Le bon et la brute

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Ils répondent à leurs électorats respectifs

Donald Trump est fou. Fou furieux, mégalomane et narcissique, par définition, l’homme est d’une inconstance hallucinante. Du moins, c’est le diagnostic que l’on entend sur toutes les tribunes. Le constat est factuel, mais un peu court. Car même les fous, dit-on, ont leur propre logique.


Le président des États-Unis n’échappe pas à la règle. Son comportement avant, pendant et après le Sommet du G7 à La Malbaie en est une autre preuve. Pendant, il s’est fait tout souriant avec ses collègues chefs d’État. Avant et après, ses insultes pleuvaient sur Twitter. Après coup, il se permet même de retirer son appui à la déclaration commune du Sommet.


Certains y voient de la lâcheté. J’y vois plutôt l’art tordu d’un manipulateur de premier ordre. Deux gifles entrecoupées d’un bisou sur la joue – un grand classique. Sa cible du moment : Justin Trudeau.


Son péché ? En représailles pour l’imposition au Canada de nouveaux tarifs douaniers par l’administration Trump, le premier ministre canadien a osé répondre par une surtaxe frappant certains produits américains.


Seul au monde


La « logique » de Donald Trump, même délirante, est non moins réelle. Primo, isolationniste indécrottable, il se fout de blesser son allié canadien. Deuxio, en traitant Justin Trudeau de « faible » et de « malhonnête », il s’adresse surtout à sa base électorale. Son message : regardez bien comme je suis « fort » et « honnête » face à ce peewee de menteur canadien.


À quelques mois des élections américaines de mi-mandat, le président Trump n’a pas fini de se faire les muscles sur le dos du Canada, entre autres. Cet homme est seul au monde et cela fait très bien son affaire.


Son électorat, lui aussi, se sent comme la victime d’un monde injuste tout en rêvant d’une Amérique à nouveau toute-puissante. C’est pourquoi Trump le matamore le séduit tant. Dans un pays où l’éducation est un luxe, il n’y a rien d’étonnant à ce que le message victimaire de Trump ait autant de résonance.


Cadeau


Pour Justin Trudeau, le fiel de Trump est un cadeau tombé du ciel. La vague mondiale de sympathie dont il est l’objet vaut son pesant d’or. Face à la brute Trump, le premier ministre canadien est un modèle de tempérance.


Même ses pires adversaires au pays, incluant l’ex-premier ministre conservateur Stephen Harper, lui offrent leur « solidarité ». À une année et des poussières des élections fédérales, Justin Trudeau a de bonnes chances d’en récolter un second souffle. Le Parti libéral du Canada reculant dans les sondages, ce cadeau involontaire de Trump n’est sûrement pas de refus.


Comme quoi, pour M. Trudeau, à quelque chose malheur est bon. Qui sait ? En faisant son numéro d’ogre hystérique, Donald Trump, sans le savoir, vient peut-être d’offrir à Justin Trudeau une deuxième victoire électorale. À la condition, bien sûr, que le Canada n’ait pas la malchance de subir une vraie guerre commerciale dont il sortirait assurément perdant.