Les bons gars

Chronique de Louis Lapointe

Mon ancien patron et recteur, Rémy Trudel, s’est présenté comme candidat du NPD en 1988. À l’époque, il n’y avait pas de Bloc Québécois à Ottawa. Les indépendantistes avaient alors le choix de voter pour des partis fédéralistes, pour les rhinocéros, s’abstenir ou tout simplement annuler leur bulletin de vote.
Comme Jack Layton, Rémy Trudel était un gars très sympathique, un recteur atypique avec sa ferme, son tracteur et ses poules. Originaire de Mauricie, fils de cultivateur et treizième enfant d’une famille de treize enfants, Rémy avait le grand avantage de connaître le monde des régions. Il avait tout du politicien populiste qui recherche constamment les micros, les tribunes et les caméras.
Pendant que le Québec s’apprêtait à voter pour Brian Mulroney, Lucien Bouchard, l’entente du Lac Meech et le libre-échange, le comté de Témiscamingue flirtait avec le NPD de Ed Broadbent grâce à Rémy Trudel qui se faisait de nouveaux amis chaque jour en parcourant les villages et campagnes du Témiscamingue.
Même s’il était peu connu au début de la campagne électorale, grâce à son bagou, Rémy Trudel est venu à un cheveu de remporter l’élection avec 38% du suffrage, ne concédant qu’un peu plus de 1,000 voix à son adversaire conservateur. Notre comté, comme le reste du Québec, avait décidé de renouveler sa confiance à Brian Mulroney. Nous ne savions pas à l’époque que ce choix collectif allait nous ouvrir la voie vers l’indépendance du Québec.
Rétrospectivement, élire Rémy Trudel et le NPD, un parti encore plus centralisateur que celui des Libéraux, aurait été contre les intérêts du Québec.
J’avais donc le choix, cette année-là, de voter pour l’homme ou une autre vision du Canada que présentaient les conservateurs, mais dans les deux cas, contre mes convictions fondamentalement indépendantistes.
Ne pouvant m'y résoudre, j’ai donc décidé d’annuler mon vote comme je l’avais fait à chaque élection fédérale depuis que je votais.
Depuis la fondation du Bloc, nous n’avons plus ce dilemme, nous pouvons toujours voter pour un de ses candidats, sachant que c’est la seule façon d’exprimer clairement notre ferveur indépendantiste.
Si le Bloc n’existait pas, combien de Québécois annuleraient et perdraient encore leur vote aujourd'hui?
Que le NPD soit le parti de bons gars, comme Rémy Trudel dans Témiscamingue en 1988 ou Jack Layton en 2011, ne changera pas le fait qu’il s’agit d’un parti centralisateur dont le programme propose d'envahir de nombreuses juridictions provinciales comme la santé, les services sociaux et l’éducation.
Un parti qui, grâce au pouvoir constitutionnel de dépenser dont bénéficie le gouvernement fédéral, grugera l’assiette fiscale des provinces comme l’ont fait jadis les Libéraux de Pierre Trudeau, allant à l'encontre des revendications traditionnelles du Québec et des vœux unanimes de l'Assemblée nationale.
En fait, Jack Layton nous présente une vision encore plus centralisatrice du Canada que celles de Michael Ignatieff et Stephen Harper, nous proposant effrontément d’augmenter nos impôts pour mieux s'ingérer dans nos propres juridictions, celles du Québec. Comment peut-on qualifier de sympathique un politicien qui prend le même chemin que Jean Chrétien et Pierre Trudeau?
Suffit-il que "tout le monde en parle" pour que la fiction devienne réalité, pour qu'un opportuniste devienne un bon gars?
***
Sur le même sujet:
Le livre rouge de Michael Ignatieff : matière à chicanes !

