Les gains de capitaux déclarés (il y en a beaucoup qui ne sont pas déclarés et qui prennent hélas la direction des paradis fiscaux) constituent un autre important et indécent abri fiscal consenti à une infime minorité de superiches qui prive les gouvernements d’au moins dix milliards$ l’an.
Si le salaire du travailleur ordinaire est taxable entièrement, seulement la moitié des gains de capitaux des pachas, donneurs de leçons par excellence sur comment gérer l’État, est imposable. Inacceptable.
Selon les données fiscales factuelles de l’Agence du revenu du Canada, ceux qui, en 2007, ont déclaré un revenu fiscal (largement inférieur au vrai revenu économique) de plus de 100 000$ et qui ont réalisé un gain en capital (sur vente d’actions, immeubles, œuvres d’art, compagnie, etc.) ont représenté seulement 2% de l’ensemble des 24 600 590 contribuables canadiens mais ont réussi à monopoliser 72% de tous les gains en capital.
Ceux qui ont déclaré des revenus fiscaux de 250 000$ et plus n’ont représenté que 4/10 de 1% des contribuables mais ont accaparé 50% de tous les gains en capital. Ça ne peut être plus limpide comme injustice. On appelle ça concentration excessive de la richesse.
Vous le savez bien qu’imposer seulement la moitié du gain de capital représente un formidable cadeau de luxe à ceux qui baignent justement dans le luxe. Dites-moi, au nom de quel principe le gouvernement taxe à 100% le revenu du travail et à seulement 50% le revenu de capital?
Pour stimuler l’économie et créer de la richesse collective, c’est le contraire qu’il faudrait adopter comme politique fiscale. En effet, c’est le revenu issu du travail qui seul produit concrètement des biens et des services, alors que les gains de capitaux ne sont pas réinvestis dans l’économie et ne font qu’engendrer de la spéculation stérile et contre-productive.
Disons que pour réaliser un gain en capital, faut d’abord et avant tout détenir des capitaux. Élémentaire mon cher Watson. Mais, la majorité des Canadiens n’ont pas de capitaux. Ils ont plutôt des grosses dettes. Facile à comprendre quand l’Agence du revenu du Canada signale que 66% des contribuables du pays gagnent moins de 40 000$ l’an et 53% moins de 30 000$. Vous conviendrez avec moi que pour ces gens, l’endettement est leur lot quotidien. Il leur est vraiment impossible d’investir et d’épargner.
Dans La Presse du 21 septembre 2009, même l’économiste en chef de la Banque de Montréal, madame Sherry Cooper, l’a candidement reconnu en disant : «Épargner, l’affaire des riches».
Comme si cette odieuse magouille fiscale, consentie aux pontifes par leurs politiciens affiliés et corrompus, sur les gains en capitaux n’était pas assez dégoûtante, eh bien!, attachez votre tuque et votre capine, car plusieurs milliardaires au Québec et au Canada réalisent des gains en capital de plusieurs centaines de millions de dollars sans payer aucun impôt sur le revenu grâce, encore une fois, à la complicité de leurs élus apparentés et de leurs serviables banques qui n’ont pas de pareil pour détourner des milliards de dollars chaque année dans les paradis fiscaux où elles comptent des centaines de filiales.
Comme ces énormes gains ne sont pas imposables du tout, les seigneurs n’ont pas à les déclarer dans leur rapport d’impôt et n’entrent donc pas dans les statistiques fiscales tronquées par cette gigantesque omission, comme d’ailleurs les milliards détournés dans leurs paradis fiscaux.
Faisons une très brève revue de presse afin d’illustrer certains cas tout à fait intolérables. Par exemple, Rémi Marcoux, fondateur et actionnaire majoritaire de Transcontinental (médias écrits) liquide pour 57,6 millions$ d’actions de sa compagnie (en vue de sa succession qu’il a dit) et ne paie aucun impôt (Argent, 10 août 2010).
Paul Desmarais empoche 242,2 millions$ en vendant 6,5 millions d’actions de Power Corporation (à des fins de gestion du patrimoine qu’il a dit) et paie zéro impôt sur le revenu (Le Journal de Montréal, 12 janvier 2008).
Et il y a Guy Laliberté qui vend 20% des parts du Cirque du Soleil à de riches Arabes de Dubaï pour la modique somme de 400 millions de dollars, sans évidemment payer d’impôt (Le Journal de Montréal, 7 août 2008).
C’est le plus sérieusement du monde qu’il a affirmé : «Ça sécurise une partie de mon futur et celui de ma famille. Je pense que c’est ma responsabilité de parent, de père». Vraiment touchant, ça me fait pleurer comme trois veaux.
