LOI 96

L'être et le droit

Essai sur le statut constitutionnel du peuple québécois et de la nation québécoise

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Turp et Laporte se trompent-ils autant sur la loi 96 que sur la Catalogne?

Résumé:


Cette note de recherche s’inscrit dans le cadre du débat entourant les propositions de révision constitutionnelle contenues au projet de réforme de la Charte de la langue française du gouvernement du Québec, actuellement à l’étude devant l’Assemblée nationale. L’article 159 du projet de Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (Projet de loi no 96) comporte une modification expresse et unilatérale du texte même de la Loi constitutionnelle de 1867, par l’insertion, au chapitre V de cette loi (« constitutions provinciales »), de deux nouveaux articles – « 90Q.1 » et « 90Q.2 » – portant reconnaissance formelle de la « nation québécoise » et du statut du français comme langue officielle et commune.


La présente note de recherche montre en quoi cet enchâssement textuel, quoique inédit, apparaît valide tant au regard de son contenu normatif que du véhicule procédural choisi, soit l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982. De même, elle rend compte de certains effets juridiques concrets susceptibles de se dégager d’un tel développement que l’on aurait tort d’interpréter comme simplement symbolique. À la faveur d’un exercice d’« archéologie » des occurrences du « peuple » de cette « province » et de ses qualités nationales dans le droit local et impérial à remonter au temps de la Conquête, les auteurs mettent en évidence que ce peuple devenu nation jouit depuis toujours d’un statut constitutionnel matériel dans l’ordre britanno- canadien, fût-il éminemment imparfait. Par conséquent, la nature véritable des articles 90Q.1 et 90Q.2 de la Loi de 1867 consiste à incorporer – validement – dans la loi suprême, ce qui est déjà ; c’est-à-dire ce qui anime déjà, fondamentalement, la constitution du Québec, en érigeant cette donnée constitutionnelle au rang de norme formelle supérieure.


Mais qu’est- ce donc, en droit, que la nation québécoise ? Comme principe organique de la gouvernance en l’État et source de l’autorité publique québécoise, le peuple québécois ou la nation québécoise est, premièrement, un objet de droit ; un matériau proprement constitutionnel et d’ailleurs intrinsèquement exclusif à la « Couronne » provinciale qui le « personnifie » et dont il est le substratum démocratique.


Deuxièmement, comme collectivité à la fois civique et sociopolitique en situation minoritaire ou « subétatique » à l’intérieur du cadre canadien, le peuple ou la nation du Québec est tout autant un sujet de droit, titulaire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il s’ensuit que l’enchâssement exprès, dans la loi suprême, de l’objet « nation québécoise » en fera, d’une part, une composante à part entière du cadre constitutionnel formel et supralégislatif applicable au Québec, mais aussi un élément objectif de la réalité constitutionnelle formelle de la fédération dans son intégralité, non sans répercussions sur la façon dont on interprétera désormais la Constitution du Canada.


D’autre part, la nation québécoise formant également un sujet de droit, la portée déclaratoire des articles 90Q.1 et 90Q.2 obligera forcément, de manière incidente, l’ensemble de la structure canadienne à agir en conséquence de la reconnaissance constitutionnelle formelle de ce titulaire du droit des peuples, notamment au regard du droit international. Outre ce qui précède, cette note examine la signification en droit des mots « peuple » et « nation ».


Bien que dans l’usage courant, ces deux concepts se rapportent essentiellement au même phénomène juridique, politique et anthropologique, ils se distinguent en ce que, selon les travaux de Behrendt et Bouhon, le premier est de nature plutôt synchronique tandis que le second revêt un sens plutôt diachronique. En somme, le peuple n’est autre que la nation prise à un moment donné dans le temps. De plus, en guise d’analyse comparée, les auteurs proposent un survol sommaire des constitutions d’États qui, ailleurs en Occident, ont reconnu le statut de peuple, de nation, de nationalité ou de communauté nationale à une portion de leur population.


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