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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7 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    27 avril 2011

    @ Gilles:
    «Pensez-y, le sombre crétin va aussi être réélu dans Portneuf...»
    «On est pas sorti de l’auberge comme vous voyez. Faque bientôt il ne nous restera plus qu’à recommencer à annuler notre vote aux élections fédérales.»
    André Arthur, en effet, risque fort d'être réélu. Une insulte à la démocratie, et un pied-de-nez à l'intelligence humaine, je suppose... Mais que faudrait-il conclure, au sujet des électeurs qui vont voter pour la créature en question...?
    Au fond, un tel sombre crétin, comme vous dites si bien, n'est jamais plus fort, que le nombre de gens qui veulent bien lui remettre délibérément un quelconque pouvoir entre les mains!
    Quant à la future nécessité d'annuler nos votes... Vous voulez dire, si le Bloc n'existait plus? Attendez: si Harper devait obtenir la majorité, avec sa gang de rednecks, je crois que pas mal de québécois se réveilleront. Mais ils le feront top tard, hélas.

  • Lionel Lemay Répondre

    22 avril 2011

    Je l'ai dit plusieurs fois et je le redis encore: même si le BLOC n'aura jamais la majorité à Ottawa, c'est le seul parti dont tous les membres sont Québécois et qui sont là uniquement pour défendre les intérêts du Québec.
    J'ai proposé au BLOC de clamer haut et fort que s'il obtenait 50%+1 des votes du Québec, ce serait l'équivalent d'un référendum pour la souveraineté et ça permettrait au Parti Québécois, une fois au pouvoir, de voter une constitution du Québec et déclarer la souverainaté de notre nouveau pays, en toute légitimité, par l'Assemblée Nationale.
    Malheureusement, il semblerait que les politiciens ont peur de perdre des votes en affirmant leur volonté de faire l'indépendence du Québec mais, en ce faisant, ils perdent plusieurs militants qui sont tannés d'attendre et se dirigent vers d'autres partis.
    Je vais quand même voter pour eux dans l'espoir qu'ils se réveilleront avant qu'il ne soit trop tard.

  • Jean-Pierre Bouchard Répondre

    21 avril 2011

    Une erreur du Bloc, donner un accord ponctuel pour un appui à une coalition libéral-NPD en décembre 2008 créant le trouble dans la droite bloquiste? Le syndrome Éric Bédard.
    Tant que les Québécois se diviseront mettront l'accent sur l'individualisme plutôt que profondément l'intérêt collectif. Ce sera le mode résistance en mineur ou en majeur là, les Québécois voudraient s'offrir une résistance sur le mode mineur régresser politiquement comme en 1974 au fédéral et peut être aussi à Québec en donnant les clés aux manigances de F.Legault dans deux ans.
    L'interrogation sur la machine Power Corporation ne suffit pas à lire les commentaires de convertis NPD dans les blogues réactions du Devoir, une interrogation est à faire sur la nation sur sa faiblesse, son manque de force morale, sa capacité poreuse d'influence envers des médias pro statu quo.
    L'heure est plus qu'inquiétante, les médias parient déjà sur un vote bloquiste réduit à ses électeurs souverainistes convaincus.
    Le plus absurde c'est que le Québec est un pays distinct compris dans le Canada et c'est vrai. Rien ne sort sérieusement au Canada au sujet des cassettes sur le rôle occulte de Soudas pour la nomination d'un proche des conservateurs.
    Écoutez vous parfois le réseau canadien politique CPAC en version française ou non? L'émission anglophone traduite de P.Van Doren se félicite ce soir de la baisse de popularité des séparatistes et pas un mot sur Soudas bien sûr!
    La présence du journaliste de Bellavance de La Presse se passe de commentaires, il rayonnait de joie devant Van Doren.
    La Presse s'est trouvé son Parti Libéral numéro 2: le NPD.