Oh, oh, il y a aussi les deux fondateurs et propriétaires majoritaires de CGI (sous-traitant informatique), messieurs Serge Godin et André Imbeau qui empochent un petit 126,2 millions$ de rien du tout à la vente d’actions de leur entreprise sans devoir rien payer au fisc.
Les familles Bombardier, Chagnon, (Vidéotron), Gillett (Canadien de Montréal) et d’autres ont utilisé à maintes reprises le même stratagème fiscal afin d’éviter de payer quoi que ce soit au fisc et ainsi veiller en bon père et en bonne mère de famille à protéger l’héritage de leur progéniture. Vraiment ignoble.
Et les banques canadiennes qui se targuent d’offrir ce service aux superiches en mettant en place des structures fiscales comme des fiducies familiales et des contrats à terme. Des bandits à cravate qui devraient faire un séjour en prison.
Comme au Canada (contrairement à l’Europe et même les Etats-Unis) il n’y a pas d’impôt successoral à payer au décès aux gouvernements du Canada et du Québec (depuis 1972), cela signifie que ces revenus de plusieurs milliards ne seront jamais imposables.
On perpétue des fortunes avec la bénédiction des élus. Après ça on vient vous parler d’égalité des chances dès la naissance. Révoltant. Faudrait virer la baraque à l’envers.
Pendant que nos gouvernements détaxent les riches profiteurs et les entreprises, ils ne se gênent pas du tout pour taxer régressivement la classe moyenne en augmentant allègrement la TVQ de deux points, c’est-à-dire de plus de 20%, en rehaussant vigoureusement les frais de scolarité, le coût du transport en commun, les tarifs d’électricité, etc. et en instaurant un impôt fixe santé et des péages sur certaines autoroutes.
Malheureusement, le monde ordinaire n’a pas les moyens de se payer d’ex-péquistes et d’ex-bloquistes recyclés en lobbyistes comme Lucien Bouchard (Talisman), André Boisclair (Questerre), Guy Chevrette (papetières) et Yvan Loubier (minières) pour défendre leur cause. Les libéraux appellent ça moderniser et réingénérer l’État et le clown à Charest qualifie ça de libéralisme social. À faire vomir.
Et il y a l’innocent ministre libéral Raymond Bachand qui nous demande en cette période de crise d’être «solidaires» (La Presse, 22 février 2009) et l’ex-banquier devenu ministre libéral Clément Gignac qui nous implore d’être «raisonnables».
Bachand et Gignac, dites-moi si c’est ça être «raisonnable» et faire preuve de «solidarité» que de ne pas faire payer aucun impôt sur le revenu sur des milliards en gains de capital réalisés par vos amis fortunés?
Vous pouvez ben faire vos fanfarons et vos matamores avec le monde ordinaire et, au même moment, vous faire complices de monstrueuses arnaques fiscales effectuées par vos opportunistes attitrés qui privent l’État de milliards de dollars chaque année.
Nos services publics peuvent bien être en ruine. Pas tellement grave puisque vos amis ne les utilisent pas, ayant leurs propres systèmes de santé et d’éducation «privés» qui n’ont de privé que le nom, étant grassement subventionnés par des fonds publics, c’est-à-dire par le monde ordinaire que vous fourrez continuellement sans aucune gêne.
Je sais bien qu’encore une fois vous allez dire que je suis un socialiste rêveur et caricatural qui s’en prend gratuitement à nos riches bienfaiteurs. J’en ai rien à cirer de l’opinion que vous et vos semblables avez de moi.
Incroyable mais vrai, mes amis. Au Québec et au Canada on a maintenant, et par une bonne marge, une fiscalité moins équitable qu’aux Etats-Unis, même du temps de la présidence de Bush junior. Faut le faire.
Puis-je vous mentionner qu’aux States, il y a de gros impôts successoraux, mais pas ici. Ils n’ont pas de taxe de vente fédérale (TPS), mais ici oui. Les compagnies américaines ont un taux d’impôt sur le revenu statutaire deux fois plus élevé que les entreprises québécoises et les Américains ont six paliers d’imposition alors que nous en comptons seulement trois, ce qui se rapproche du taux d’impôt unique. La belle affaire!
Et puis, aux Etats-Unis et en Ontario, l’État ne verse aucune subvention aux écoles privées alors que Québec leur verse 400 millions$ l’an. Pour financer publiquement des écoles et des cliniques privées, l’Orchestre symphonique de Montréal et un nouvel amphithéâtre à Québec, le Québec n’est jamais trop pauvre et sa dette publique ne pose jamais alors aucun problème.
On brandit la «pauvreté» et la dette «abyssale» du Québec seulement pour «justifier» le sous-financement criminel de nos services publics et les coupures «nécessaires» à répétition dans la santé et l’éducation comme la dernière de 800 millions$ en date du 16 septembre 2011.
