Chefferie du PQ

Immigration: le vrai sens des responsabilités

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« En quoi un PQ calqué sur le PLQ et soumis aux exigences idéologiques du fédéral est-il garant d’un avenir quelconque pour notre indépendance? »


Dans un texte récent publié dans les pages du Journal de Montréal pour présenter sa plateforme en immigration, mon collègue Sylvain Gaudreault affirme qu’il a «choisi d’aborder ces questions de façon responsable, ouverte, étayée», sous-entendant que ce ne serait pas le cas pour certains des autres candidats à la chefferie du Parti québécois. Dans une entrevue du 13 juillet, il affirmait d’ailleurs que ses adversaires portent un nationalisme de repli et de revanche, propos qui faisaient écho à ceux qu’il avait tenus le 2 mars dernier, alors qu’il reprochait à ses adversaires de vouloir piger dans des boîtes de céréales le nombre d’immigrants, sans analyses sérieuses préalables, et de favoriser par la même occasion l’approche populiste. 


La pierre angulaire de cette approche dite «responsable» de Sylvain Gaudreault est de demeurer muet quant à la détermination des seuils d’immigration et de confier plutôt la question à des «experts», une approche qui est par ailleurs également défendue par Guy Nantel, alors que Frédéric Bastien et moi-même avons plutôt choisi de nous prononcer clairement sur les seuils que nous trouvons appropriés en date d’aujourd’hui. 


Contrairement à ce qu’il prétend, Sylvain Gaudreault ne prend pas ses responsabilités, il les pelte dans la cour des autres. Si son texte pose de bonnes questions, il refuse vraisemblablement d’y répondre. L’approche de Sylvain Gaudreault cache ainsi un malaise vis-à-vis de la question des seuils d’immigration et plus particulièrement la crainte de se faire stigmatiser s’il osait en parler publiquement. Elle témoigne également d’une piètre opinion de la démocratie et de la capacité de la population à se former une opinion intelligente et respectable, mais surtout, elle participe d’un calcul électoral erroné. Je crois donc nécessaire de déboulonner chacun des aspects de sa sortie, l’immigration étant une question qui pourrait à nouveau prendre beaucoup de place lors des élections de 2022.


La stratégie de l'évitement


En s’en remettant aux études et aux experts, M. Gaudreault sous-entend que nous n’aurions pas en main toutes les études et expertises requises pour prendre une décision. C’est faux. Les études et les données statistiques sont nombreuses, tout comme les textes d’opinion sur ce sujet d’ailleurs, car ces questions font l’objet de vifs débats partout dans le monde en ce moment. 


L’approche de Sylvain Gaudreault suggère également que la détermination des seuils d’immigration est une question trop compliquée pour que des politiciens puissent se faire eux-mêmes une opinion sur la question. Je lui répondrai que la question des changements climatiques et des mesures que nous devons prendre pour les freiner est infiniment plus complexe que celle des seuils d’immigration, ce qui n’empêche pas les candidats de cette course, incluant M. Gaudreault, de multiplier les idées et propositions sur le sujet. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement; un politicien doit se faire une tête sur les sujets importants pour les électeurs et communiquer avec clarté ses intentions. 


L’approche Gaudreault témoigne ainsi d’une conception de la politique dans laquelle le politicien évite d’exercer son leadership et de partager sa vision sur les questions politiques fondamentales de son époque. C’est tout le contraire de l’image que je me fais du rôle d’élu. À mes yeux, un homme d’État s’investit en politique parce qu’il a une vision claire et qu’il veut convaincre ses concitoyens de son plan de match. Or, c’est précisément une même approche politique de l’abstention que M. Gaudreault nous avait servie lors de son lancement de campagne en novembre dernier, alors qu’il n’avait aucune position, aucun plan de match à présenter sur l’accession du Québec à son indépendance, se contentant d’affirmer «qu’il fallait prendre acte d’où se situe la souveraineté dans l’opinion publique», que «le PQ n’avait pas le luxe de perdre un autre référendum» et qu’il prendrait position ultérieurement sur cette question fondamentale. 


