Festival d'été de Québec

Le poids d'une langue

Quand l'entreprise irresponsable détruit l'environnement culturel.



Le Festival d'été de Québec baigne dans le succès et enchaîne les superlatifs. L'enthousiasme débordant des festivaliers pour l'événement culturel de l'été ne se dément pas. D'année en année, on s'arrache les laissez-passer qui permettront de décoller en chansons à Québec. Une éclatante réussite, que nous saluons. Ce succès donne des ailes. Mais des éléments, comme le français au programme, pèsent comme un «fardeau»...
Dans un entretien accordé au Devoir, le directeur général du Festival d'été de Québec, Daniel Gélinas, confie à quel point il est doux de voir l'engouement de la population de Québec pour ce festival devenu un incontournable. Le compteur de la billetterie lui sert évidemment de caution pour prouver ce qu'il avance. Public énorme. Vaste site. Grosses têtes d'affiche. Événement mondial. Le bonheur des foules n'a d'égal que l'ambition de ces organisateurs. Fort bien.
Dans ce contexte festif, on nous pardonnera d'entonner un refrain connu, mais néanmoins important. Interrogé sur la présence francophone au festival, objet de vives critiques au cours des dernières éditions, le directeur Gélinas a eu cette phrase malheureuse: «Je pense qu'il y a eu une distorsion dans l'esprit des gens, qui croyaient que le FEQ avait la responsabilité, le fardeau, de présenter de la musique francophone, a-t-il dit au Devoir. Je n'ai jamais compris pourquoi ça nous est tombé sur les épaules, alors que ça n'arrive pas au Festival de jazz. On est le Festival d'été de Québec.»
Le français en musique, un fardeau sous lequel on ploie? Triste perspective. La vraie distorsion n'est peut-être pas dans l'esprit que l'on croit. Le Festival de jazz fait du jazz. Les FrancoFolies de Montréal offrent l'espace à la chanson francophone. Le Festival d'été, lui, n'a pas une mission qui commande une prépondérance du français. Mais l'obligation est-elle nécessaire? Cet orgueil du fait français devrait couler de source plutôt que d'être déployé en mode défensif.
On ne commencera certes pas à sortir la calculette pour faire la statistique des notes poussées en français à Québec. Là n'est pas la question. Hier soir, Paris-Québec sous les étoiles inaugurait le FEQ tout en français, et on ne peut que s'en réjouir, comme on applaudit aussi à l'arrivée de canons venus d'outre-mer. La bataille à mener, s'il en est une, va bien au-delà des chiffres. Elle touche précisément cette perspective sombre que M. Gélinas évoque spontanément, comme l'avait fait avant lui Dominique Goulet l'an dernier en précisant que la chanson française n'avait pas d'avenir.
La mondialisation et la force des marchés servent généralement à soutenir des affirmations comme celles-là. Dans un marché planétaire, la diversité est la bienvenue sur nos scènes. Mais plus que jamais, pour éviter d'être engloutis là où nous sommes à la fois le plus fragiles et le plus forts, c'est-à-dire sur le plan culturel, il faudra aux francophones, collectivement et individuellement, affirmer leur volonté d'imposer leur langue.
Cette affirmation du fait français peut se déployer sans pour autant conduire au repli sur soi, un équilibre difficile à atteindre, on en conviendra. Mais elle commandera toujours un ingrédient indispensable nommé fierté. Quelque chose qui n'a rien d'un fardeau, mais qui se porte et se défend avec légèreté.


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