitaires et donc sur l’intérêt national du Québec, le Parti québécois de Pauline Marois répond pour l’essentiel aux appels lancés par Facal I dans son ouvrage:
On aura donc compris où je loge: pour espérer triompher, les souverainsites doivent absolument revenir à l’essence des choses et s’y ternir. Revenir à l’essence des choses, c’est poser que nous sommes une nation franophone qui n’a pas à s’excuser d’être ce qu’elle est, qui n’a pas à se laisser culpabiliser quand elle veut s’affirmer, qui doit être le sujet de sa propre histoire [...]

Cette posture est précisément celle qu’endosse l’actuel Parti québécois et sa troupe de jeunes députés. Le Congrès à venir s’apprête même à adopter l’extension de la loi 101 au Cégep, tel que réclamé par Facal I. Joseph, ne le vois-tu pas ? Tes nouveaux amis te suivront-ils sur ce terrain ?
Un nouveau parti, une bonne idée ?
Facal II n’a pas encore montré toutes ses cartes. Il ne nous a pas dit qu’il se joindrait au futur mouvement avec Legault et Bouchard, mais il n’y a guère de doutes.
Est-ce une bonne idée ? Facal I pense que non, il l’a écrit en mai dernier:
Le scénario le plus fréquemment évoqué est celui d’une coalition de souverainistes et de fédéralistes, qui mettraient temporairement de côté la question constitutionnelle, le temps de remettre le Québec en forme à partir d’un programme «lucide».
Faisons de la science-fiction. Imaginons un instant que ces gens se retrouvent au pouvoir. Supposons qu’Ottawa lance alors une initiative dans les zones grises du partage des pouvoirs. Pensez aux difficultés de ce gouvernement du Québec pour déterminer sa position : au conseil des ministres, les uns y verraient un empiètement dans nos juridictions, et les autres, un souci de coordination parfaitement raisonnable.
Imaginez qu’un groupe de parents conteste la loi 101 devant les tribunaux fédéraux. Si vous êtes souverainiste, vous voudrez réagir avec fermeté. Si vous êtes fédéraliste, vous serez enclin à être plus conciliant. Et si Ottawa offre au Québec des milliards en argent frais en échange d’une plus grande présence fédérale en santé ou en éducation, vous faites quoi ?
Inévitablement, ce gouvernement québécois, assis entre les deux chaises constitutionnelles, serait aux prises avec des dilemmes du genre. Quand il y a accalmie sur le front constitutionnel, ces questions se posent moins. Mais toute notre histoire enseigne que les tensions reviennent toujours, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les individus ou la bonne foi, et tout à voir avec le choc entre deux nations qui, forcément, ont souvent des intérêts opposés.

Je n’ai vraiment rien, mais rien à ajouter. Je n’aurais pu mieux expliquer les choses. Alors, Joseph, de grâce, relis-toi, et reviens…

Squared

Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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