La météo

Chronique d'André Savard

Les Québécois parlent de météo cet été. Ils se plaignent de la pluie, ou plutôt de ce qui est un régime de pluie. Le dépit vient du fait que c'est la deuxième année de suite que des systèmes pivotant faisant alterner éclaircis et cellules pluvieuses creusent leur marque pendant plus de trois mois. Que l'on se souvienne: l'été précédent, on se plaignait que le 400 ème de Québec se célèbre sous des cordes de pluie. Le soleil y était apparu le 23 août.
La question sous-jacente à toutes nos plaintes est la suivante: assistons-nous à un phénomène météorologique circonstanciel ou est-ce l'augure d'une nouvelle tendance? En effet, des météorologues ont déjà affirmé que le degré d'évaporation accru résultant du réchauffement planétaire induira plus de couvertures nuageuses, des régimes de pluie prolongée sur certaines régions et la désertification d'autres contrées.
Si vraiment la plus haute température sur l'Atlantique entraîne un climat des moussons sur certaines parties de la côte est, attendons-nous à ce que la pluie nous en mette un fameux coup d'année en année. Il y aura bien des étés de grâce mais ils se feront de moins en moins nombreux. Nous pourrons-nous nous dire que mieux vaut être du côté de la flotte que du côté des déserts.
Si les fraisiers s'en plaignent, les récoltes de choux et de carottes s'avèrent prometteuses. Il est possible, si la tendance s'installe que le ministère de l'agriculture favorise toutes les cultures qui se font dans la terre noire, celle-ci drainant bien les pluies abondantes.
Outre la sélection des cultures, on sera témoin du changement des comportements estivaliers dans bien d'autres domaines. Déjà, nous voyons des gens nous dire que leur mois favori est septembre désormais. Il y fait plus chaud qu'avant et ce mois a acquis la réputation d'être moins pluvieux que mai, juin et juillet. Jamais n'aurait-on vu naguère des membres du personnel vouloir prendre leurs vacances au début de l'automne. Bientôt, cela n'étonnera plus personne.
Depuis longtemps, nous parlons de la mutation de l'hiver. Pour former des ponts de glace sur les sentiers de motoneiges, depuis le début des années 2000, nous voyons dans les Laurentides que la période propice est passée de la mi décembre à la mi janvier. On est en train de développer une expertise sur la gestion de l'hiver en mutation. Plus ça va couler en longues rigoles larges pendant l'été, plus on parlera de la transformation de l'été et de ce que ça impose.
Par exemple, peut-on envisager autant de festivals en plein air à Montréal sans couvrir des tronçons de rues? Verra-t-on le quartier latin et la place des spectacles dans les environs du Complexe Desjardins se doter de toits amovibles? On ne pourra pas toujours demander aux musiciens et aux spectateurs de se faufiler entre les gouttes.
Plus largement, nous pouvons nous demander quel sera l'impact des changements climatiques sur la mentalité des électeurs. Nous savons déjà que les fédéralistes qui ont toujours tenu le nationalisme québécoise comme une forme de rigidité qui se détourne de toute vision mondiale, se serviront de l'écologie avec autant de désinvolture qu'ils ont utilisé le spectre du nazisme. Eux qui ont toujours nié que le corset provincial limitant le gouvernement québécois constitue un "vrai problème", nous pouvons nous imaginer à quel point ils ne vont pas tarir. Ils diront qu'à l'heure où on envisage la mort de l'humanité, voir un peu d'anglais à Montréal comme un gros noeud est le trait distinctif d'un esprit bigot.
Bien avant que l'écologie ne devienne le thème moteur d'aujourd'hui, il a été d'usage de prétendre que les problèmes mondiaux devaient servir è la "relativisation" du problème québécois. Et de sa relativisation, on passait vite à sa négation. De la même façon qu'on nous a dit que le Canada est le pays marquant une séquence de rupture avec le nationalisme, les fédéralistes diront que les misérables balancements politiques qui définissent l'horizon politique québécois sont une honte à proscrire à l'heure des menaces d'ordre planétaire.
Le Parti Québécois a bien lu les signes des temps en voulant promouvoir le thème du Québec, première économie libérée du pétrole. Pour éviter que l'écologie ne devienne qu'un tour de passe-passe conceptuel aux mains des fédéralistes, hâtons-nous de dire que le Québec, en suivant son propre modèle de développement, participera selon son mode particulier à la refondation des bases économiques et énergétiques mondiales.
André Savard


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • José Fontaine Répondre

    2 août 2009

    Je suis très frappé de lire, dans les derniers paragraphes de cette chronique d'André Savard, que les arguments contre la prise en compte d'un phénomène national ou local, soient aussi au Québec reliés à l'idée que les problèmes mondiaux relativisent (et même nient), ces questions. Frappé aussi de voir que le Canada se présente comme un pays ayant dépassé le nationalisme et l'ayant rendu vain. Un jour que des collègues dans mon école me tenaient le même raisonnement, j'ai failli répondre que cette fois je n'allais plus donner cours, vu que notre école était vraiment trop petite pour résoudre les problèmes pédagogiques de l'humanité et qu'avant de reprendre ces cours, j'attendrais une réorganisation de la pédagogie par un gouvernement mondial... Bien que les militants autonomistes n'aient pas le monopole de l'engagement, je crois aussi très fort que ces arguments (en gros : les problèmes mondiaux sont plus importants), sont utilisables contre tous les engagements possibles et imaginables. En un sens, il n'est jamais temps de faire quoi que ce soit et on n'est jamais dans la situation idéale pour agir.