L'esprit de corps

Crise d'octobre 70 - FLQ




En illustration à la chronique d'hier de mon collègue Yves Boisvert, je reviens pour la centième fois peut-être, mais je m'en fous cette histoire tient une place spéciale dans mes 40 ans de carrière et plus encore dans l'idée que je me fais d'une démocratie, je reviens sur l'affaire Alain Olivier que mon confrère évoquait brièvement.
L'affaire Alain Olivier, plus encore que l'affaire Arar, illustre cette mentalité policière contre laquelle, dixit Boisvert, les structures ne peuvent pas grand-chose.
J'ajouterais une mentalité commune à presque toutes les polices, une sorte d'esprit de corps exacerbé que les policiers placent au-dessus des lois, esprit de corps au nom duquel ils sont prêts à mentir, à tricher, à fabriquer des preuves pour protéger un ou plusieurs des leurs collègues dans le trouble. (C'est exactement ce qu'a fait M. Zaccardelli, et s'il passe pour un fieffé menteur aux yeux du public, dans les rangs de la GRC, il est perçu comme un héros.)
Dans l'affaire Olivier, le cover up n'a même pas servi, comme dans l'affaire Arar, à couvrir une erreur de bonne foi au départ. Tout est lamentable dans l'affaire Olivier, tout est connerie, tricherie en plus de se terminer par un ratage.
Une histoire comme un film de série Z. Inoffensif junkie sur la côte Ouest où il travaillait à l'époque dans la construction, Olivier est repéré par un indic qui le " vend " à la GRC de Vancouver comme " le roi de l'héroïne ". L'undercover team de Vancouver prend Olivier en charge et va le plonger dans un cauchemar incroyable. Les flics qui se font passer pour des trafiquants vont d'abord le terroriser en le rendant complice d'un faux assassinat, puis le traîneront de force en Thaïlande, où ils l'obligeront à monter une opération débile qui n'a mené qu'à l'arrestation de quelques revendeurs sans intérêt.
Et ça s'est très mal terminé : un policier de la GRC, le caporal Derek Flanagan, a été tué accidentellement durant l'opération. Olivier a été condamné à mort, sentence commuée en prison à vie. Il a finalement été rapatrié au Canada, et remis en liberté après plusieurs années au pen. Aux dernières nouvelles, il était technicien de scène quelque part à Montréal.
Épouvantable? Pas encore. Pour l'instant, on est juste devant des petits cons qui se sont payé un gros power trip et un voyage qui a mal tourné. Le genre de dérapage susceptible de se produire dans toutes les institutions, dans toutes les corporations, dans tous les milieux d'une société démocratique.
Sauf que, normalement, dans une démocratie, à ce point-ci de l'histoire, devrait apparaître un mécanisme, une structure, disait Boisvert hier, permettant de rétablir les faits, de réparer les torts causés à des innocents, et de botter le cul des petits cons, à tout le moins de leurs supérieurs.
Et effectivement, dans cette affaire Alain Olivier, le mécanisme en question, la structure, la soupape démocratique a fini par se manifester. Cette structure, ça ne peut pas mieux tomber comme nom, s'appelle : LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC. Non seulement ça existe pour vrai, mais ça fonctionne. La Commission des plaintes du public contre la GRC a demandé à un criminaliste du nom de McEwen de lui faire rapport sur l'affaire Alain Olivier.
J'ai lu ce rapport McEwen. Il était accablant pour la GRC, notamment accusée d'avoir monté une opération inutile et d'avoir fabriqué un crime de toute pièce. Le rapport se terminait en exigeant une enquête publique.
Non seulement il n'y a jamais eu d'enquête publique, mais le rapport a été désavoué par le directeur général de la Commission des plaintes du public contre la GRC, qui en a commandé un autre.
Épouvantable? Ça commence. Mais il vous manque encore un petit détail : le directeur général de la Commission des plaintes du public de l'époque était l'ex-grand patron de la GRC à la retraite. Rien que ça. Le nouveau rapport, s'en étonnera-t-on?, a fait des flics des héros, et du mort, un martyr.
Comme chaque fois que je reviens sur cette histoire, ces jours prochains, je devrais recevoir de Vancouver un courriel ou un coup de téléphone d'insultes qui finira par, anyway, thank you on behalf of Mrs Flanagan (la veuve du caporal tué dans la l'opération).
Comme chaque fois aussi que je reviens sur cette histoire, mes pensées vont au chauffeur de touk-touk qui, déposant Olivier devant un resto de Chang Mai, a été mal inspiré de se faire inviter à sa table. Ils étaient sous surveillance. Quand tout a été fini, les flics thaï ont arrêté le chauffeur de touk-touk chez lui. Il est mort en prison, de la tuberculose. Il avait trois enfants.
NOTA BENE : En lien avec cette chronique (voir plus bas), vous pouvez lire l'histoire de Max, le nom que j'avais prêté à Alain Olivier à l'époque, quatre articles écrits en 1998 qui racontent l'opération en Thaïlande.
Alerte au père Noël
Le père Noël est débordé. Et c'est un peu de ma faute. Je vous parle de ce père Noël qui s'appelle Normand Brault. Il devait vous envoyer la lettre d'un enfant qui n'a pas de parents. Figurez-vous que le père Noël manque d'enfants! Comme je viens de vous le dire, c'est un peu de ma faute. Voilà un mois, des gens qui se rappelaient ma chronique de l'an dernier m'ont redemandé les coordonnées de M. Brault, je les ai données en plus de republier ladite chronique sur le Net, ça a créé une nouvelle demande, et voilà que le père Noël manque d'enfants, je crois bien que c'est la première fois dans l'histoire de l'humanité.
Croiriez-vous qu'il s'en trouve pour m'engueuler? Ouais, qu'est-ce que c'est que ça, vous nous aviez promis un petit malheureux pour Noël...
Vous voulez le mien? J'en ai finalement eu un de M. Brault, j'imagine par faveur spéciale. Je ne sais pas trop quoi faire avec, il ne me demande absolument rien, il s'appelle Jessy G, sa lettre est très courte, Cher père Noël, ce que je voudrais pour Noël c'est que ma famille soit heureuse et pleine de joie et de bonheur.
Mon pauvre petit garçon, si tu savais comme t'es mal tombé.


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