La presque reine et le petit président

Et qu’on ne vienne pas nous les gonfler avec les accusations de racisme : le problème n’est pas la couleur de la peau de la presque souveraine, mais ses prises de position politiques tordues et réactionnaires

L'affaire de la "reine-nègre" - VLB

À regarder Michaëlle Jean, la petite reine du Carnaval de Québec, et sa grand'tarte de mari, les baguettes en l'air, jouer leur farce sinistre en France, sous les regards admiratifs des journaleux insignifiants, on ressent un profond dégoût. Tout est petit dans cette histoire, la presque reine et le petit coq grimpé sur ses ergots qui joue les matamores présidentiels. On a l'impression de feuilleter, encore une fois, un mauvais photo-roman des années cinquante, mettant en vedette une caricature d'Aunt Jemima revampée par les stylistes de la revue Châtelaine ou de Channel no. 5, une pâle copie en culottes courtes de Napoléon-le-Petit et Paul Desmarais dans le rôle du parrain mafieux. De grands comédiens, mais une pièce de théâtre pornographique.

Comment peut-on à la fois se réclamer de l'héritage d'Aimé Césaire, de son Discours sur le colonialisme, de l'horreur sans nom du système esclavagiste et jouer les rois-nègres au féminin : le poste de représentant de la Reine d'Angleterre est un des symboles les plus haïs de toute l'histoire du colonialisme et de l'impérialisme britanniques, non seulement au Québec, mais aussi en Irlande, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Il y a là une contradiction insurmontable. On ne peut pas justifier tout et n'importe quoi. Même l'injustifiable.

Et qu'on ne vienne pas nous les gonfler avec les accusations de racisme : le problème n'est pas la couleur de la peau de la presque souveraine, mais ses prises de position politiques tordues et réactionnaires. Et qu'on ne vienne surtout pas nous chanter la chanson de « l'image positive pour la communauté noire ». Arrêtez vos bêtises avec vos « success stories » pour Lady Di de Chambre de Commerce. Vous allez pas vous refaire une santé mentale sur le dos des Québécois. On ne me fera pas coller quand même que l'Empereur Bokassa, le président Mobutu et la crapule à Omar Bongo sont des exemples de réussite pour la jeunesse. Si le « gansta rap » avec ses bandits, ses faux diamants, ses chars de cul et ses colliers en or est un exemple de réussite, alors c'est à désespérer de l'aventure humaine. En tout cas, ce n'est pas ce que m'ont appris Fanon, Malcom, Cabral, Césaire, Sankara ou Baldwin, ces grands maîtres de la pensée anticolonialiste.

Mais le plus dégoûtant dans toute cette affaire, ce n'est pas le cabotinage de cette « Uncle Tom » en talons hauts ni les pitreries de sa grand'tarte, mais l'àplatventrisme des politiciens québécois responsables de tant de courbettes et de petitesse. Jean Charest, avec sa joyeuse bande de vingt watts et de deux de pique, se pète les bretelles avec sa politique de la carpette, du perron de porte et de la démission. C'est la politique libérale de l'autohumiliation, la politique de l'enculé heureux, à la Benoît Pelletier, satisfait, avec son petit pot de vaseline à la main.

Mais plus dégoûtant encore, c'est le choeur habituel des flatteurs et des encenseurs du régime grassement payés par Power Corporation pour avaliser et applaudir cette politique réductionniste. Et ils parlent comme le Petit Pratte de réalisme politique et de grandeur. Et ce sont les mêmes vendus qui chantent les vertus de la schizophrénique loi 101 avec son bilinguisme institutionnel bien réel, les vertus de la privatisation en douce d'Hydro-Québec à grands coups de moulins à vent verts solitaires et les vertus d'une loi sur la protection du territoire agricole qui ne protège plus rien. Ce sont les mêmes encore qui applaudissent l'engraissement des amis du Parti par le biais des PPP, le démantèlement des ZEC et la destruction systématique de l'État québécois. Toujours les mêmes qui nous racontent que tout va pour le mieux, que l'économie du Québec tourne à plein régime, alors que les usines ferment leur porte à gauche et à droite.

L'infime Jean Charest descend encore plus bas dans la soumission que le minuscule Robert Bourassa et tous ces débiles mentaux se préparent à remettre au pouvoir ces nains presque inexistants. Parizeau avait raison : on patauge toujours dans l'argent et les votes ethniques.

Pendant ce temps-là, d'autres hystériques en mal d'identification, peut-être les mêmes, chantent le Ô Canada en bilingue au Centre Machin-Truc, font tourner leurs linges à vaisselle au-dessus de leur tête et se prennent pour des « nommebeurrouones » avec le « flag du Canadien su'l'hood ». N'importe quoi! La prochaine fois, ils se mettront le drapeau de la Molson dans le cul, ou celui des beignes Tim Horton, du Pape ou des Jeux gais. N'importe quoi! C'est proprement dégoûtant.

Et si vraiment les peuples ont les politiciens qu'ils méritent, alors le peuple québécois mérite de disparaître tout de suite et de finir dans la fosse sceptique de l'histoire. C'est tout ce qu'il mérite.

Pierre Falardeau
Pierre Falardeau, dans la dernière édition du journal Le Québécois (vol.8, no.2), réagit à la visite de Michaëlle Jean en France. Permission de publier le texte ou des extraits avec mention de la source.
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Je suis un homme d’un autre siècle. Je chauffe au bois. Je n’ai pas d’ordinateur. J’écris à la main, avec un crayon à mine ou une plume. En art, je crois à la simplicité. Je chasse à l’arc. Je me bats pour la liberté, la liberté sous toutes ses formes, la mienne, celle de mon peuple, celles de tous les peuples. Bref, je suis un primitif égaré.





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