Semaine d'actions contre le racisme

Les autochtones aux prises avec le racisme

Actualité québécoise 2011



Refuge pour femmes inuites à Montréal. À une discrimination systémique dont sont victimes les Premiers Peuples s’ajoute une discrimination sourde à l’égard des autochtones, que ce soit dans les lieux de travail, dans le logement, dans les commerces, etc.

Photo : Annik MH De Carufel - Le Devoir


En raison de l'absence des Premiers Peuples de la politique gouvernementale, un colloque est organisé les 21 et 22 mars prochains sous le thème «Pour un Québec fier de ses relations avec les Premiers Peuples: politique et plan d'action pour contrer le racisme», et ce, dans le cadre de la Semaine d'actions contre le racisme. Nous estimons urgent d'entamer le débat et de baliser la réflexion au sujet d'une politique de lutte contre le racisme à l'égard des Premiers Peuples.
La discrimination n'a pas cessé
La discrimination à l'égard des Premiers Peuples fait l'objet de débats depuis le début de la colonie. En 1992, dans son livre The Imaginary Indian, Daniel Francis a démontré comment la construction de «l'Indien» a marqué l'imaginaire populaire depuis le début de la colonie. Du «bon sauvage», selon les époques, on en fait un ennemi dans de nombreux films «western». On l'a surtout défini comme un être inférieur à civiliser. Mais, au fil du temps, toutes les mises en scène mièvres, folkloriques et réductrices ont contribué à maintenir la dure réalité de la discrimination à l'égard des Premiers Peuples.
Les gouvernements n'ont pas toujours respecté les nombreux traités signés avec eux. Les grandes sociétés transnationales d'exploitation des ressources naturelles encore moins. Les politiques discriminatoires d'exclusion aussi, en premier lieu par la constitution des réserves, les tentatives d'assimilation forcée par la sédentarisation et l'évangélisation et l'éducation dans les pensionnats.
Au-delà de la discrimination systémique comme l'exclusion sociale et la pauvreté, phénomènes bien connus dans les communautés autochtones, les rapports interpersonnels avec les Premiers Peuples restent encore marqués par des perceptions négatives, des stéréotypes, des images dégradantes, etc. À cette discrimination de fond s'ajoute la discrimination sourde à l'égard des autochtones, que ce soit dans les lieux de travail, dans le logement, dans les commerces, etc.
Un changement des mentalités et surtout une nouvelle approche des politiques de lutte contre le racisme à l'égard des Premiers Peuples s'imposent.
Regard international
En septembre 2001, les États membres de l'ONU et les représentants de la société civile se sont réunis à Durban, Afrique du Sud, dans le cadre de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. La déclaration finale exhortait les États à «nommer et reconnaître» le racisme, à prévenir et à atténuer les effets néfastes de la mondialisation sur les populations marginalisées et racisées «lesquels peuvent aggraver, entre autres, la pauvreté, le sous-développement, la marginalisation, l'exclusion sociale, l'homogénéisation culturelle et les disparités économiques qui peuvent se manifester selon des critères raciaux, au sein des États et entre eux, et avoir une incidence néfaste» et aussi à se doter de plans d'action.
Créée 2004, la Coalition internationale des villes contre le racisme invite les gouvernements et les municipalités à adopter des plans d'action contre le racisme. En 2010, 43 municipalités canadiennes (dont 4 situées au Québec) avaient adhéré à la Coalition canadienne des municipalités contre le racisme et la discrimination. Et les plans d'action en 10 points proposent des mesures précises qui concernent les autochtones.
En 2005, le gouvernement canadien adoptait un Plan canadien d'action contre le racisme dans lequel des mesures à l'égard des Premiers Peuples sont intégrées. En 2007, la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones fut adoptée par la plupart des pays, sauf le Canada qui ne l'a signée qu'en 2010.
Au Québec
Les faits sont têtus, et pour vaincre la discrimination et le racisme, il faut plus que des voeux pieux. Des changements de politiques et de mentalités doivent finir par prendre racine.
En 2006, les autochtones ont été exclus du document de consultation du gouvernement du Québec Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et contre la discrimination dans les termes suivants: «Les autochtones ne sont pas visés par le présent projet de politique. En effet, bien qu'ils puissent être touchés, comme les personnes des communautés culturelles et des minorités visibles, par les préjugés et la discrimination, et qu'ils puissent profiter des mesures mises en oeuvre dans le cadre de la politique...»
Dès 2006, des dizaines d'organismes, dont la Commission des droits de la personne et droits de la jeunesse ont dénoncé cette mise à l'écart en arguant que cette position allait contribuer à isoler et à marginaliser davantage les populations autochtones. Tous ces organismes s'entendaient sur le fait qu'une discrimination pratiquée depuis des siècles a des conséquences graves sur ces populations, ce qu'a illustré en 2002 le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones. En 2008, la commission Bouchard-Taylor a réitéré le même type d'argument.
Enfin, la politique gouvernementale de 2008 «La diversité: une valeur ajoutée» va dans le même sens: «En raison de ce statut de nations, du cadre législatif spécifique qui les concerne ainsi que de la concertation nécessaire avec les instances autochtones, les solutions aux problèmes de racisme et de discrimination des nations autochtones ne sont pas élaborées dans la présente politique. Cependant, l'esprit de la politique et les grands principes d'ouverture, d'équité et d'égalité s'appliquent également aux nations.» Il est donc temps de se mettre à l'ouvrage. Peu a été fait, beaucoup reste à faire.
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Micheline Labelle, professeure de sociologie et titulaire de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté de l'UQAM
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André Jacob, coordonnateur de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations de l'UQAM


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