Pour atteindre leur ridicule déficit zéro, ils n’ont de solution que de taxer la classe moyenne et de varger dans leurs services sociaux. Pas touche toutefois aux vaches très sacrées des bonzes, idolâtrés qu’ils sont par Charest et sa gang de crapules.
Le silence de La Presse et du Devoir
Naturellement, La Presse n’a pas envoyé de journaliste à ma dernière conférence de presse du 30 août dernier et ne l’a donc pas couverte, car les gains de capitaux relèvent du domaine des abris fiscaux (REER, CÉLI, REEE, accréditives, etc.) qui représentent un domaine d’activités important et lucratif pour sa compagnie-mère Power par le biais de ses filiales Investors, Mackenzie, London Life, Great West Life, Canada Life, etc. Faut pas mordre la main de ceux qui nous nourrissent, n’est-ce pas?
Pourtant, j’avais envoyé un courriel à l’actuel rédacteur en chef de La Presse André Pratte qui, du temps qu’il était simple chroniqueur et plus critique, avait pondu le 17 septembre 1998 un texte virulent intitulé : «Un recel au grand jour. Les exemptions fiscales de gains en capital profitent aux nantis, déplore un spécialiste».
Mais depuis monsieur Pratte a cheminé, tout comme Alain Dubuc du même quotidien qui était marxiste dans son jeune temps, et sont devenus tous les deux, avec le temps et les retombées économiques collatérales, des mascottes un peu beaucoup comme l’est Youpi. Je m’excuse. Il n’est pas du tout nécessaire d’insulter ce bon vieux Youpi.
De toute façon, la perspicace journaliste Hélène Baril était très occupée cette journée-là à pondre un important article pour ses commanditaires de l’industrie du pétrole, du gaz et des mines et à interviewer leurs économistes universitaires de service et leur lobbyste en chef Lucien Bouchard, dit le «toupet».
Quant à Rudy Le Cours qui se croit chroniqueur au New York Times ou au journal Le Monde, il épluchait une étude de l’organisme de recherche patronal du CD Howe ou du Conference Board. Rudy c’est l’intello de droite de la section économie de La Presse, comme l’est la suave Nathalie Petrowski de la section arts et spectacles.
Oh, comme j’aimerais avoir les moyens de Gilbert Rozon et pouvoir me payer un journaliste régulier comme Éric Clément de La Presse qui rédige un article sur une base quasi-quotidienne très louangeur au festival Juste pour rire et qui voit en Rozon le prochain maire de Montréal.
Félicitations à vos textes approfondis monsieur Clément, madame Baril et aussi Claude Picher que je soupçconne d’être sur le «payroll» du Fraser Institute.
Quant au Devoir, faut pas compter sur le journaliste économique Gérard Bérubé, lui qui a rédigé le 24 mai 2008 un article très favorable à ces énormes gains en capital exempts d’impôts qu’il a intitulé : «Toutes ces fortunes qu’il faudra bien gérer».
Son texte se voulait aussi une publicité, pas tout à fait gratuite, pour la Banque Nationale qui offre ce genre de service très payant aux Québécois. Bravo monsieur Bérubé pour votre objectivité.
Quant à ses collègues, ils couvrent seulement les grands principes économiques et fiscaux et ne sont pas à l’aise pour traiter de sujets précis et de leurs impacts réels dévastateurs sur les finances publiques. Ils ne veulent pas s’embarquer dans des domaines qu’ils ne maîtrisent pas très bien.
Tiens, juste pour mes amis journalistes de ces deux quotidiens, je leur suggère instamment un abonnement à la revue américaine Business Week. Ça éclairerait leurs lanternes et ça développerait leur sens critique en matière de fiscalité. Pourquoi messieurs-dames ne pas commencer par lire ce texte très intéressant paru dans le numéro du 26 septembre 2010 intitulé : «Taxes-Stocking up the Bush tax cuts». Vous m’en donnerez des nouvelles, amis journalistes.
Le Journal de Montréal a bien ses défauts et est regardé souvent de haut par La Presse et Le Devoir. Mais, même s’il porte beaucoup à droite (autant que La Presse) avec ses nouvelles orientées et ses chroniqueurs très idéologiques, il a tout de même affecté un journaliste à notre conférence de presse et l’ensemble du groupe Quebecor a couvert notre récente étude et la précédente (qui avait portée sur les abris fiscaux) tout en demandant l’avis d’individus et d’organismes qui ne partagent pas le même point de vue que nous.
Le scandale des gros gains de capitaux
Dites-moi, au nom de quel principe le gouvernement taxe à 100% le revenu du travail et à seulement 50% le revenu de capital?
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