Rupture avec l'approche lévesquiste


Plus grave encore, M. Gaudreault semble croire qu’en démocratie, la volonté populaire est dangereuse et que le peuple devrait se voir confisquer certaines questions politiques, de peur qu’il ne sombre dans la haine et le populisme. Cette approche rompt avec l’héritage de René Lévesque, qui n’a jamais craint ni méprisé l’opinion du peuple, un peuple qu’il ne cherchait pas à corriger ou à moraliser, mais plutôt à servir. 


Dans l’expression «social-démocratie», il y a le mot «démocratie». À mes yeux, il est toujours mieux de considérer la volonté populaire que de la regarder de haut. Si on fait sentir aux électeurs qu’ils sont incapables de décider par eux-mêmes et que seules les élites, avec leurs expertises, peuvent décider intelligemment, c’est alors qu’ils perdent confiance en leurs institutions et s’égarent dans le décrochage civique ou les théories du complot. 


Si on élimine la volonté populaire de nos décisions fondamentales, que nous reste-t-il? Des groupes d’intérêts économiques, des professeurs et des lobbys qui décideront pour nous? En quoi cette approche se distinguerait-elle de l’approche de gestion du PLQ? Je constate avec stupéfaction que certains des cosignataires de Sylvain Gaudreault, notamment Oscar Berg et Stéphane Handfield, cautionnent le discours selon lequel une discussion sur les seuils d’immigration est en soi «inquiétante» et se doit d’être «endiguée» pour éviter «les discours xénophobes qui s'installent au cœur de la mouvance souverainiste». On croirait entendre Justin Trudeau ou Jagmeet Singh. Contrairement à ce que pense Gaudreault et certains de ses conseillers, il est possible de discuter de seuils d’immigration de manière responsable. Il ne s’agit pas d’exclure le savoir, les données et les expertises dans l’élaboration de nos politiques publiques, mais bien de s’assurer de considérer tout autant l’expression de la volonté des citoyens. Or, ce que l’on doit comprendre de la posture de Sylvain Gaudreault, c’est qu’il est impossible de suggérer une baisse des seuils d’immigration sans être un xénophobe raciste et irresponsable. Mais n’est-ce pas là la position du régime fédéral, du PLQ et de QS depuis des années? En quoi un PQ calqué sur le PLQ et soumis aux exigences idéologiques du fédéral est-il garant d’un avenir quelconque pour notre indépendance? De mon point de vue, la position voulant qu’une discussion sur l’immigration verse à tout coup dans le populisme malsain et haineux est très peu respectueuse de la démocratie et de l’intelligence des gens, et en ce sens, très peu lévesquiste. Seule une saine démocratie qui laisse libre cours à des opinions diverses et à des leaders capables d’assumer publiquement leurs positions, sans crainte d’intimidation ou de diffamation, est garante de notre avenir. 


Ne pas assumer ses idées, c'est perdre


Mais surtout, M. Gaudreault semble oublier que le Parti québécois a déjà essayé de pelleter dans la cour des experts la question des seuils d’immigration, c’était lors des élections de 2018. Ce fut un échec cuisant. Pour avoir fait du porte-à-porte sans relâche pendant cette élection, je peux témoigner que les commentaires des électeurs devant cette proposition étaient constants, voire quasi unanimes: nous refusions de répondre à la question, nous n’étions pas transparents dans nos intentions, nous tournions autour du pot. Je ne vois pas dans quel univers parallèle nous voudrions renouer avec une position aussi beige et ambiguë dont l’échec a été déjà confirmé. 


Car ne pas assumer ses idées, c’est perdre. Les seuils d’immigration sont susceptibles de changer d’année en année et c’est normal, il s’agit d’une conversation légitime dans une démocratie. Il s’agit tout simplement de prendre une position et de l’assumer. 