  • Gaston Boivin Répondre

    20 avril 2011

    Jack Layton, c'est le genre de gars qui arrive chez-vous après une grosse tempête de neige, alors que vous êtes en train de commencer à pelleter votre entrée.
    Il arrive tout souriant en vous disant combien il vous aime et combien il veut vous aider. Plus il parle, plus vous regarder votre entrée et l'autre pelle qui est accotée sur le côté de la galerie, convaincu que vous êtes qu'il va s'en emparer pour vous donner un coup de main.
    Mais il continue à parler,..à parler et.. à parler et à vous répéter combien il vous aime et aime le Québec, et à quel point il veut créer au Québec des conditions gagnantes pour qu'on accepte de se laisser ainsi aimer par ce Canada qui n'a cesse de nous utiliser à son seul profit et à autrement nous ignorer, sauf parfois pour nous invectiver et nous accuser de vivre à son crochet.
    La dernière fois que l'on a nous a dit nous aimer autant, c'est quelque temps avant le vote de 1995 sur le Référendum alors qu'ils étaient des milliers venus de partout du Canada anglais pour nous donner le baiser de Judas et l'on se rappelle du reste! Depuis lors, ils n'ont cesse de nous trouver de plus en plus de défauts et de nous reprocher de ne pas être partis.
    Jack, il est comme les autres Canadians, il fait partie du reste du Canada et le reste du Canada , pour eux, ça passe avant le Québec, c'est à dire que l'intérêt national canadian, c'est d'abord avant tout les intérêts de toutes et chacune des autres provinces canadiennes qui passeront toutes et chacune nécessairement avant le Québec et ses intérêts.
    Le bon Jack l'a avoué en souriant au maire Lebeaume: Les chantiers des provinces maritimes et d'ailleurs au Canada passeront avant celui de la Davie! Le reste du Canada, dans ses parties diverses, sait faire Bloc contre le Québec pour ignorer les intérêts de celui-ci et privilégier ainsi ceux de toutes et chacunes de ses composantes.
    Jack est un vendeur! Il nous aime pour nos votes, uniquement pour cela. Mais en vérité, il se fout de nous autres!
    C'est certain qu'il est reparti sans pelleter mon entrée!

  • Archives de Vigile Répondre

    20 avril 2011

    «Suffit-il que "tout le monde en parle" pour que la fiction devienne réalité, pour qu’un opportuniste devienne un bon gars ?»
    Oui, tout à fait. Et ça nous donne une bonne idée de la maturité politique d'un grand nombre de Québécois.
    Pensez-y, le sombre crétin va aussi être réélu dans Portneuf...
    On est pas sorti de l'auberge comme vous voyez. Faque bientôt il ne nous restera plus qu'à recommencer à annuler notre vote aux élections fédérales.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    20 avril 2011

    C'est assez facile de conserver une image de bon gars, quand on n'exerce pas le pouvoir, et que l'on a pas à croiser le fer avec le Bloc, comme par exemple, si le Bloc défend les domaines de compétences québécois d'un gouvernement trop centralisateur.
    Peut-être aussi que trop de gens trouvent que Jack est un bon gars, parce qu'ils ne le connaissent pas assez bien et/ou qu'ils ont une connaissance insuffisante de sa vision des choses.
    Mais après tout, que pourrait nous offrir (de bon) un autre aspirant au poste de premier ministre canadien? Surtout que Jack Layton vit à Vancouver, région du Rest of Canada coupée de la réalité québécoise s'il en est une... Ou après l'Alberta et sa mentalité qui feraient presque paraître la droite américaine comme progressiste.
    Avec le beau Jack, on nous propose de demeurer soumis, enfermés dans un pays qui n'est pas le nôtre, et dont la majorité veut non seulement nous assimiler, mais paupériser notre nation! Jack, avec sa touche personnelle, nous le propose plus gentiment, c'est tout.
    Le drame, ici, est qu'il se trouve des électeurs québécois pour penser que Jack a vraiment quelque chose de nouveau et positif, à nous offrir. Et ces Québécois qui politiquement, auraient sans doute plutôt été enclins à voter Bloc, vont contribuer à l'affaiblissement de notre système de défense politique, face à Ottawa.
    À sa façon, Jack-le-sourire, n'est non pas insignifiant, mais un peu dangereux.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 avril 2011

    Tout à fait d'accord. J'aime bien Layton, mais c'est un fédéraliste et cela me suffit.
    Il faut votre en Bloc pour le Bloc pour leur montrer notre Qc, pour ne pas dire notre....
    Pierre Cloutier