La laïcité fut la grande absente du remaniement du cabinet fantôme libéral.
Jusqu’au 15 juillet, le dossier relevait d’Hélène David, députée de Marguerite-Bourgeoys. Depuis lors, le dossier... n’appartient plus à personne au sein du caucus rouge. Il est « sans domicile fixe ». « Pouf, disparu ! » m’a confié une personne libérale étonnée.
Maladivement prudente
Mme David a mené l’opposition au projet de loi 21 sur la laïcité de l’État jalousement, en laissant le moins de place possible à ses collègues élus, terrifiée par les dérapages possibles.
Sa position n’a toutefois pas toujours été claire. Lors de son premier point de presse, le 28 mars, jour du dépôt du projet de loi, elle avait donné l’impression que le PLQ aurait pu appuyer le gouvernement si ce dernier s’en était tenu à la formule Bouchard-Taylor de 2008.
Jusqu’au conseil général du PLQ du mois de mai à Drummondville, on a senti l’ancienne ministre de l’Éducation supérieure maladivement prudente sur cette question, voulant s’opposer, mais pas frontalement.
Échec d’Anglade
Normal, le parti n’avait pas encore précisé sa position, et l’aspirante chef Dominique Anglade — qu’Hélène David soutient ardemment — souhaitait faire adopter à Drummondville une position de compromis « bouchard-taylorienne ». Elle a raté son coup, le parterre de militants réitérant une opposition très couillardienne à toute laïcité impliquant des interdictions de port de signes religieux.
Remarquez, on comprend que les libéraux veuillent voir ce dossier disparaître. Un caucus plongé dans une course à la chefferie fuit ce type de sujet. Car sur celui-ci, il est presque inévitable que les prétendants divergent d’avis. Secrètement, donc, plusieurs étaient contents que la loi ait été adoptée, même sous bâillon. Pour quelque temps, plus besoin d’en débattre trop ouvertement.
Supplice
Mais le supplice de la laïcité recommencera. Le jugement de jeudi de la cour supérieure, laquelle a rejeté la demande de plusieurs militants d’une injonction sur l’application de la loi, le montre bien.
Refus peu surprenant, jugement remarquable de la part du magistrat Michel Yergeau. Ce dernier rappelle un certain nombre de choses, dont le fait qu’il y a une « présomption de validité des lois » adoptées par des parlements légitimes.
Mais on comprend aussi que tous les ingrédients sont là pour relancer presque infiniment le débat. Un recours sur le fond de la question est déjà lancé. Les problèmes d’application, notamment dans les Commissions scolaires anglophones, seront autant d’occasions d’y revenir.
Les aspirantes chefs libérales (après Dominique Anglade, Marwah Rizqy ? Marie Montpetit ?) devront répondre pendant une éventuelle campagne (s’il y en a une !) à plusieurs questions clivantes sur la laïcité.
Faut-il que le PLQ promette d’abroger la — très populaire — loi 21 s’il revient un jour au pouvoir ? Un éventuel gouvernement libéral reconduirait-il la disposition de dérogation (communément appelée « clause nonobstant », elle expire au bout de 5 ans) en 2024 ?
Comme quoi le PLQ a beau vouloir chasser la laïcité, elle est une sorte de fantôme qui reviendra le hanter.