Le Canada «nouveau» est-il arrivé?

Les auteurs de The Big Shift soutiennent que l’avenir de la fédération n’est plus déterminé par le « consensus laurentien »

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Le Québec n'a aucune place dans ce Canada-là

Le livre The Big Shift (Harper Collins, 2013, 294 p.), passé largement inaperçu au Québec mais remarqué ailleurs au Canada, avance l’idée que le pays est entré pour de bon dans une ère où le pouvoir et le leadership politique proviendront des provinces de l’Ouest et des communautés issues de l’immigration. Pour les auteurs, Darrell Bricker et John Ibbitson (le premier dirige la firme Ipsos et le second est chroniqueur politique au Globe and Mail), c’est la fin du « consensus laurentien », à savoir la domination politique exercée par les élites du Québec et de l’Ontario au cours du XXe siècle. Ce consensus était progressiste et pacifiste. Ses valeurs et ses idées étaient largement partagées non seulement par les politiciens et les fonctionnaires, mais également par les grands médias et les intellectuels, d’où la notion de consensus.

Le consensus laurentien a largement encouragé l’ouverture du Canada à l’immigration. Or ces immigrants ne partagent pas les idées du consensus laurentien en ce qui a trait à un État fort procédant à des transferts des plus riches aux plus démunis. Ils sont plutôt en accord avec un conservatisme culturel et fiscal qui, jusqu’à récemment, était l’apanage des provinces de l’Ouest.

Selon les auteurs, un point tournant est survenu lors des élections fédérales de 2011, alors que les communautés issues de l’immigration de la grande région de Toronto ont voté comme les résidants des Prairies pour assurer l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire. Contrairement à l’élite progressiste du Canada central, qui espère la fin prochaine de l’aberration qui aurait frappé l’électorat, les auteurs sont convaincus que cette prédominance des valeurs conservatrices est là pour durer.

Le consensus laurentien acceptait largement la notion que le Canada était issu d’un pacte de cohabitation entre francophones et anglophones et que, en conséquence, il fallait le mieux possible accommoder les exigences du Québec pour éviter une rupture éventuelle du Canada. Selon Bricker et Ibbitson, la vieille tension entre Canadiens français et Canadiens anglais n’a plus aucune résonance endehors du Québec.

Le Québec étant le dernier bastion du progressisme au Canada, la contre-attaque visant le règne des conservateurs devrait logiquement en provenir. Mais les auteurs ne croient guère à cette résurgence du leadership politique du Québec au sein du Canada, puisque les gains électoraux de la Coalition avenir Québec (CAQ) dénotent un progrès non négligeable des valeurs conservatrices au Québec également.

Les deux auteurs ne s’inquiètent nullement du fait qu’en 2030 plus de 60 % des Torontois et des Vancouvérois seront issus de l’immigration récente. À ceux que préoccupe la disparition éventuelle des valeurs canadiennes, ils objectent que les valeurs canadiennes sont désormais façonnées par les immigrants. Comme Toronto et Vancouver, le Canada devient de plus en plus une société postnationale et, en cela, il préfigure peut-être l’humanité de l’avenir. Le premier ministre Laurier avait prédit que le XXe siècle serait celui où le Canada brillerait aux yeux du monde. Peut-être sera-ce finalement le XXIe.

Mais, pour paraphraser Calderon, le meilleur ou le pire n’est pas toujours certain. Surtout en politique, où les choses changent parfois rapidement. De fait, les résultats des dernières élections ontariennes jettent un doute sur la thèse des deux auteurs, puisque le Parti conservateur de Tim Hudak a enregistré des pertes très sensibles dans la couronne torontoise, soit précisément là où devrait reposer la clé d’un long règne des conservateurs fédéraux. Il faudra donc attendre les élections fédérales de 2015 pour mieux juger si le Canada nouveau, incarné par les conservateurs, est vraiment là pour rester.


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