Le dossier des services secrets canadiens sur Pierre Elliott Trudeau a failli être épargné

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Tout a été fait pour masquer les sympathies fascistes de Trudeau dans l'avant-guerre et communistes dans l'après-guerre

OTTAWA - Un dossier secret du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) sur Pierre Elliott Trudeau a failli être épargné de la destruction il y a 30 ans, selon des notes internes nouvellement dévoilées.


Cependant, la recommandation datant d’octobre 1988 selon laquelle le dossier sur l’ancien premier ministre devait être préservé pendant au moins une autre décennie a été rejetée à peine quelques jours plus tard, scellant ainsi son destin.


La Presse canadienne a révélé le mois dernier que le SCRS avait détruit le dossier sur M. Trudeau remontant à la guerre froide en 1989, au lieu de l’envoyer aux archives nationales.


Le dossier sur Pierre Elliott Trudeau est l’un des centaines de milliers de dossiers dont le SCRS avait hérité dans les années 1980 après la dissolution de l’ancien département de sécurité de la GRC à la suite d’une série de scandales.


Le SCRS a déclaré que le dossier Trudeau avait été détruit, car il ne correspondait pas aux critères pour être conservé par le service ou les archives.


Le service de renseignement se défend en disant qu’il n’a pu trouver une base juridique qui lui aurait permis de conserver ce dossier ou de le remettre aux archives.


La nouvelle a déplu à d’éminents historiens, qui estiment que les renseignements sur un premier ministre devraient être conservés sans hésitation, compte tenu de leur importance pour les archives publiques nationales.


Bien que le contenu du dossier Trudeau reste un mystère, la GRC pourrait avoir pris des notes sur le soutien du futur premier ministre à la grève des mineurs d’amiante au Québec ou sur ses voyages exotiques, dont un en Union soviétique au début des années 1950.


Pierre Elliott Trudeau, le troisième premier ministre ayant régné le plus de temps au pays, a quitté ses fonctions en 1984 et est décédé en 2000.


Les documents internes du SCRS, publiés ce mois-ci en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, ont permis de mieux comprendre comment la décision de détruire le dossier Trudeau avait été prise.


Les réviseurs qui ont parcouru les fichiers à la fin des années 1980 ont utilisé des critères généraux pour déterminer si un fichier avait une valeur archivistique lorsqu’il n’était plus nécessaire pour des raisons opérationnelles.


Ils ont examiné si le matériel en cause:


- émanait de cas ou d’événements inhabituels ou importants;


- provenait d’enquêtes utilisant des techniques ou méthodes exceptionnelles;


- contenait des avis juridiques relatifs à des affaires;


- renfermait des informations échangées avec une autre agence;


- concernait des questions disciplinaires internes;


- contenait des informations que la loi oblige à conserver.


Dans une note nouvellement déclassifiée datant du 24 octobre 1988, il était indiqué que M. Trudeau «pourrait faire l’objet de menaces ou d’actes de violence futurs», compte tenu de sa grande notoriété, ou pourrait faire l’objet de demandes d’évaluation de la menace émanant d’agences de pays alliés lors de séjours à l’étranger - c’est-à-dire que le dossier sur M. Trudeau pourrait être utile pour comprendre comment mieux assurer sa protection.


Le réviseur non nommé a donc recommandé que le fichier «soit conservé pendant une nouvelle période de 10 ans à des fins de sécurité VIP».


«Le dossier doit être à nouveau examiné et évalué à ce moment pour établir s’il est nécessaire ou non», a-t-il ajouté.


Deux jours plus tard, une note rédigée apparemment avec la même écriture indiquait qu’il n’existait aucune «exigence en matière d’enquête», ajoutant que le fichier «ne relève pas des critères d’archivage», donc qu’il devait être «détruit».


Reid Morden, le directeur du SCRS à l’époque, affirme qu’il n’a pas pris la décision. Il ne se souvient pas d’avoir entendu parler d’un dossier sur M. Trudeau ou d’autres personnalités politiques.


«C’est le genre de chose dont on se souvient», a-t-il souligné en entrevue.


On sait depuis des années que d’anciens dossiers de sécurité sur les anciens premiers ministres John Diefenbaker et Lester Pearson ont également été détruits. Les dossiers des anciens premiers ministres Diefenbaker, Pearson et Trudeau ont tous été détruits le 30 janvier 1989, selon les notes récemment publiées.


«Si les archives avaient dit: «Nous voulons garder cela», le résultat aurait été différent», a avancé M. Morden.


La police fédérale américaine (FBI), qui travaillait en étroite collaboration avec les services de sécurité de la GRC, avait un dossier sur M. Pearson composé d’insinuations et de ouï-dire, mais qui ne prouvait pas qu’il avait des liens communistes.


Dans une note du 1er novembre 1988 du SCRS recommandant la destruction du dossier Pearson, il est écrit: «Rien d’important dans le dossier qui ne soit pas couvert par un compte rendu publié de journal».


Certains dossiers, dont ceux sur le premier ministre du Québec, René Lévesque, et les chefs du NPD, David Lewis et Tommy Douglas, se sont retrouvés dans les archives nationales.


Une note de service au dossier Lewis datée du 25 octobre 1988 indique qu’il n’y a «aucune obligation claire» de transmettre le document aux archives, mais il affirme qu’il contient des documents présentant un «intérêt particulier», notamment un discours prononcé en 1939 à l’hôtel Château Laurier, à Ottawa, lorsque M. Lewis était un jeune dirigeant de la Fédération du Commonwealth coopératif.


«La nature des informations (en particulier dans les premiers volumes) est telle que je recommanderais que le fichier soit envoyé aux Archives», est-il indiqué.




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