Vaincre les tabous, servir la démocratie


Ce qui m’amène à poser la question suivante: pourquoi, devant les constats que je décris précédemment, un candidat choisirait-il de demeurer muet et de déférer des décisions importantes à des non-élus non identifiés? La réponse réside à mon avis dans la peur de se faire stigmatiser ou calomnier lorsqu’on s’exprime sur certaines questions dites délicates. 


Une certaine frange de la gauche, surtout à QS, s’est mise à croire qu’il fallait faire taire la population, voire la rééduquer, pour l’empêcher de tomber dans la haine et le populisme. Cette gauche croit aussi que lorsqu’une personne émet une opinion qui est contraire aux dogmes pour lesquels elle milite, il est légitime de l’intimider et de la diffamer, dans la perspective d’affaiblir l’ennemi. Cette culture antidémocratique a pris de l’ampleur récemment et n’est sûrement pas étrangère à la position de mon collègue Sylvain. 


On ne devrait pas craindre de se faire traiter de xénophobe, simplement parce qu’on ose discuter des seuils. On ne peut pas être dans le tabou autour de certaines questions fondamentales parce qu’on a peur du traitement médiatique qui va en découler.


C’est cette crainte d’être stigmatisé qui amène M. Gaudreault à se cacher derrière des experts inconnus: il tombe malheureusement dans le beige et le flou, afin d’éviter d’offusquer des électeurs et les militants mondialistes les plus zélés. Pire, Sylvain Gaudreault imite ces militants zélés en déconsidérant et en stigmatisant à son tour ses collègues dans cette course à la chefferie avec lesquels il a un désaccord. Je crois que nous avons, dans le cadre de cette course, une belle occasion de nous battre pour une saine démocratie libérée de toute culture du bannissement, en exerçant notre droit de débattre librement et clairement. 


J’ai pour ma part pris la position que les seuils d’immigration devraient être réduits pour atteindre un chiffre annuel entre 35 000 et 40 000. Je crois qu’un retour aux seuils d’immigration qui avaient cours avant la hausse importante orchestrée par Jean Charest est approprié, particulièrement à la lumière du recul rapide de la langue française dans la grande région de Montréal depuis cette hausse. Pour y arriver, je mettrai notamment fin au programme d’immigrants investisseurs, un programme qui est fortement lié à la spéculation immobilière et dans le cadre duquel on constate peu de succès sur le plan de l’intégration. Tous les détails de ma position ont déjà été publiés dès le début de la course au mois de février dernier.


Évidemment, les seuils d’immigration sont une composante essentielle, mais non pas unique, dans les facteurs qui influent sur la réussite de l’intégration des personnes immigrantes. Tout comme Sylvain Gaudreault, ma position est que la maîtrise du français sera exigée comme condition d'admission pour les immigrants au Québec. Plusieurs autres aspects de l’immigration n’ont pas fonctionné au Québec à la hauteur des attentes au cours des dernières années, comme la régionalisation, la reconnaissance des diplômes et la lutte à la discrimination à l’emploi. Je m’engage à m’y attaquer. 


Conclusion


J’ai toujours pensé qu’il nous faut être capables de discuter de nos idées, sur l’immigration comme sur d’autres sujets, dans l’objectif de convaincre le plus grand nombre. C’est ce que je fais, depuis le début de la course à la direction du Parti québécois, avec le souci constant de parler d’immigration de façon responsable, de manière à ne pas déshumaniser ou dévaloriser le parcours des Québécois d’adoption, dont la réussite et l’intégration sont dans notre intérêt à tous. Sylvain Gaudreault et moi partageons certes plusieurs convictions, notamment celles de faire du Québec un leader en environnement et en équité sociale, mais pour moi, ne pas assumer ses responsabilités en les confiant à quelqu’un d’autre, c’est choisir le chemin de la défaite et du déclin, un chemin que je refuse d’emprunter.




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