Il y avait clairement quelque chose de pourri au royaume de Longueuil entre 2002 et 2009. Mais l’UPAC ne semble pas s’y intéresser ; comme elle semble ignorer bien d’autres cas douteux manifestes dans les couronnes, d’ailleurs.
Peut-être que l’article du collègue Christopher Nardi vous a échappé lundi. Ou que vous vous êtes simplement dit, comme de nombreux internautes, sur les réseaux sociaux visiblement désabusés : « Rien de surprenant ! »
Rappelons les faits : « Entre 2002 et 2009, cinq firmes de génie avaient un accès quasi exclusif aux contrats publics à Longueuil en échange de contributions à une caisse occulte du Parti municipal de Longueuil. »
Eh oui, un autre système collusionnaire. On se croirait presque dans l’empire Vaillancourt de Laval. Car le système était « large et étendu », selon ce qu’affirment les enquêteurs du syndic de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ).
Les entreprises « recevaient des contrats au prorata de leurs contributions » ! Comme dans le fameux extrait de la série Duplessis que Paul Arcand se plaît à faire jouer à l’occasion : « Ceux qui vont donner gros, vont recevoir gros ».
Bravo à l’OIQ qui, après des années, semble être sorti de sa torpeur pour jouer le vrai et premier rôle de tout ordre professionnel : la protection du public.
Où est l’UPAC ?
Même que le syndic de l’OIQ a fait ici un travail et tiré des conclusions qui font penser à celles qu’aurait dû tirer notre UPAC.
Selon nos informations, des dossiers concernant Longueuil ont été remis à l’UPAC à plusieurs reprises. Des enquêteurs sont même venus poser des questions directement à des joueurs clés de Longueuil.
À l’interne, on se disait même : « L’UPAC s’en vient, c’est imminent. » Or, il n’y a pas eu de perquisition connue du public à Longueuil.
Évidemment, dans la transition entre l’ère des maires Claude Gladu, Jacques Olivier et St-Hilaire, la déchiqueteuse a surchauffé, semble-t-il.
Comme cela se produit trop souvent, les nouveaux élus ont été placés devant des classeurs vides. L’ex-mairesse Caroline St-Hilaire, dans sa biographie Se faire entendre (Libre Expression), l’a déploré en ajoutant qu’il n’y avait plus un ordinateur dans les bureaux du maire !
N’empêche, à l’OIQ, des témoins ont manifestement pu livrer leur version des faits, parfois passer aux aveux, fournir des documents.
Deux ex-patrons des cinq firmes ont d’ailleurs déjà plaidé coupables d’avoir participé à ce système devant le Conseil de discipline de l’Ordre des ingénieurs.
On peut trouver facile la question « Mais que fait l’UPAC ? ».
Certes, le Québec est vaste. Certes, les citoyens doivent être patients, ce sur quoi insistait encore le patron de l’UPAC Robert Lafrenière lors de l’entrevue bilan qu’il a accordée au Bureau d’enquête en décembre. Monter une preuve de collusion ou de corruption criminelle, c’est infiniment complexe.
Mais dans ce cas comme dans bien d’autres, on signale que des dossiers solides ont été remis à l’Unité depuis longtemps.
Et les Laurentides ?
Au procès de l’entrepreneur Tony Accurso en novembre, deux collecteurs de fonds de l’ex-maire Vaillancourt ont avoué avoir versé des pots-de-vin non seulement à Laval, mais aussi dans de nombreuses villes de la couronne nord de Montréal.
Deux ex-cadres de la firme de génie-conseil Tecsult, soit Marc Gendron et Roger Desbois, ont raconté eux-mêmes qu’ils distribuaient les enveloppes à Blainville, Mirabel et Sainte-Thérèse.
Gendron a même précisé qu’un pot-de-vin « olympique » fut versé à Saint-Jérôme, pour un contrat d’infrastructures municipales de 69 millions $.
« J’ai donné 500 000 $ comptant. Ça ne s’est pas fait d’un coup sec. Ça a pris cinq ans », a-t-il raconté au tribunal.
Permettez que je répète ma question : que fait l’UPAC ?
Évidemment, on ne sait pas tout ce qu’elle fait ; et c’est normal qu’il en soit ainsi. Peut-être est-elle déjà sur le cas ?
Peut-être a-t-elle conclu, après s’être fiée à l’organisateur peu fiable Gilles Cloutier, qu’il valait mieux jouer de prudence avec l’utilisation « transversale » (d’un dossier à l’autre) de témoins clés ?
24 personnes libérées
Il reste qu’elle a ici, à Longueuil, des dossiers très solides provenant de l’OIQ.
Dans le procès Accurso, les témoignages sont d’un grand intérêt.
À Lachute en passant, le conseil municipal, dans des résolutions, se plaint d’avoir déposé des dossiers béton à l’UPAC. Depuis trois ans, rien ne semble avancer.
Certains seraient tentés de dire que dans plusieurs cas, l’Unité perd son temps. Comme dans celui du pompier-enquêteur Luc Désy, qui vient d’être libéré des accusations de corruption et d’abus de confiance en raison de « l’inexistence » de preuves.
Parfois, les dossiers semblent simples. Une fois devant les tribunaux, tout apparaît beaucoup plus complexe, nous dit-on à l’UPAC.
À preuve, cette compilation effectuée par Le Journal qui concluait que depuis un peu moins de quatre ans, au moins 24 personnes arrêtées par l’UPAC ont été libérées ou acquittées des accusations portées contre elles.
Et si l’UPAC manquait d’effectifs ? Et si ses enquêteurs n’étaient pas les plus expérimentés ? Et si la bisbille à l’interne minait le travail, le ralentissait ?
On obtiendra peut-être certaines réponses à ces questions, cette semaine, dans le rapport sur les « mesures correctives » prises par l’UPAC aux reportages sur le climat « pourri » à l’interne.